Rapport trimestriel T3 2021 : les marchés persévèrent malgré les incertitudes

Pendant des années, les banques centrales américaines et européennes ont mené des politiques monétaires ultra-stimulantes pour aider l'économie à sortir du marasme et dans l'espoir de ramener les taux d'inflation vers 2 %. D'abord après la grande crise financière de 2008 et ces dernières années après la crise du Covid. Malgré des injections massives de liquidités sur le marché, l'inflation aux États-Unis et en Europe est restée bien en deçà de l'objectif de ces banques centrales. Ces derniers mois, comme nous l'avons vu plus haut, cela a fini par changer. Pourquoi l'inflation augmente-t-elle maintena nt? Est-ce un problème? Et quel est le risque que ça aille trop loin ?

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l'inflation augmente maintenant. On peut d'abord évoquer la crise du Covid. La pandémie a créé une grande incertitude pour de nombreux consommateurs en 2020. En conséquence, les familles ont commencé à épargner beaucoup plus l’an dernier. Maintenant, grâce à la vaccination extensive dans le monde occidental, l'incertitude est beaucoup moins grande, ces familles dépensent à nouveau. Une partie de l'argent économisé retourne dans l'économie. Cela crée une inflation induite par la demande et est un signe de croissance économique.

D'autre part, la crise du Covid a également causé beaucoup de problèmes logistiques. Le commerce mondial est l'une des pierres angulaires de notre économie, mais la crise pandémique crée encore de nombreux goulots d'étranglement dans le système qui doit acheminer les marchandises au bon endroit dans le monde. Il suffit de penser à la fermeture des principaux ports chinois après les épidémies de Covid dans certaines villes chinoises ou aux usines produisant des composants qui sont toujours obligées de fermer en raison des confinements. Sans oublier la pénurie mondiale de semi-conducteurs (indispensables à tout produit électronique) après que ces usines aient parfois été fermées pendant longtemps au cours de l'année écoulée en raison de la pandémie. Tout cela crée une grande pénurie de certaines matières premières et pièces nécessaires à la machine de production mondiale. Et logiquement cela provoque une forte hausse des prix.

En outre, les prix de l'énergie sont également en forte hausse. Là aussi on voit le double effet de la crise du Covid. En raison du redémarrage des économies mondiales, la demande d'énergie est en forte augmentation. Mais la production d'énergie a également été affectée l'année dernière par les goulots d'étranglement liés au Covid et la baisse des investissements. Ajoutez à cela l'hiver froid attendu en Europe et un été chaud en Asie, combinés à un passage aux énergies renouvelables, et nous assistons à un envol des prix de l'énergie.

Enfin, les hausses attendues de l'investissement public alimentent également les anticipations d'inflation. Les investissements massifs du gouvernement utilisent beaucoup de matières premières, les marchés financiers l'anticipent actuellement, ce qui entraîne une hausse des prix. L'année dernière, l'Europe a approuvé le Green Deal européen : pour sortir le continent de la crise économique provoquée par le Covid, l'Europe investira pleinement dans un passage à l'énergie durable. De même en Amérique, le président Biden et le parti démocrate travaillent avec diligence à une gigantesque loi sur les infrastructures. Si ces plans sont mis en œuvre, ils conduiront à une augmentation significative de la demande de matières premières et en conséquence à des augmentations de prix.

Fin août, le président de la Réserve fédérale américaine (la Fed), Jerome Powell, a annoncé que l’institution continuerait de soutenir l'économie et que les injections massives de liquidités par le biais d'achats d'obligations ne diminueront qu’à un rythme très progressif plus tard au cours du année. Sur ce, la Fed a indiqué qu'elle souhaitait continuer à fournir de l'oxygène financier à l'économie et ne s'inquiétait pas d'un boom de l'inflation. Selon la Fed, cette inflation est temporaire : les effets de la crise du Covid sont ponctuels et s'estomperont d'eux-mêmes. Dans l'intervalle, Powell a indiqué qu'il faudra peut-être un peu plus de temps pour que l'inflation recommence à baisser, mais sans remettre en cause son caractère temporaire, et cela donne la possibilité de compenser des années d'inflation inférieure à l'objectif fixé. La Fed reste donc déterminée à fournir une marge de manœuvre financière suffisante et à soutenir l'économie, même si elle supprime progressivement les achats d'obligations au cours des prochains mois.

La Banque centrale européenne (BCE) a également annoncé lors de sa réunion de septembre la poursuite de sa politique très stimulante. La BCE voit une bonne évolution de la croissance économique, du marché du travail européen et de l'inflation. Les chiffres de l'inflation européenne continuent d'augmenter, bien que cela ne soit pas une surprise et ait été largement anticipé par les marchés financiers. L'inflation a été légèrement plus élevée que prévu et la BCE a ajusté les anticipations d'inflation à la hausse. Ici aussi, on considère que cette inflation devrait être temporaire. Les prix élevés de l'énergie, un déroulement anormal de la période des soldes et des mesures fiscales temporaires en Allemagne en sont la cause. Les pénuries du côté de l'offre entraînent également une pression supplémentaire sur les prix. Tous ces facteurs pourraient revenir à la normale dans la période à venir. La BCE n'est donc pas encore préoccupée par ces chiffres d'inflation et cela permet au soutien monétaire de se poursuivre sans relâche.

La première étape majeure de la vague de réglementation que traverse la Chine actuellement a eu lieu pendant les mois d'été, lorsque des mesures de grande envergure ont été annoncées à l’encontre des cours particuliers aux étudiants. La société chinoise est très axée sur la performance, ce qui a créé ces dernières années une branche très rentable de l'économie chinoise : les cours particuliers. Les parents chinois sont prêts à payer de grosses sommes d'argent pour s'assurer que leurs enfants réussissent le mieux à l'école. Les entreprises ont sauté sur l’aubaine et ont pu réaliser des gains massifs, et ont vu leurs cours boursiers exploser.

L'un des objectifs du gouvernement chinois pour soutenir la classe moyenne est de réduire le coût de la vie des familles (le coût de l'éducation y pèse lourdement) et aussi d'encourager les familles à avoir plus d'un enfant. C'est pourquoi le parti a annoncé en juillet qu'il serait désormais illégal de faire du bénéfice sur les leçons particulières dans des matières également enseignées dans les écoles publiques. Tout le modèle économique des entreprises spécialisées dans ce domaine s'est effondré, et avec lui le cours de leurs actions.

Les géants chinois de la technologie, extrêmement rentables, sont également entrés dans la ligne de mire du gouvernement chinois. Par exemple, on a vu l’introduction d’une législation anti-monopole spécifiquement pour « l'économie des plateformes » qui fait référence aux sociétés internet qui offrent une grande variété de services : du commerce électronique aux paiements en passant par les livraisons dans les restaurants. La législation sur la sécurité et la confidentialité des données a également été renforcée.

Depuis l'introduction de cette nouvelle législation plus stricte, plusieurs des géants de la technologie en Chine ont fait l’objet de l’attention du régulateur. Didi, la réponse chinoise à Uber, a été contrainte d'arrêter l'enregistrement de nouveaux utilisateurs juste après son introduction en bourse aux États-Unis car sa cybersécurité était insuffisante. Alibaba, le géant chinois du commerce électronique, a également été condamné à une amende de 2,8 milliards de dollars pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché.

La victime la plus récente de la pression réglementaire accrue a été Evergrande et avec elle le reste du secteur de l'immobilier financier. Evergrande est le deuxième plus grand promoteur immobilier en Chine. Evergrande a acquis ce rôle de géant de l'immobilier en contractant beaucoup de dettes, souvent à court terme, et en investissant dans le boom immobilier promu par l'état en Chine.

Cependant, le régime du président Xi Jinping a resserré les conditions d'accès au crédit ces dernières années pour freiner la spéculation sur le marché immobilier. La campagne, menée par le président chinois et dont le slogan est « les maisons sont faites pour vivre, pas pour spéculer », interdit désormais la prévente de biens immobiliers jusqu'à ce que la construction soit terminée. Cependant, ce système était une partie importante du modèle commercial d'Evergrande.

Par ailleurs, en août 2020, le gouvernement chinois a imposé la règle des « 3 lignes rouges » à ne plus franchir dans l'activité de promoteur immobilier en termes d'endettement et de liquidité.

Lors d'un contrôle intermédiaire en avril, Evergrande a échoué sur les 3 lignes rouges. Depuis, la situation financière du groupe ne s'est pas améliorée, ce qui a progressivement conduit à la crise actuelle : alourdie par un endettement de plus de 300 milliards de dollars, l'entreprise semble de plus en plus incapable de respecter ses échéances de remboursement.

L'endettement d'Evergrande est incontestablement impressionnant, représentant près de 0,5 % des prêts commerciaux en Chine ; mais la majeure partie de cette dette est entre les mains d'investisseurs chinois ou de banques chinoises. Selon plusieurs spécialistes du secteur financier chinois, même la faillite resterait gérable pour les banques qui ont déjà amorti une grande partie des prêts.

De plus, il est fort probable que le gouvernement chinois intervienne pour éviter une faillite désordonnée du groupe. Il veut notamment éviter les troubles sociaux et mettra tout en œuvre pour protéger les ménages chinois qui ont emprunté pour acheter des appartements sur plan au groupe.

L'objectif premier est donc de réduire la spéculation immobilière à long terme, mais sans déclencher de crise aiguë à court terme. La Chine dispose également d'armes que les démocraties libérales traditionnelles n'ont pas : par exemple, elle peut forcer les entreprises publiques et faire pression sur les entreprises privées pour qu'elles rachètent les actifs d'Evergrande afin de mieux diversifier les risques. Nous supposons donc que cette crise peut se poursuivre encore quelques semaines/mois, mais ne dérapera pas vers une crise systémique.

Ce qui est frappant dans les trois vagues de réglementation ci-dessus, c'est que le gouvernement chinois prend toujours des mesures contre les excès du système semi-capitaliste et veut protéger sa classe moyenne (ce que l’on définit comme « la prospérité commune » en Chine). Qu'il s'agisse de maintenir l'éducation abordable, d'assurer une concurrence loyale dans le secteur de l'internet ou de maintenir le logement abordable, l'objectif à long terme est clair. Mais à court terme, cela a bien sûr un fort impact négatif sur les marchés financiers chinois et la confiance des acteurs économiques.

Nous sommes convaincus que le marché boursier chinois reste investissable, à condition de se concentrer sur des thèmes de croissance à long terme avec des perspectives favorables, comme la consommation domestique, la numérisation ou les énergies renouvelables. C'est ce que nous faisons tant dans la sélection de titres individuels que dans la sélection de fonds de tiers, toujours avec un ratio sain par rapport au portefeuille total.

Après la très bonne performance des bourses cette année, l'exposition aux actions a été légèrement réduite fin août. En août, nous avons de nouveau vu un peu plus d'incertitude sur les anticipations de croissance économique : quel sera l'impact économique de la nouvelle réglementation en Chine ? L'inflation va-t-elle trop augmenter, obligeant les banques centrales à freiner les marchés ? Sur le long terme, nous continuons de privilégier les actions par rapport aux autres classes d'actifs : les valorisations sont à leur moyenne, les banques centrales continuent de soutenir l'économie et les marchés financiers tandis que les résultats des entreprises restent solides. Cependant, comme nous nous attendons à une période plus volatile à court terme en raison des incertitudes accrues (y compris autour de l'inflation et de la Chine) sur le marché, le poids des actions a été réduit. Cette surpondération des actions, moindre mais toujours prononcée, a ensuite été maintenue jusqu'à la fin du trimestre.

Au sein du portefeuille d'actions, la pondération du secteur industriel a été réduite. Lorsque la dynamique économique décline, cela peut avoir un impact direct sur l’industrie. Le secteur industriel a cependant encore beaucoup de poids car les entreprises sélectionnées peuvent bénéficier des travaux d'infrastructures prévus en Europe et aux États-Unis, financés par les dépenses publiques. Après les bonnes performances, une réduction sélective a été effectuée.

D'autre part, le thème des « nouvelles technologies » (New Tech) a été renforcé. Ces entreprises, soutenues par certaines tendances technologiques clés, démontrent leur résilience dans des scénarios de croissance économique tant positifs que négatifs.En outre, l'accent mis sur les actions des technologies propres (Cleantech) a été renforcé après une baisse des cours. Enfin, le thème du vieillissement, dont les soins de santé constituent une grande partie, a été augmenté. Nous profitons ainsi du caractère plutôt défensif de ces investissements. L'incertitude associée au variant delta a également fait en sorte que les actions de meilleure qualité ont à nouveau surperformé. Notre gestion accorde une grande importance à ce critère de qualité depuis des années.

Au sein du portefeuille obligataire, les arbitrages ont été principalement opérés sur la base des différences entre les réponses des banques centrales à la reprise de la croissance économique et à d'éventuels pics d'inflation.

Pour les obligations d'État américaines, il a été décidé de réduire significativement à la fois la sensibilité aux taux d'intérêt et la sensibilité à l'inflation de nos positions. L'inflation est toujours en hausse aux États-Unis et malgré le fait que nous soyons convaincus que la Fed (Federal Reserve) ne réduira que progressivement sa politique de stimulation, cela se produira un peu plus vite en Amérique qu'en Europe. C'est pourquoi les positions aux maturités les plus longues, et donc les plus sensibles aux taux d'intérêt, ont été basculées vers des maturités courtes. Un quart de nos obligations d'État américaines a également été remplacé par des obligations indexées sur l'inflation. Les obligations indexées sur l'inflation ont l'avantage que leur valeur augmente à mesure que l'inflation augmente. Elles nous offrent donc une forme de protection si l'inflation devait augmenter plus que prévu.

Avec la probabilité accrue d'une suppression progressive du programme d'achat par la Banque centrale américaine, un arbitrage a été opéré des obligations d'entreprises américaines vers les obligations d'entreprises européennes. La Banque centrale européenne a clairement indiqué que le programme d'achat européen se poursuivrait pendant un certain temps, ce qui soutient davantage les obligations d'entreprises européennes par rapport à leurs homologues américaines. Comme le différentiel de taux d'intérêt sur les obligations d'entreprises européennes a également continué à baisser systématiquement, nous avons commencé à réduire progressivement cette position vers la fin du trimestre.

La sensibilité aux taux d'intérêt en Europe a été réduite par la vente de nos obligations d'État portugaises. Le rendement des obligations portugaises avait à nouveau baissé (rappelez-vous que si le rendement baisse, la valeur de l'obligation augmente), rendant le rendement moins intéressant par rapport au risque lié à ces obligations.