Time is on our side

La plupart des tendances qui ont accompagné cette crise étaient déjà en cours dans une moindre mesure auparavant et c'est précisément pourquoi nous pensons que c'est une bonne stratégie de continuer à jouer ces tendances, également dans les années à venir.

Un signe important est par exemple que de nombreuses entreprises continuent de fonctionner, même dans l’après-Covid, avec un mélange de travail à domicile et de présence physique. Une bonne combinaison des deux peut augmenter le bien-être et la productivité, une situation gagnant-gagnant pour les employés et les employeurs. Les activités de plein air - que ce soit dans le jardin, en voyage ou comme sport - ont aussi leurs tendances spécifiques (les vacances en camping se multiplient, plus de piscines sont installées, plus de vélos sont vendus…). Les voitures électriques ont le vent en poupe, les paiements sans contact sont en plein essor, les matériaux se modernisent, les start-up continuent de croître, le cloud est omniprésent, le marketing devient plus personnel, l'automatisation se poursuit (par exemple, les robots de nettoyage), la 5G n’en est encore qu’à ses débuts, et on peut encore citer bien d’autres grandes et petites tendances.

Les millenials sont un moteur important de ces changements. Ces millennials, nés du début des années 80 au début des années 2000, marquent de leur empreinte les modes de consommation. Ils trouvent leur chemin dans les affaires, la politique et les tendances de la mode. Les Rolling Stones ont chanté « time is on my side » (le temps est de mon côté) en 1964. Pour l'ancienne génération de l’époque, Mick Jagger et sa bande apparaissaient comme des individus malpropres, grossiers et à la musique tapageuse. Nous avons une toute autre opinion de cette musique aujourd'hui et si vous regardez la pochette, vous voyez maintenant 5 jeunes hommes aux cheveux mi-longs et en costume, qui pourraient tout aussi bien être d'élégants employés de banque. Les jeunes de l’époque l'ont vu en premier. Leurs goûts deviennent la norme et sonnent comme des opportunités d’investissement.

Il va sans dire que les entreprises actives dans ces créneaux de l'économie croissent plus vite que la moyenne. Cependant, un tel investissement peut aussi être très décevant à court terme. C'est pourquoi nous ne traduisons pas simplement nos attentes élevées vis-à-vis de ces tendances dans l'allocation d'actifs de nos portefeuilles, car cela conduirait à une exposition en actions² très importante. En effet, si par malheur ces sociétés spécifiques déçoivent lors d'une baisse boursière, le choc encaissé est double : d’abord parce qu'il y a beaucoup d'actions en portefeuille lorsque la baisse se produit, et ensuite, parce qu’on possède à ce moment les mauvaises actions dans le portefeuille. Par conséquent, le pourcentage d’allocation en actions dans les fonds est largement déterminé par les attentes du marché mondial, l'horizon d'investissement et la fluctuation intermédiaire que le véhicule d'investissement est autorisé à supporter. Les deux derniers éléments doivent être adaptés au profil d'investisseur de chacun.

Au sein du pôle obligataire, nous sommes aujourd'hui à la recherche de valeur ajoutée. Nous investissons de manière diversifiée dans des obligations dont le rendement est supérieur aux obligations d'État de notre indice de référence. Dans la mesure du possible, nous lions également cela à des tendances économiques plus larges. Par exemple, nos obligations d'entreprises scandinaves peuvent bénéficier de l'intérêt croissant pour ce marché (et donc de la baisse des taux d'intérêt), tiré par sa position de leader dans les énergies renouvelables et ses entreprises innovantes. Les balances commerciales solides soutiennent également les devises scandinaves. Nos obligations chinoises bénéficient de la croissance de la classe moyenne qui soutient la position économique du pays. Nous optons pour des maturités relativement courtes car nous supposons que les taux d'intérêt peuvent rebondir.

Le fait que nous sommes enclins à viser des rendements plus élevés aujourd'hui est motivé par le soutien monétaire des banques centrales. Nous avons en effet vu les écarts de taux d'intérêt entre les pays et les entreprises de qualité différente se réduire fortement. Nous avons également augmenté notre pondération dans les obligations indexées sur l'inflation à son plus haut niveau depuis des années. En cas de surprise d'inflation négative, on peut ainsi atténuer le choc. Nous maintenons également une position sur des obligations extrêmement sûres qui se comportent bien lors de tensions sur les bourses, afin que les obligations puissent encore remplir leur rôle de tampon malgré leur potentiel de rendement limité.

La pandémie de Covid n'a pas facilité les choses. Ce sont pourtant les conditions de base pour une croissance économique saine. Pourquoi ce rattrapage stagne-t-il ? Les conditions macroéconomiques sont défavorables : les prix des matières premières semblent avoir atteint leur plafond, le libre-échange est sous pression depuis un certain temps, il y a une forte volatilité des taux de change. Mais il y a aussi parfois de la complaisance ou de l'incapacité à s'attaquer à des problèmes urgents : les services de base tels que les soins de santé et l'éducation sont ignorés, la corruption est endémique, les banques centrales et les tribunaux sont mis sous coupe réglée par les dirigeants, il y a des crises politiques prolongées et le système bancaire ne fonctionne pas correctement.

La forte croissance du PIB des pays émergents n'a jamais été une condition suffisante pour investir. Si cette croissance est mal gérée, si la concurrence est insuffisante et si la banque centrale ne jouit pas de la crédibilité ou de la liberté de mouvement nécessaire, alors cette croissance se traduira par une inflation élevée. Cette forte inflation est préjudiciable car elle affaiblira par la suite la monnaie de ce pays. C'est pourquoi nous préférons généralement la croissance économique plus faible mais plus stable du monde occidental. Sur le graphique, on voit que depuis 10 ans tous les pays émergents sont surpassés par l’indice mondial MSCI World. Cela est dû presque entièrement à la performance phénoménale des États-Unis, qui constituent une grande partie de cet indice. Ce que nous devons souligner, c'est que ce sont des moyennes boursières : surtout en Inde et en Chine, des fonds d'investissement ont réussi à sélectionner les meilleures entreprises de la région. Ceci nous amène à la dernière préoccupation en date dans les pays émergents : la Chine.

Les mesures prises comprennent l'interdiction des cours en ligne pour les enfants de moins de 6 ans et l'obligation pour les enseignants d'avoir des licences. Les cours du week-end peuvent également être interdits. Ce train de mesures pourrait s’avérer insurmontable pour les entreprises impliquées dans ce secteur. En conséquence, les sociétés cotées concernées ont chuté lourdement. Mais cela a également provoqué une large onde de choc sur le marché boursier chinois dans son ensemble. De nombreux investisseurs ont réduit leurs positions sur la Chine, car ils craignent qu'on puisse désormais se retrouver dans un environnement marqué par des interventions soudaines et fermes sur les sociétés cotées. En décembre de l'année dernière, une enquête anti-cartel a été menée contre Alibaba de manière tout aussi inattendue. Cela s’est passé juste après l'arrêt de l'introduction en bourse d'Ant Group, une filiale d'Alibaba qui facilite les paiements numériques.

Il est donc clair que le gouvernement peut intervenir subitement à tout moment. Quiconque souhaite investir en Chine doit être capable de gérer ces turbulences supplémentaires. Mais la question chinoise réside dans l'interprétation de ces interventions. Quel est le véritable programme du gouvernement ? L'explication positive est qu'il souhaite corriger les excès du capitalisme tels que le comportement monopolistique des sociétés Internet et protéger des services de base importants tels que l'éducation contre les inégalités. La limitation de l'émission polluante du bitcoin (le « mining ») qu'il a introduite en juin peut également être interprétée dans ce même sens positif.

Une interprétation négative est que les mesures anticapitalistes sont prises d'un point de vue communiste et totalitaire. Dans cette vision négative, les décideurs éprouvent un malaise vis-à-vis du pouvoir financier et politique de fondateurs tels que Jack Ma. Par la suite, chaque entreprise prospère sera freinée à un moment donné, ce qui met un plafond à tous les investissements que vous pouvez faire en Chine. Soit le but est de principalement cibler les investisseurs étrangers qui sont fortement investis dans les sociétés d'éducation et dans les géants de l'internet Alibaba, Tencent et autres. Après tout, dissuader les investisseurs étrangers a un impact favorable sur la politique monétaire et la balance commerciale. Peut-être avons-nous supposé trop facilement que le Parti communiste chinois avait les mêmes intérêts que les investisseurs.

Aujourd'hui, nous voyons le verre à moitié plein et pensons que le gouvernement veut en effet plus de contrôle sur les données (d'où les interventions dans les sociétés Internet), plus d'égalité pour tous (donc plus de stabilité pour leur régime), et des services abordables pour les parents. Ce dernier point serait lié à un problème de long terme en Chine, à savoir le faible taux de natalité. Beaucoup de jeunes couples reportent la parentalité parce que l'immobilier et l'éducation sont devenus très chers. Le président Xi a fait également des commentaires négatifs sur les prix de l'immobilier, de sorte que des interventions peuvent aussi être attendues à ce niveau. Mais ce n'est pas forcément une mauvaise chose : si le gouvernement veut orienter le marché, vous pouvez toujours investir dans la même direction que lui. Les sociétés de panneaux solaires et d'éoliennes ont continué à bien performer ces dernières semaines, malgré les turbulences sur le marché chinois.

Enfin, début août, un nouveau chapitre a été ouvert avec des interventions dans les sociétés de jeux en ligne. Les jeux vidéo sont étiquetés comme de l'opium spirituel. Cette dernière intervention peut de nouveau être interprétée dans un bon ou un mauvais sens. Quel sera le prochain épisode ?

Chez Argenta Asset Management, nous investissons de manière diversifiée. Nous n'avions aucun poste dans l'éducation en ligne. Nous avons conservé nos investissements dans certains géants du web.

En raison de la croissance de la classe moyenne chinoise, il s'agit toujours d'un investissement prometteur. Nous avons également conservé nos positions dans les énergies renouvelables car le gouvernement souhaite fortement encourager la croissance dans ce secteur. La dynamique économique à court terme est modérée si l'on regarde des indicateurs comme l’indice Caixin et le transport de marchandises, mais en revanche les baisses de cours offrent également des opportunités. Nous avons réduit anticipativement l’exposition sur la Chine et cela nous permet de reconstruire notre position de manière ciblée en tenant compte des turbulences réglementaires. Les interventions monétaires du gouvernement se sont déjà avérées une aubaine pour ces investissements, donc en général nos intérêts économiques sont toujours bien alignés.