- Votre choix linguistique sera sauvegardé.
- Votre agence sera enregistré.
- Votre session est sécurisée.
- Vous verrez la version standard de notre site web. Le contenu n'est pas adapté à vos préférences.
Comme un air des années folles
7 mai 2021
Auteur: Vincent Coppée, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management
Les marchés financiers ont poursuivi leur marche imperturbable vers de nouveaux sommets en avril. Les records boursiers tombent les uns après les autres, et pas seulement aux États-Unis, comme le prouve par exemple l’indice DAX en Allemagne. Les excellents résultats d’entreprises qui sont actuellement publiés constituent un des facteurs explicatifs à cette hausse, à côté des progrès de la vaccination et des soutiens des entités publiques et monétaires. Les gestionnaires d’Argenta conservent leur surpondération en actions, même s’ils sont attentifs aux risques tels qu’une poussée potentielle de l’inflation.
Même si le rythme de hausse s’est un peu ralenti, les bourses mondiales ont progressé en moyenne d’un peu plus de 1 % en avril comme le montre le graphique ci-dessous. L’Europe et les États-Unis font la course en tête, tandis que les marchés émergents sont à la traîne. Cette contreperformance s’explique essentiellement par une baisse de la bourse chinoise et surtout de la bourse indienne touchée par une forte augmentation des cas de Covid-19.
Les investisseurs font preuve d’un optimisme de plus en plus grand. Il est vrai que tout semble aller dans leur direction, que ce soit la bonne tenue des indicateurs économiques, les chiffres impressionnants des résultats d’entreprises, l’accélération des campagnes de vaccination ou le dynamisme étonnant de l’administration Biden. Passons ces différents élements en revue.
Le retour du chaînon manquant : la confiance des consommateurs
Nous avons souvent montré dans nos flashes précédents le redressement rapide des indices des directeurs d’achat (indices ISM), qui traduit l’optimisme des entreprises. Les chiffres du chômage s’améliorent aussi constamment ces derniers mois, ainsi que les chiffres officiels du PIB dans la plupart des pays. Un indicateur restait cependant à la traîne : la confiance des consommateurs. Et il s’agit d’un chiffre important car la consommation représente une part importante de la croissance économique.
Mais depuis deux mois maintenant, cet indice de confiance rebondit fortement, tant aux États-Unis qu’en Europe, comme on l’observe sur le graphique ci-dessous. Les perspectives d’un déconfinement progressif, qui promet d’être potentiellement définitif grâce à la vaccination, ravive les espoirs des consommateurs. La perspective d’une croissance encore renforcée par les dépenses des ménages, enchante bien entendu les investisseurs.
Un démarrage en trombe des résultats trimestriels
Déjà excellents lors du 4e trimestre de l’an dernier (voir flash de mars), les résultats d’entreprises font encore plus fort sur le premier trimestre de 2021. Plus de 60 % des chiffres ont été publiés aux États-Unis, et plus de 85 % des entreprises font mieux que prévu, avec des bénéfices en moyenne plus de 20 % supérieurs aux attentes (voir tableau ci-dessous) ! Tous les secteurs participent à la fête, à l’exception de l’immobilier coté. Le graphique nous montre également que le niveau absolu des bénéfices (hors pétrole et énergie) est maintenant bien au-delà du précédent pic de début 2020.
En Europe, nous sommes encore tôt dans le nombre de publications, mais les chiffres sont également très encourageants, avec une mention particulière pour le secteur de l’industrie qui surprend clairement les analystes, dans le bon sens du terme.
Le rythme des vaccinations : le turbo américain, le « Poulidor » européen
Depuis l’arrivée de Biden, la campagne de vaccination a réellement mis le « turbo ». Le président américain promettait 100 millions de premières doses injectées pour ses 100 premiers jours à la Maison Blanche. Le chiffre a allègrement dépassé les 200 millions ! En annoncant que les personnes vaccinées pourront désormais se passer de masque en extérieur (à l’exception des grands rassemblements), Biden manie la carotte et pousse ses concitoyens, dont les supporters de Trump au départ très sceptiques, à accepter la vaccination.
Mais en Europe aussi, les chiffres commencent vraiment à décoller. Ci-dessous on voit par exemple clairement une accélération en Belgique depuis le début de mars. La Commission Européenne finalise un accord avec Pfizer-Biontech pour une livraison de 1,8 milliards de doses de vaccin supplémentaires, ce qui fait espérer que 70 % de la population adulte européenne sera vaccinée dès juillet. Les Européens sont peut-être condamnés à être les éternels deuxièmes, tels le regretté Poulidor sur le Tour de France, mais la lumière luit aussi au bout du tunnel sur le Vieux Continent.
Sleepy Joe devient Speedy Joe
Qui aurait imaginé un tel dynamisme et une telle débauche de mesures en si peu de temps de la part d’un président que les Républicains décrivaient comme un individu sans relief et sans énergie ? Et pourtant, souvent à coup d’ordres exécutifs pour avancer plus vite, Biden ressemble bien plus à Speedy Joe qu’à Sleepy Joe. Nous avons déjà évoqué le plan de relance de 1600 milliards d’Euros assorti de chèques aux ménages, ainsi que le plan de 1700 milliards d’Euros prévu pour l’infrastructure, dans nos flashes précédents. Lors de son discours au sénat pour ses 100 jours de présidence, Biden a cette fois ébauché un projet très ambitieux appelé « projet pour les familles américaines » : un plan de 1 800 milliards de dollars, visant à introduire des mesures comme les congés parentaux, et largement financé par des hausses d'impôt pour les plus riches.
Ce dynamisme effréné rend nerveux les Européens qui craignent de rester à la traîne de la relance. La France vient d’appeler l’Europe à cesser de tergiverser et à mettre en œuvre au plus vite les mesures de relances décidées l’an dernier, sous peine de voir Speedy Joe disparaître à l’horizon. Une sorte de cercle vertueux de course à la croissance, semble donc s’installer au niveau mondial.
L’optimisme c’est bien, le réalisme c’est mieux
Tous ces catalyseurs donnent un sentiment d’optimisme confinant presque à l’euphorie chez les stratégistes et les investisseurs. Warren Buffet, dans son récent discours donné lors des résultats de Berkshire, parle d’une économie en plein boom avec une consommation effrénée. Ce contexte justifie notre surpondération actuelle en actions, d’autant que de leur côté les obligations souffrent depuis le début de l’année. Mais nous restons réalistes et ne sommes pas aveugles quant aux risques potentiels qui peuvent gripper la machine. En voici quelques-uns.
Inde: Nouveaux cas quotidiens de COVID-19. Source: Worldometer
Inde: Nouveaux décès quotidiens du à la COVID-19. Source: Worldometer
Quel est notre positionnement dans les fonds essentiels ?
Au sein des fonds essentiels, nous avons maintenu en moyenne la même surpondération sur les actions en avril. Les excellents résultats trimestriels en particulier, sont un important soutien aux cours de bourse. Par ailleurs, le manque d’alternatives d’investissement est toujours aussi criant : les obligations en général rapportent toujours aussi peu, alors que la moindre pression à la hausse des taux provoque des baisses de cours.
Au niveau des accents et des thèmes d’investissement, nous avons augmenté nos positions en actions américaines axées sur les infrastructures, afin de pleinement profiter de la mise en œuvre du plan annoncé par Joe Biden. Nous avons conservé une exposition relativement stable dans la plupart de nos thèmes d’investissement (cleantech, lifestyle, sécurité, robotique). Nous avons profité de la faiblesse récente des sociétés pharmaceutiques pour accroître nos positions dans ce secteur, lié à notre thème du vieillissement.
Comme la récente fiche mensuelle de nos fonds essentiels l’a montré, nous faisons maintenant spécifiquement référence à notre nouveau thème d’investissement, le thème New Tech. Il rassemble les entreprises actives dans cinq grands domaines interreliés : Big Data, cloud computing, internet des objets, connections mobiles (5G), intelligence artificielle. Nous avons déjà construit une position appréciable dans ce thème qui offre de très belles perspectives de croissance à moyen et long-terme. Il représente actuellement un peu plus de 15 % de la partie actions dans nos fonds essentiels.
Sur le plan géographique, il y a eu peu d’évolution ces dernières semaines. Nous avons décidé de maintenir nos positions en Inde, malgré la situation difficile du pays au niveau de la pandémie de COVID-19. Nous considérons que le marché a surréagi, alors que les récents plans d’aide évoqués lors de notre flash précédent devraient soutenir fortement les entreprises locales. L’indice de la bourse indienne a d’ailleurs entamé un rebond à la fin du mois.
Au sein du portefeuille obligataire, nous avons encore légèrement augmenté nos positions en Bons du Trésor émis par les États-Unis. En raison des taux d'intérêt plus élevés en Amérique, ces emprunts offrent un rendement intéressant par rapport aux obligations d'État européennes. Par ailleurs ces obligations peuvent également jouer un rôle d’amortisseur de choc en temps de crise. Nous avons toutefois accompagné cet investissement d’un renforcement des obligations européennes, liées à l’inflation (émises par l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie). Les attentes d’inflation ont un peu réculé en Europe, ce qui nous a permis de compléter nos positions à un cours plus favorable. En cas de nouvelle hausse des craintes inflationnistes, ces positions devraient nous offrir une protection intéressante.
Nous avons diversifié une partie de nos positions en obligations polonaises vers des obligations d’État tchèques. Ces dernières offrent un rendement similaire, avec une situation macro-économique et politique un peu plus favorable. Cette position ajoute encore une diversification supplémentaire dans nos portefeuilles. Enfin, nous avons augmenté la pondération des obligations à haut rendement en ouvrant une position sur les « Fallen Angels » américains. Il s'agit d'obligations de sociétés dont la notation de crédit a récemment été abaissée de la catégorie « investissement » à la catégorie « non-investissement ». Ces dégradations obligent de nombreux acteurs financiers (banques, assureurs…) à liquider ces obligations, entraînant une forte baisse de leur cours. À la suite de cette pression vendeuse, ces obligations « Fallen Angels » ont l'opportunité de se rétablir pour retrouver leur valeur intrinsèque.
Conclusion
Les marchés financiers voient la vie en rose ces dernières semaines. Les résultats des sociétés impressionnent, les autorités publiques et monétaires maintiennent ou accroissent leur puissant soutien, et les progrès des vaccinations font espérer un retour progressif à la vie normale. Les consommateurs se réveillent, et tout cela donne un air des années folles, telles qu’on les connaissaient après la première guerre mondiale. Ce contexte optimiste justifie une surpondération en actions avec une orientation plus marquée vers les valeurs cycliques de qualité.
Nous sommes cependant très attentifs aux risques qui subsistent sur les marchés : les derniers soubressauts du virus sous forme de variants toujours plus nombreux, le risque de surchauffe économique et de décollage de l’inflation et des taux d’intérêt, ou une exagération haussière des marchés qui rendraient les valorisations trop élevées. C’est pourquoi nous maintenons une large diversification dans nos allocations d’actifs et que nous gardons un équilibre au niveau des risques pris dans les portefeuilles.
Notre attention tout entière reste portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients, en toutes circonstances.