Une hausse des taux rapide et inattendue

Dans les flashes précédents, nous avons amplement insisté sur le fait que l'industrie pharmaceutique est entrée dans l'histoire en développant les vaccins en un temps record. Aujourd'hui, les vaccins de Pfizer-BioNTech, Moderna et AstraZeneca sont autorisés à être administrés et le dernier week-end de février, le vaccin de Johnson & Johnson (J&J) a également obtenu l'approbation aux États-Unis. Le grand avantage de ce dernier est qu'une seule dose est requise et il n’y a pas d’absolue nécessité de le conserver dans un environnement ultra-froid, même s’il ne peut être administré qu'aux personnes de plus de 18 ans. Cela fournit une arme supplémentaire importante dans la lutte contre la Covid-19, ce qui est certainement nécessaire si l'on considère le début difficile des campagnes de vaccination.

Il ressort clairement du tableau ci-dessous que les États-Unis ont administré le plus de doses, de sorte que 7,5 % de la population a désormais reçu 2 doses. Cependant, le rythme quotidien d'administration d'une dose est beaucoup trop lent si l'Amérique veut parvenir à l'immunité collective avant l'été. En Europe, en revanche, la campagne d’administration est encore plus difficile. Cependant, un regain d’optimisme est apparu à la fois sur le plan logistique et sur les quantités disponibles avec l'approbation d'un vaccin supplémentaire, celui de J&J.

Dans le même temps, Israël a presque atteint l'immunité de groupe. Vous vous demanderez probablement comment un petit pays comme Israël est presque arrivé à ce but. Début janvier, Israël a conclu un accord « vaccins contre données » avec Pfizer. Israël a ainsi promis de partager d'énormes quantités d'informations avec le géant de la pharmacie en échange d’un flux continu de fourniture de vaccins Covid-19. En pratique, Israël partagera avec Pfizer et le monde entier les données statistiques qui aideront à développer des stratégies pour vaincre le virus. Le 21 février, le pays a publié des chiffres montrant que le vaccin Pfizer prévient 98,9 % des décès dus à la Covid-19.

Malgré le démarrage lent de la vaccination et les cas toujours croissants de Covid-19, les marchés continuent d’interpréter la situation de manière positive. Ils essaient en effet toujours de regarder vers l'avenir. Dans ce cas, ils attendent avec impatience une réouverture complète de l'économie après la vaccination de la population. D’ici un an, l'immunité de groupe devrait normalement être atteinte et les économies pourront être à nouveau rouvertes, de sorte qu'une partie de la consommation et des investissements perdus de l'année écoulée pourra être compensée. Nous voyons déjà les premiers signes d'une reprise de la croissance économique dans les résultats trimestriels.

Comme le montre le tableau ci-dessus, les entreprises américaines et européennes ont publié des résultats trimestriels meilleurs que prévu, comme l’indiquent respectivement les surprises de 16,1 % et 22,4 %. De plus, les sociétés américaines ont enregistré une croissance trimestrielle positive de leurs résultats d'exploitation en comparaison annuelle. Cela signifie que les résultats des sociétés cotées américaines au dernier trimestre de 2020 étaient encore meilleurs qu'au dernier trimestre de 2019, alors qu'à l’époque il n'y avait toujours aucun signe de l’arrivée de la pandémie de Covid-19. Les attentes de la plupart des entreprises pour le prochain trimestre et la prochaine année bilantaire se sont également améliorées. Ces chiffres ont continué à soutenir les marchés boursiers.

Un autre catalyseur de marché qui soutient les bourses depuis décembre est le plan de relance massif de 1 900 milliards de dollars proposé par les démocrates (voir flash précédent). Il a déjà été approuvé par la Chambre des représentants et se trouve désormais au Sénat. On s'attend à ce qu'une décision soit prise d'ici le week-end. Le paquet proposé, totalisant près de 10 % du PIB et deux fois plus important que le stimulus lancé lors de la crise financière, garantirait que la plupart des Américains reçoivent des chèques allant jusqu'à 1 400 $.

Cela inquiète en partie certains investisseurs. Pourquoi ? Compte tenu des possibilités limitées de dépenses en loisirs et en divertissements, une grande partie des mesures de relance précédentes ont été directement affectées aux comptes d’épargne. Le taux d'épargne personnelle aux États-Unis a quadruplé au plus fort de la pandémie l'année dernière et reste au double du niveau normal (voir la ligne grise dans le graphique), ce qui pourrait déclencher un choc inflationniste une fois l'économie rouverte.

Les nouvelles mesures de relance ainsi que les vaccins devraient contribuer à réactiver l'activité sociale, ce qui pourrait libérer une demande refoulée. En conséquence, les marchés ont commencé à intégrer des anticipations d'inflation plus élevées et le rendement des bons du Trésor à 10 ans a commencé à augmenter rapidement, provoquant de la nervosité sur le marché boursier (baisse de la dernière semaine de février indiquée dans le premier graphique).

Tant les taux d'intérêt à long terme européens qu’américains ont progressé rapidement en peu de temps, ce qui a entraîné une correction des marchés d’actions. Ce sont principalement les valeurs de croissance telles que celles liées au cloud ou aux technologies propres qui ont diminué. Un taux d'intérêt à la hausse fait en sorte que la valeur d'une action est actualisée à un taux d'intérêt plus élevé, ce qui fait baisser le cours. Cependant, la hausse des taux d'intérêt peut également s'accompagner d'une hausse des marchés boursiers.

Comme le montre le graphique de gauche ci-dessous, la corrélation entre les taux d'intérêt et la bourse a été positive (zone verte du graphique) au cours des 20 dernières années. Cela implique que la hausse des taux d'intérêt s'accompagne d'une hausse des actions. Cela est possible lorsque les taux d'intérêt plus élevés sont le résultat d'une croissance économique plus élevée, où l'inflation ne déraille pas. La croissance plus élevée compense alors la hausse des taux, de sorte que les actions peuvent continuer à bien se comporter. Nous avons également actuellement une prime de risque moyenne (voir graphique de droite) qui est une indication d'une bourse valorisée à sa moyenne historique. Les marchés peuvent donc encore augmenter si la prime de risque baisse encore. Bref, nous ne sommes pas dans une bulle et restons modérément positifs sur les actions.

Vous pouvez maintenant légitimement vous demander si l'inflation peut être maîtrisée avec une relance budgétaire aussi importante. Jerome Powell a donné la réponse suivante au Congrès des États-Unis le 23-02-2021 :

« La pandémie a également laissé sa marque sur l'inflation. Après d'importantes baisses au printemps, les prix à la consommation se sont partiellement redressés durant le restant de l'année écoulée. Cependant, les prix restent particulièrement bas pour certains des secteurs les plus touchés par la pandémie. Dans l'ensemble, l'inflation sur 12 mois reste inférieure à notre objectif à long terme de 2 %.

L'économie est loin de nos objectifs en matière d'emploi et d'inflation, et il faudra probablement du temps pour réaliser de nouveaux progrès substantiels. »

De toute évidence, le président (Jerome Powell) et les autres membres de la FED (banque centrale américaine) ne voient aucun danger à court terme en matière d'inflation. La tâche principale de la FED est de maintenir l'inflation sous contrôle et de préférence autour de 2 % à long terme.

Au sein des fonds essentiels, nous sommes restés surpondérés sur les actions en février. La perspective de la réouverture des économies, la stimulation de la vaccination, les bons résultats trimestriels et le soutien des gouvernements et des banques centrales signifient que les actions restent attractives. Le principe « TINA » (« il n'y a pas d'alternative ») continue à régner. Hors des actions, nous ne voyons aucune autre opportunité d’investissement sans prendre de risques excessifs. Les crypto-monnaies en sont un exemple. Pour plus d'informations sur les monnaies numériques (bitcoin), nous vous invitons à lire le flash de la semaine dernière.

Au cours des dernières semaines, nous avons continué à réinvestir les liquidités entrantes en actions de sorte que nous étions à chaque fois surpondérés de 12 % par rapport à la pondération neutre. Plus précisément, nous avons augmenté le poids des actions sensibles à la réouverture de l’économie. Des entreprises industrielles européennes et américaines de grande qualité ont été incluses, en partie via des valeurs individuelles et en partie via des trackers.

Au niveau thématique, nous continuons à nous concentrer sur les thèmes à long terme : cybersécurité, robotique, technologie financière, vieillissement, lifestyle, énergie durable et cloud. Ces deux derniers thèmes ont connu une baisse significative ces dernières semaines suite à la montée des taux d'intérêt. Ils ont été pénalisés car ces entreprises comptent surtout sur des bénéfices futurs. Plus précisément dans le thème du développement durable, nous voyons que les actions de la technologie de l'hydrogène ont beaucoup souffert après le parcours phénoménal qu'elles ont réalisé. Nous restons confiants dans ce segment de la thématique, sachant que l'engagement est pris d’ici 2050 de parvenir à une économie mondiale « zéro carbone ». Pour atteindre cet objectif, des technologies telles que la technologie de l'hydrogène sont essentielles. De plus, nous continuons à voir d'énormes opportunités dans l'écosystème Cloud.

Sur le plan géographique, les gestionnaires ont choisi de porter le poids de l’Inde à 4 % de la part des actions. La jeune société indienne semble résiliente face à la Covid-19 et les entreprises ont pu y présenter de très bons résultats. De plus, le gouvernement a fait adopter une proposition fiscalement favorable pour ces mêmes entreprises. On constate également que les anticipations de croissance sont plus fortes que sur le continent européen et américain.

Nous avons procédé à un certain nombre d'ajustements au sein du portefeuille obligataire en raison de la forte hausse des taux d'intérêt à long terme. Les anticipations d'inflation ont également augmenté.

Une partie des obligations d'entreprises européennes de qualité a été arbitrée contre des obligations d'État européennes avec une rémunération liée à l'inflation. Ces obligations de sociétés avaient connu un beau parcours. Cet arbitrage a réduit les risques spécifiques liés aux entreprises et permet d'absorber partiellement les pics d'inflation potentiels. Les obligations d'État allemandes, italiennes, espagnoles et françaises ont été sélectionnées car les gestionnaires y voient encore un potentiel d'augmentation supplémentaire de l'inflation attendue. De plus, nous avons également ajouté des investissements très spécifiques au portefeuille. Par exemple, la pondération des obligations chinoises, qui donnent encore un rendement relativement élevé, a été augmentée. Des obligations à haut rendement et à faible duration ont également été achetées.