Une à une, les pièces du puzzle se mettent en place

4 décembre 2020

Auteur: Vincent Coppée, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Les incertitudes multiples qui ont miné les marchés financiers ces derniers mois se lèvent progressivement. La présidence de Joe Biden commence à prendre forme alors que les recours de Trump pour contester sa victoire s’épuisent. La disponibilité de vaccins contre le COVID-19 pour le début de l’an prochain se précise. Les résultats d’entreprises ont également positivement surpris pour le 3e trimestre. Quelques écueils restent encore à franchir, tels que la ratification définitive de l’accord budgétaire européen, les négociations sur le Brexit et bien sûr la gestion à court-terme de la pandémie toujours très active. Mais les bourses mondiales ont clairement opté pour un dénouement heureux. Les gestionnaires au sein d’Argenta adoptent également une vision plus positive sur les actions.

La future administration Biden prend forme, Janet Yellen en vedette

Donald Trump a beau continuer à contester la victoire du candidat Démocrate, les recours juridiques que son équipe a lancés s’éteignent les uns après les autres. Il est maintenant pratiquement certain que lors de leur réunion le 14 décembre, les Grands Électeurs américains vont confirmer la victoire de Biden. Ce dernier a commencé à désigner les futurs membres de son équipe ministérielle qui deviendra opérationnelle fin janvier.

Parmi les noms déjà communiqués, celui de Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve Fédérale (Fed), pour le poste de Secrétaire au Trésor (ministre des finances) a le plus attiré l’attention des marchés. Elle apparaît comme le trait d'union idéal à même de faciliter les discussions sur le futur plan de relance au Congrès. Elle réussit en effet la prouesse de bénéficier du soutien de l'aile gauche du parti démocrate et d'être appréciée par les républicains. Elle est en outre réputée pour être une « modérée » très favorable à la Fed, ce qui explique pourquoi sa nomination aux commandes de la politique budgétaire reçoit un accueil princier de la part des bourses mondiales.

Le bilan de Yellen à la tête de la Fed plaide également en sa faveur. Elle a supervisé la hausse des taux d'intérêt dans la période qui a suivi la crise financière et cette politique a été menée de manière mesurée et bien signalée. Sous sa présidence, la Fed a en effet procédé à sa première hausse de taux en 10 ans, en décembre 2015, avant que deux autres ne suivent en décembre 2016 puis en juin 2017 sans déclencher la panique annoncée par certains sur les marchés (contrairement à Powell en 2018).

Selon la presse américaine, qui cite des proches de Joe Biden, elle est aussi considérée « comme une autorité crédible sur les dangers du retrait prématuré des mesures de relance du gouvernement ». L'économiste est aussi vue comme quelqu'un susceptible de collaborer étroitement avec la Fed et les agences de l'exécutif pour obtenir plus de soutien si le Congrès hésite à agir.

L’économie asiatique tourne pratiquement à plein régime

Après l’accueil chaleureux par les marchés de la signature d’un accord commercial historique entre les principales économies de la région, ce sont les statistiques elles-mêmes qui démontrent la bonne santé économique de l’Asie. Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous, les indices Caixin de l’activité manufacturière et des services en Chine rejoignent leurs plus hauts niveaux de ces dernières années. Un chiffre supérieur à 50 indique une expansion de l’économie.

Indices Caixin Chine

Au Japon également, l’indice de l’activité industrielle est à son plus haut niveau depuis août 2019. Les chiffres publiés en Inde continuent aussi à pointer vers une croissance retrouvée avec des indices PMI pour l’industrie et les services comfortablement installés au-dessus
de 50 (limite d’expansion économique). 

Quelques derniers écueils à franchir en Europe

L’accord budgétaire et fiscal historique conclu en juillet au sein de l’Union Européenne doit encore passer l’obstacle de l’opposition de la Pologne et de la Hongrie.Varsovie et Budapest sont farouchement opposés à un mécanisme conditionnant le versement de fonds européens au respect de l'État de droit (indépendance de la justice, des médias, libertés des relations interpersonnelles...). Il doit être entériné à la majorité qualifiée des États - donc sans eux.

En représailles, ils se sont opposés en novembre à une décision permettant à l'UE de lever des fonds pour financer son plan de relance de 750 milliards d'euros, bloquant temporairement - faute de l'unanimité requise - le budget européen 2021-2027 auquel il s'adosse. D’intenses négociations se mènent à présent en coulisses afin d’obtenir un compromis pour le prochain sommet européen du 11 décembre. La présidente de la Commission Européenne a par ailleurs menacé d’exclure purement et simplement la Pologne et la Hongrie du fonds de redressement, accroissant ainsi la pression sur les deux pays.

Par ailleurs le suspense autour du Brexit se poursuit : les négociateurs des deux côtés de la Manche assurent qu’ils touchent au but depuis plusieurs semaines. Les deux pierres d’achoppement restent la pêche et l’agriculture. Il semble clair que l’indécision persistera jusqu’à la dernière minute. Nous restons prudents sur les investissements au Royaume-Uni dans nos portefeuilles.

Ces incertitudes n’empêchent toutefois pas les bourses européennes de se redresser nettement, soutenues par les commentaires de la BCE qui a réitéré son soutien à l’économie et aux marchés, par les espoirs de réouverture des marchés après les années Trump de protectionnisme et par la perspective de vaccins disponibles d’ici peu contre le COVID-19.

COVID-19 : les vaccins disponibles très bientôt

Cela constitue une prestation hors du commun dans le monde médical : alors que le développement d’un vaccin prend en moyenne 5 ans avant l’approbation finale, ce délai aura été réduit à un an pour le coronavirus ! Les premières doses du vaccin de Pfizer-Biontech seront disponibles dès le début de l’an prochain. Au Royaume-Uni, cela pourrait déjà être le cas la semaine prochaine ! Cette semaine Alexander De Croo a cité la date du 5 janvier pour la Belgique. Par ailleurs la société pharmaceutique Moderna a demandé formellement ce lundi l’approbation de son vaccin aux États-Unis et en Europe. Elle affirme que les premières doses pourraient être distribuées dès la fin du mois si la procédure se déroule rapidement.

Bien entendu, la vaccination d’une part importante de la population prendra du temps. Il faudra aussi compter sur certaines résistances de la part de ceux qui doutent de la fiabilité de ces vaccins approuvés très rapidement, même si les scientifiques affirment que les règles de sécurité ont été respectées (on a simplement gagné du temps partout où c’était possible). Mais la perspective seule de voir bientôt le bout du tunnel des confinements successifs suffit à redonner une bonne dose d’optimisme aux investisseurs.

Des résultats d’entreprises bien meilleurs que prévu

Au final, très souvent (et logiquement), ce qui détermine le comportement des cours des actions est l’évolution des résultats des entreprises cotées. A ce niveau, les publications pour le 3e trimestre ont apporté de très bonnes surprises en général, avec des résultats certes en recul sur 1 an en moyenne, mais bien meilleurs que ce que craignaient les analystes. Ci-dessous on peut observer le pourcentage de sociétés qui on fait mieux que le consensus au niveau de leurs bénéfices, respectivement aux États-Unis et en Europe.

Bénéfices trimestriels USA (source Refinitiv)

Bénéfices trimestriels USA (source Refinitiv)

Bénéfices trimestriels Europe (source Refinitiv)

Bénéfices trimestriels Europe (source Refinitiv)

Aux Ètats-Unis, pas moins de 85 % des entreprises ont publié des bénéfices supérieurs aux attentes. En Europe ce pourcentage s’établit à 65 %. On peut par ailleurs constater que les secteurs de la technologie et de l’industrie, qui constituent les allocations les plus importantes au sein de nos portefeuilles, ressortent parmi les meilleurs : 92 % des sociétés technologiques américaines et 71 % des sociétés technologiques européennes ont fait mieux qu’attendu. Au niveau des sociétés industrielles, notre deuxième secteur le plus important en portefeuille, ces pourcentages s’établissent respectivement à 92 % et 80 %.

Quelles opérations avons-nous effectuées dans nos fonds essentiels ?

Les nouvelles rassurantes se sont succédé ces dernières semaines sur plusieurs fronts : élections américaines, progrès vers des vaccins opérationnels rapidement, bons résultats d’entreprises. En conséquence nous avons poursuivi l’augmentation de notre exposition en actions dans nos portefeuilles. 

Les investissements supplémentaires en actions se sont réalisés au Japon, en Europe et aux États-Unis. Aux bons résultats des sociétés japonaises se sont rajoutés les chiffres encourageants de l’activité industrielle dans l’archipel. L’Europe devrait quant à elle profiter dans les prochains mois de la levée progressive des mesures de confinement, de la reprise du commerce mondial et de la mise en œuvre de l’accord budgétaire une fois que les réticences polonaises et hongroises seront levées. Aux États-Unis, nous avons opté pour une approche élargie via un tracker sur le S&P500, afin de profiter du rétablissement du marché dans son ensemble.

Au niveau obligataire, nous avons allégé quelques positions. Nous avons ainsi réduit l’allocation en obligations polonaises : une baisse du surplus de rendement offert par ces obligations et une recrudescence des tensions entre la Pologne et les autres nations européennes ont justifié ce choix. Nous avons également réduit notre exposition en obligations portugaises et espagnoles dont les rendements courants se sont également nettement affaissés ces dernières semaines. Ces ventes nous ont permis d’encaisser une partie de nos bénéfices sur les obligations.

Con­clu­si­on

Les derniers développements observés sur le front de l’économie et de la lutte contre la pandémie peuvent faire espérer un retour à une certaine normalité l’an prochain. Un sentiment de soulagement et de liberté recouvrée au sein des populations pourrait même provoquer un rebond important de la consommation et de la croissance économique. C’est la raison pour laquelle nous sommes positionnés de manière plus constructive sur les marchés d’actions.

Nous sommes cependant également convaincus que des virages fondamentaux ont été pris dans la société, qui ne disparaitront pas avec le COVID-19. Nous pensons en particulier à la digitalisation de l’économie ou à la promotion de la technologie verte (cleantech). Nous continuons dès lors dans nos portefeuilles à miser sur ces thèmes de long-terme, au même titre que la consommation en Asie (via la Chine) et la cybersécurité. Par ailleurs l’augmentation de notre exposition dans des valeurs plus cycliques ces dernières semaines devrait nous permettre de participer amplement à la reprise économique qui s’annonce.

Notre attention tout entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients en toutes circonstances, et en particulier en ces temps exceptionnels que nous vivons.

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