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Les marchés regardent vers l’avant
5 novembre 2020 - 12:00
Auteur: Giel Maris, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management
En dépit de la crainte d’une élection présidentielle américaine contestée, de la hausse du nombre de cas de COVID-19 et des mesures de confinement renforcées, les marchés jouissent d’un momentum favorable. Les principaux catalyseurs positifs étaient les chiffres économiques et les résultats d’entreprises meilleurs qu’attendu, l’espoir d’un vaccin efficace pour la fin de l’année et les velléités de nouveaux stimuli fiscaux. Mais aussi plus récemment la probabilité accrue d’un Congrès américain divisé, où ni les Républicains, ni les Démocrates ne peuvent décider ou implémenter seuls leur agenda, ce qui du point de vue historique peut être vu comme le scénario idéal pour les marchés financiers.
Le spectacle des élections américaines
Avant d’aborder en détail les résultats temporaires de l’élection présidentielle et législative, nous nous proposons de donner un éclaircissement sur le système électoral très particulier.
Système électoral
Le 3 novembre, les Américains ont exprimé leur vote dans chaque état sur leur candidat préféré à la présidence. Par ce vote, ils choisissent en fait d’autres citoyens américains, appelés grands électeurs. Au total 538 grands électeurs forment le collège électoral. Chaque état a un nombre de grands électeurs qui dépend de la densité de population. Par exemple : l’état de Californie (CA) a le plus grand nombre d’habitants et donc aussi le plus grand nombre de grands électeurs, soit 55 (sur la carte ci-dessous vous trouvez un aperçu du nombre de grands électeurs par état). Si Biden ou Trump remporte le plus grand nombre de voix dans un état, il reçoit la totalité des grands électeurs de ce même état. Biden ou Trump peut remporter les élections à condition d’obtenir le soutien d’au moins 270 grands électeurs. La conséquence de ce système électoral peut être qu’un candidat à la présidence peut remporter le vote populaire global et quand même perdre les élections. Ce phénomène s’est effectivement produit durant les élections présidentielles de 2016. Hilary Clinton avait en effet obtenu 3 millions de voix de plus que Trump, mais avait remporté moins de grands électeurs.
Source : ClearIAS extrait sur https://www.clearias.com/election-process-of-us-president/
Élections
Outre le président, le Congrès américain composé de la chambre des députés et du sénat fait également l’objet d’élections (voir les photos ci-dessous). L’entièreté des 435 sièges de la chambre et 35 des 100 sièges du sénat étaient en jeu. Parmi les 35 sièges du sénat, 23 étaient dans les mains de Républicains, ce qui constituait une opportunité pour les Démocrates de regagner son contôle.
Source : Bloomberg Intelligence
Avant que les élections aient eu lieu, les gestionnaires d’Argenta ont développé 4 scénarios qui pouvaient se produire, avec une probabilité dégressive. Ces probabilités étaient basées sur les sondages et sur les futures sur les marchés :
- Un “clean sweep” démocrate, appelé aussi vague bleue : Biden est président, majorité démocrate à la chambre et au sénat.
- Biden avec un Congrès divisé : Biden est président, majorité démocrate à la chambre et républicaine au sénat.
- Trump avec un Congrès divisé : Trump est président, majorité démocrate à la chambre et républicaine au sénat.
- Un “clean sweep” républicain, aussi appelé vague rouge : Trump est président, majorité républicaine à la chambre et au sénat.
L’incertitude autour des élections présidentielles peut probablement se poursuivre quelque peu. Biden a maintenant officiellement gagné dans le Wisconsin et le Michigan, mais Trump met déjà ces résultats en doute. Biden est également en voie de s’emparer de l’Arizona et du Nevada. S’il gagne ces états, il est déjà assuré de la victoire. Au moment d’écrire ces lignes, la Pennsylvanie et la Géorgie sont encore incertaines et les résultats électoraux seront probablement connus dans la journée de vendredi. Dans leur ensemble les centres de paris et de prévisions estiment ce jeudi matin ses chances de remporter la présidence à 85 %.
Il apparait que le Congrès américain restera divisé, ce qui compliquera les plans ambitieux et/ou plus extrêmes, tant des Démocrates que des Républicains. Du côté des Démocrates, l’extension d’une alternative soutenue par les autorités pour les assurances-maladie des particuliers, l’augmentation du taux d’imposition sur les profits des entreprises et l’investissement de milliards de dollars dans l’infrastructure verte deviendront plus difficiles. Pour les Républicains, la diminution de l’impôt des sociétés est sans doute exclue.
Les marchés ont réagi positivement mercredi à la perspective d’une administration divisée ou affaiblie. Il existe en effet dans ce contexte une limitation à une politique sociale accompagnée de nombreuses taxes mais aussi à l’impulsivité “trumpienne”. De même une régulation plus sévère pour les banques et les sociétés de l’internet est moins probable. C’est un point positif pour les entreprises « FAMAG » (Facebook, Apple, Microsoft, Amazon et Alphabet) qui soutiennent depuis longtemps les marchés. Par contre la persistance d’une incertitude quant à l’identité du nouveau président peut avoir comme conséquence que les grandes dépenses fiscales soient l’objet de difficultés accrues. Cela peut avoir un effet négatif sur l’économie.
Nous ne devons cependant pas perdre de vue que même si le vainqueur de ce jeu d’échecs international peut stimuler l’économie grâce aux promesses faites, dans la réalité ce sont les entreprises qui créent les emplois. Historiquement (depuis 1932 jusqu’à aujourd’hui), les entreprises créent plus d’emplois quand elles ne font pas l’objet d’interférences d’ordre politique. Durant cette période nous avons connu 3 vagues rouges, 6 vagues bleues et 7 périodes avec un Congrès divisé. En moyenne le S&P 500 a progressé en l’espace de 4 ans respectivement de 35 %, 56 % et 60 %. Sachant bien entendu que les données historiques ne sont pas une garantie pour l’avenir, nous pouvons quand même en conclure que l’histoire lors d’un Congrès divisé n’est certainement pas défavorable.
Les mesures de soutien (temporairement) en attente dans l’antichambre
Comme nous venons de le souligner, la persistance de l’incertitude quant à l’identité du nouveau président et un Congrès toujours divisé peuvent causer du retard dans l’adoption d’un nouveau paquet de mesures de soutien fiscal. Avant les élections, les Démocrates et les Républicains n’avaient pu se mettre d’accord sur l’ampleur et le champ d’application de ce paquet. Les Démocrates souhaitaient faire adopter un paquet de plus de 2 000 milliards de dollars, tandis que les Républicains visaient un accord plus réduit qui se concentrerait plus sur des paiements aux particuliers et des prêts aux entreprises. Les Démocrates par contre poussaient à l’obtention de financements pour les autorités locales et nationales et à la réintroduction des paiements de 600 USD par semaine en plus des allocations de chômage.
En Europe, Christine Lagarde, présidente de la BCE (Banque Centrale Européenne), a annoncé le 29 octobre, en réaction à la déterioration de la situation en Europe, que des mesures drastiques peuvent être attendues lors du prochain meeting de décembre. Elles seront déterminées en fonction de l’ampleur des dommages occasionnés par le COVID-19 et du profil du président américain qui prêtera serment en janvier. Ses mots exacts étaient les suivants:
« Le redressement économique dans la zone Euro s’essouffle plus rapidement que prévu. Les membres du Conseil de Direction sont d’accord sur la necessité d’entreprendre des actions par lesquelles les instruments de soutien seront à nouveau évalués lors de la prochaine réunion ». Elle a ajouté qu’il y avait peu de doute quant à la probabilité que la BCE allait agir.
Il est clair que les instances américaines et européennes continueront à soutenir les marchés et l’économie. Il reste seulement à connaître la vitesse et l’ampleur de ces interventions. Ces élements couplés aux chiffres économiques meilleurs que prévu ne donnent certainement pas une image négative de l’avenir. Dans le paragraphe suivant nous parcourons les données économiques plus en détail.
Le fossé entre la bourse et l’économie se réduit
Les directeurs d’achats sont plus optimistes si l’on en croit les chiffres des indices PMI qui se maintiennent de manière durable au-dessus de 50. Un chiffre au-dessus de 50 indique en effet une expansion de l’économie. Il n’y a qu’en Europe qu’on observe une baisse juste sous 50, en raison de la détérioration de la situation due au COVID-19.
À côté des indices PMI, les résultats d’entreprises continuent à évoluer favorablement. Sur le graphique de gauche ci-dessous, on observe les bénéfices attendus sur 1 an, où l’économie chinoise parvient même a montrer une croissance presque positive des bénéfices annuels attendus. Sur le graphique de droite on observe des bénéfices trimestriels attendus positifs pour les secteurs de la technologie, de la biotechnologie, de la pharmacie et de l’industrie. Ces secteurs représentent également une grand part de nos thèmes de long-terme. De même nous constatons que 85 % des entreprises américaines qui ont déjà publié leurs chiffres peuvent montrer des résultats meilleurs qu’attendu pour le 3e trimestre.
On constate donc un momentum solide dans les chiffres économiques avec les États-Unis en tête. Nous restons cependant vigilants en raison de la hausse importante du nombre de cas actifs d’infections au COVID-19 en Europe et aux États-Unis.
Le COVID-19 : une deuxième vague en Europe, une troisième aux États-Unis
En raison de la forte progression du nombre de cas actifs en Europe et aux États-Unis (voir graphique ci-dessous) et de la pression grandissante sur les hôpitaux, les gouvernements européens ont décidé de prendre des mesures plus sévères mais nécessaires. Aux États-Unis il n’en est pas (encore) question.
En France, le président Macron s’est adressé à la nation mercredi de la semaine dernière à propos d’un nouveau reconfinement. L’économie doit cependant continuer à tourner. Les magasins non-essentiels, les bars et les restaurants ont fermé, le télétravail devient la norme, les écoles (à l’exception des universités) et les entreprises restent quant à elles ouvertes. Les mesures sont entrées en vigueur le vendredi 30 octobre et seront d’application au moins jusque début décembre. Le Royaume-Uni n’échappe pas non plus à la règle et a annoncé un confinement national pour tout le mois, à partir du 02 novembre. Et comme à son habitude, la Belgique a suivi avec des nouvelles mesures mises en place à partir du 02 novembre et valables jusqu’au 13 décembre. Le télétravail devient obligatoire, tous les magasins non-essentiels doivent fermer, l’horeca garde portes closes. L’enseignement reste ouvert à l’exception de l’enseignement supérieur et secondaire, où le second nommé peut encore proposer maximum 50 % de cours avec contact physique.
Le graphique de gauche montre la forte hausse du nombre de cas actifs par million d’habitants ces dernières semaines, avec la Belgique largement en tête. Un indicateur avancé, qui est le degré d’accélération (graphique de droite), montre la vitesse à laquelle le nombre de cas progresse ou se réduit. On constate ici un léger ralentissement (ligne baissière sur le graphique) qui pourrait correspondre avec un début d’applatissement du nombre de nouveaux cas. Il est cependant encore trop tôt pour l’affirmer. Nous suivons cette évolution de très près.
Nous ne devons cependant pas comparer cette situation avec celle que nous connaissions lors de la première vague en mars. Le personnel médical est maintenant mieux préparé, de meilleurs matériaux de tests et de protection sont disponibles. Nous ne pouvons néanmoins pas minimaliser la pression actuelle sur nos hôpitaux. Un vaccin pourrait également être disponible en décembre. Le responsable du programme de vaccination dans l’administration Trump, Monclef Slaoui, s’attend à ce que les candidats pour un vaccin rentrent une demande fin novembre pour une autorisation en urgence auprès de la FDA (agence de la santé américaine). Ceux qui font la course en tête sont le tandem Pfizer – Biontech, Moderna et le tandem Astrazeneca - Oxford University. Le projet a pour but de livrer 300 millions de doses de vaccins d’ici la fin janvier. Entre décembre et janvier il devrait probablement y avoir assez de vaccins disponibles pour vacciner en tous cas les personnes les plus âgées, les travailleurs du secteur des soins et les travailleurs de première ligne aux États-Unis. Ce groupe compte environ 80 à 100 millions d’individus. Par la suite les populations moins à risque pourront être traitées.
Quelles opérations avons-nous effectuées dans nos fonds essentiels ?
La probabilité de l’élection d’un président démocrate, les velléités de mesures de soutien supplémentaires à la fois aux États-Unis et en Europe, les chiffres économiques meilleurs qu’attendu et la probabilité d’un vaccin disponible pour la fin de l’année ont conduit les gestionnaires ces deux dernières semaines à relever le poids des actions dans les fonds essentiels à un niveau neutre.Cette semaine également, nous maintenons un poids neutre dans nos fonds essentiels.
L’augmentation du poids des actions s’est effectuée en investissant les liquidités disponibles. Des accents spécifiques ont été mis sur les thèmes de long-terme et sur la Chine. Au sein de nos thèmes nous nous sommes principalement focalisés sur la technologie verte (cleantech) et la transformation digitale.
Les plans de soutien européens tels que décrits dans les flashes précédents et l’appui promis par Biden sous forme d’un investissement de 2 000 milliards de dollars dans l’infrastructure verte ont donné un coup de fouet aux entreprises durables ces dernières semaines. Même si les résultats des élections compliquent l’approbation du plan de Biden, comme nous l’avons expliqué plus haut, nous voyons cependant cette tendance se maintenir dans les prochains mois. Les Chinois également ont mis les investissements durables à une place de choix dans leur agenda.
Au sein de la transformation numérique, nous avons concentré notre attention sur les entreprises actives dans le cloud, la cybersécurité et la robotique. Ces entreprises peuvent continuer à fonctionner quelque soit le contexte dans lequel les marchés se situent.Enfin nous avons augmenté notre exposition à la Chine au sein des actions, et plus spécifiquement en nous focalisant sur les entreprises qui profitent de l’économie domestique. Ce segment représente en effet 70 % du potentiel chinois. Le momentum économique est en plus en faveur de la Chine actuellement. Elle possède en effet un avantage compétitif, grâce à son contrôle du COVID-19. Cela se reflète dans la solidité de la monnaie chinoise et dans la santé persistante des chiffres économiques. Par ailleurs nous voyons notre investissement en Chine comme une excellente diversification en raison de la faible corrélation avec les autres marchés financiers.
Au sein de l’allocation obligataire, nous nous sommes positionnés plus défensivement en augmentant notre exposition aux obligations d’état américaines. Ces obligations jouent en effet un rôle de valeur-refuge. Ces obligations gouvernementales américaines de long-terme ont été financées par la vente d’obligations d’état néo-zélandaises de plus court-terme. Enfin nous avons initié une position en obligations d’état chinoises. Nous investissons dans ce segment en raison de sa sous-représentation dans les indices globaux, d’un rendement réel positif supérieur à 2 % (rendement qui tient compte de l’inflation), de la solidité de la monnaie chinoise, de la forte demande mondiale et comme diversification grâce à la faible corrélation avec les autres marchés.
Conclusion
La volatilité supérieure à la moyenne sur les marchés entraine quotidiennement des variations importantes de ces derniers. Afin de gérer ce risque, il est recommandé d’investir dans des portefeuilles diversifiés. La gestion de portefeuille est en effet un exercice de combinaison des convictions de long-terme avec des choix tactiques dictés par les facteurs de court-terme. Nous intégrons dans nos décisions les changements observés dans le paysage économique, politique et financier afin d’optimaliser au mieux nos résultats en termes de rendement et de risque.
Nous sommes actuellement positifs sur nos thèmes de long-terme de la technologie verte (cleantech), du numérique, de la consommation en Asie (via la Chine) et de la cybersécurité. Ces thèmes profitent de nos nouvelles manières de travailler et des mesures de soutien fiscal. Ils sont également parfaitement positionnés pour continuer à s’épanouir après la pandémie. Par ailleurs, nous observons encore plusieurs catalyseurs macro-économiques positifs comme les intentions de nouveaux stimuli, le momentum favorable des chiffres économiques et la disponibilité d’un vaccin. Nous restons cependant vigilants en conservant un positionnement neutre dans les fonds essentiels, en raison de la situation dégradée au niveau du COVID-19 et de l’imprévisibilité du résultat final, et reconnu par tous, des élections présidentielles aux États-Unis.
Notre attention tout entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients en toutes circonstances, et en particulier dans cet environnement exceptionnel que nous vivons actuellement.
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