- Votre choix linguistique sera sauvegardé.
- Votre agence sera enregistré.
- Votre session est sécurisée.
- Vous verrez la version standard de notre site web. Le contenu n'est pas adapté à vos préférences.
Une guerre commerciale sans gagnants
3 avril 2025
Un événement historique : par décret présidentiel, la gravité aurait été abolie. Bien sûr, personne n’y croit, car même le tout-puissant président américain n’oserait défier une loi de la physique. Alors pourquoi prend-il le risque d’ignorer des lois économiques fondamentales, au détriment évident de son propre pays ? Cela reste un mystère pour nous. Mais ce qui nous intrigue davantage, c’est de voir un pays comme les États-Unis, riche de tant de brillants esprits, accepter cela sans trop d’agitation ni de protestations visibles.
Aussi, aux décideurs de la zone euro, nous offrons un conseil gratuit et non sollicité : ne réagissez pas impulsivement en annonçant à votre tour des tarifs d’importation agressifs sur les produits et services américains. Évitez aussi d’énoncer des contre-arguments ou de vous lamenter sur l’injustice qui nous est faite. Cela pourrait vous surprendre, chers lecteurs : en substance, le président américain n’a pas complètement tort. Le principe de la réciprocité des tarifs n’est en rien néfaste. Au contraire, nous serions même enclins à applaudir l’idée d’un tarif égal des deux côtés de l’Atlantique, de préférence fixé à 0 %.
Résistance symbolique ?
Que Trump ait raison ou non, peu importe pour l’instant. Time is on our side, parce que les tarifs imposés nuisent principalement à l’économie américaine : à court terme, ils alimentent l’inflation ; à moyen terme, ils freinent la croissance économique ; et à long terme, ils exacerbent le nombrilisme, vecteur d’immobilisme. Et cette lente sclérose finit par conduire à des produits inadaptés et inefficaces, ce qui ne peut que miner progressivement la force exportatrice américaine. Les voitures américaines, à quelques exceptions près, ne plaisent guère aux consommateurs européens, qui peuvent, sur leur propre marché, choisir des véhicules de meilleure qualité et économes en carburant. Dans ce contexte, les tarifs d’importation européens n’ont donc qu’un impact limité.
Alors, Européens, restons calmes et limitons-nous à une résistance symbolique. Inspirons-nous des deux règles des arts martiaux orientaux : 1. évitons le combat, mais si l’affrontement est inévitable, 2. utilisons le poids de l’adversaire à notre avantage.
En l’espèce, laissons les tarifs d’importation américains exercer leurs effets néfastes sur l’économie des États-Unis. Le pays manque en effet de main-d’œuvre pour remplacer les produits européens devenus plus chers, que ce soit à court ou à moyen terme. Ces tarifs seront donc répercutés directement sur le consommateur américain. Pire encore, par le passé, les producteurs américains ont souvent ajusté leurs prix pour s’aligner sur ceux des produits importés plus coûteux.
Une absurdité sans nom
Les entreprises américaines ne se précipiteront pas non plus pour augmenter leur capacité de production. Cela nécessiterait des investissements qui ne deviendraient rentables qu’à longue échéance. Or, le climat d’investissement est trop incertain et les taux d’intérêt trop élevés pour le justifier.
Le déficit commercial (colossal) des États-Unis, loin d’être un fardeau, présente en réalité plus d’avantages que d’inconvénients. En important des biens produits de manière plus efficiente, l’économie américaine évite la surchauffe, parce qu’elle est déjà quasiment au plein emploi. Créer davantage d’emplois mènerait inévitablement à des augmentations salariales insoutenables. Ignorer cet avantage fondé sur cette loi économique évidente, comme le fait le président actuel, est une erreur monumentale.
L’augmentation des tarifs douaniers[1] ne fait qu’attiser l’inflation et freiner la croissance économique. Les emplois que Trump espérait voir fleurir se traduiront en réalité par une destruction nette de postes.
La pression inflationniste croissante limite les marges de manœuvre de la Réserve fédérale pour baisser les taux d’intérêt. À l’inverse, la Banque centrale européenne peut se permettre de réduire substantiellement ses taux directeurs. Ce qui va renforcer le dollar et offrir ainsi un souffle nouveau à nos exportations.
Un perdant évident
Dans une guerre commerciale, il n’y a généralement pas de gagnants. Cependant, ici, les États-Unis se démarquent comme le perdant évident. Les marchés ne s’y trompent pas : les indices boursiers américains subissent des chutes bien plus marquées qu’en Europe, preuve indéniable de cette réalité.
L’économie américaine finira par rebondir, grâce à sa résilience, mais des négociations sont indispensables pour ramener les tarifs à des niveaux plus raisonnables.
Le raisonnement sous-tendant ces hausses tarifaires repose sur une hypothèse complètement erronée. Il est faux de croire que l’augmentation des tarifs d’importation stimulera la production interne et créera de l’emploi. En réalité, cela ne fait qu’entraîner des hausses de prix. Surtout dans un contexte de pénurie historique sur le marché du travail américain.
A wrong assumption is the mother of all screw-ups.
[1] En s’inspirant des décisions controversées du passé, Trump évoque des mesures similaires du XIXe siècle (sic), prises notamment par les présidents William McKinley et Benjamin Harrison. Les deux avaient tenté de protéger l’industrie et l’agriculture américaines, prétendant ainsi stimuler la croissance des États-Unis. En réalité, leurs actions ont figé l’économie américaine. Les taxes imposées par Harrison ont été abolies par Grover Cleveland, mais ont refait surface par la suite. Entre autres, en 1930, avec l’introduction du tarif désastreux Smoot-Hawley qui a contribué à la Grande dépression.
Lire plus
-
Science of stupid
7 mars 2025Le cirque géopolitique de la semaine passée est sans précédent sur la scène mondiale. Espérons qu’il n’y ait pas de « rappel ».
-
May the force be with us
20 février 2025Ils se disent experts, ceux-là qui discernent dans des éclaboussures de peinture aléatoires sur une toile une œuvre d’art révolutionnaire, riche de sens. Nous leur accordons le bénéfice du doute. Pourtant, permettez-nous tout de même de tracer une limite, qui est franchie lorsqu’on prétend percevoir une stratégie réfléchie dans l’approche américaine visant à mener un jour à des négociations de paix avec le dirigeant russe.
-
Un cadeau venu de Chine
3 février 2025Cette phrase, sans doute exprimée sous le ton de la boutade, a rendu le légendaire Johan Cruyff aussi célèbre dans le domaine linguistique qu’il l’était sur le terrain. L’idée qu’un avantage se cache derrière chaque inconvénient éclaire en effet bon nombre de situations en dehors des terrains de football. Dans le contexte actuel, elle offre une perspective intéressante, alors que les marchés boursiers ont été secoués par les résultats annoncés d’une obscure start-up chinoise.