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Un an plus tard : presque la vie normale, avec l’inflation en bonus
5 novembre 2021
Auteur: Gerd Philippaerts, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management
Voici un an, Trump perdait sa présidence au profit de Biden, et quelques jours plus tard, le vaccin de Pfizer était approuvé : deux jalons décisifs. Ces deux événements ont ouvert les portes d'une accélération de la croissance économique. Le plan de relance de Biden a déjà fait saliver les valeurs industrielles dans la perspective de temps meilleurs, et par extension leurs fournisseurs et les fournisseurs d'énergie verte, tandis que les perspectives de vaccination ont rompu les chaînes que la Covid nous avait imposées.
Au moment de la rédaction de cet article, le plan d'infrastructure final n'a pas encore été approuvé aux États-Unis et le virus Covid-19 n'a pas encore disparu, mais au cours des 12 derniers mois, les marchés boursiers ont bondi de record en record en misant sur une fin heureuse. C'est également le cas en octobre, même si l'inflation, la hausse des taux d'intérêt et les difficultés d'approvisionnement dominent désormais l'actualité boursière.
Octobre 2021 : la baisse de la confiance des consommateurs et les inquiétudes des investisseurs observées en septembre ont laissé la place à une forte confiance dans les résultats des entreprises. Fin octobre, nous revenons à un nouveau record sur les bourses américaines, portés par ces mêmes excellents résultats. Octobre a même été le meilleur mois de 2021 pour le S&P500.
Moins d’enthousiasme sur certains marchés asiatiques
C’est surtout le cas en Chine, où la crise immobilière et les risques de liquidité associés provoqués par la débâcle d'Evergrande semblent cependant s’atténuer. Mais l'ingérence du gouvernement fait toujours planer une ombre sur les marchés. Le resserrement des réglementations ciblant des secteurs spécifiques tels que les plateformes de commerce électronique, les technologies financières, les médias sociaux et l'éducation en ligne a érodé les capitalisations boursières de nombreuses actions chinoises tandis que les dirigeants chinois donnent peu d’indices sur ce qui pourrait suivre.
En outre, la Chine est aux prises avec une crise énergétique croissante en raison de pénuries et de prix record du carburant. La Chine est le plus grand consommateur de charbon au monde et les prix du charbon thermique dans le pays ont atteint de nouveaux records. Cela s'est produit en partie après que les inondations dans la principale province productrice de charbon du Shanxi ont exacerbé la pénurie d'approvisionnement.
Évolution des prix du « charbon thermique » en Chine (contrat futur)
Là aussi, cela a contraint le gouvernement chinois à intervenir : d'une part, une série de mesures ont été prises pour stimuler la production de charbon, malgré l’urgence climatique, et d'autre part, le prix du charbon a été significativement abaissé par les autorités. Les actions des producteurs de charbon cotés en bourse ont subi un ajustement significatif à la suite de ces annonces. Nous n’investissons bien entendu pas dans le charbon avec nos fonds, mais cela indique que les interventions du gouvernement chinois ont un impact majeur sur la performance boursière de certains segments.
Toutes ces interventions ont un effet économique négatif à court terme. De plus, le coronavirus a de nouveau pointé le bout de son nez, avec pour résultat que certains ports du sud et certaines régions du nord ont connu des périodes de confinement. Les données économiques récemment publiées ont donc montré un ralentissement significatif de la croissance au troisième trimestre.
Mais avec l'ajustement à la baisse des attentes économiques et une diminution relative des incertitudes liées aux interventions gouvernementales, octobre a apporté une certaine amélioration. En particulier les valeurs chinoises qui avaient le plus souffert ont connu des jours meilleurs, mais ce n'est pas encore une vraie course de rattrapage. Il semble qu'un plancher ait été atteint, mais les doutes moins profonds mais toujours présents concernant les interventions gouvernementales alimentent la volatilité. Au sein des fonds, nous pensons que les marchés chinois offrent des opportunités : les valorisations des actions peuvent être qualifiées d'attrayantes après la baisse, et la devise chinoise et les obligations d'État restent stables. C'est pourquoi nous avons progressivement augmenté notre exposition aux actions chinoises et aux obligations d'État.
Outre la Chine, la Corée du Sud et le Japon ont également connu une période difficile
Le pays de Samsung et des semi-conducteurs connaît un ralentissement économique et la combinaison avec la récente hausse des taux d'intérêt semble dissuader les investisseurs. Le marché boursier coréen n'a pas été en mesure de profiter du fait que la demande de semi-conducteurs dépasse largement l'offre. Au Japon, un nouveau vent politique semble souffler, mais l'optimisme à cet égard en septembre a été de courte durée. Une croissance économique mondiale plus forte, principalement avec une demande croissante de machines, pourrait donner à l'économie japonaise le coup de pouce nécessaire, mais pour l'instant cela ne semble pas avoir d'effet particulier sur le marché boursier japonais.
Rendements en octobre (% en Euro)
Quid de l’Europe? L’image est plus contrastée
Les actions européennes ont eu un peu de mal à suivre leurs consœurs américaines en octobre et n'ont pas réussi à égaler leurs sommets précédents. Néanmoins, il y a suffisamment d'optimisme en raison du soutien continu de la Banque centrale européenne pour que la reprise économique reste intacte. Ici aussi, nous maintenons nos positions.
Malgré des douleurs de croissance et la pression de l’inflation, les résultats d’entreprises sont convaincants
Les perspectives de croissance économique et d'inflation sont de plus en plus déterminées par les problèmes de chaîne d'approvisionnement liés aux pénuries de main-d'œuvre et aux goulots d'étranglement de la production. Mais la Covid-19 reste aussi clairement présente, bien que dans une moindre mesure grâce aux vaccinations. Le calendrier des solutions n'est pas complètement fixé, mais il existe des opportunités pour les investisseurs qui regardent au-delà des problèmes à court terme.
Inflation, stagflation…. Les craintes d'augmentations de prix incontrôlées et l'effet sur la croissance économique ont dominé les conversations sur les marchés : quelles causes et conséquences, quel impact sur la croissance, transitoire, tendanciel ou permanent ? On ne manque pas de sujets liés à cette tendance globale. Nous avons déjà parlé des prix du charbon en Chine, mais le déséquilibre entre l'offre et la demande affecte aussi les cours des autres matières premières : les prix du bois, du cuivre, du nickel, de l'aluminium, des céréales, voire les prix des poulets américains subissent une pression à la hausse, que ce soit temporairement ou non.
Les prix du pétrole et du gaz suivent la même tendance. Le prix du pétrole a dépassé les 86 dollars le baril pour la première fois depuis octobre 2018. Des années de sous-investissement ont désormais des conséquences douloureuses. La production de pétrole aux États-Unis est estimée à 10 à 20 % inférieure aux niveaux d'avant la pandémie et avec l'hiver qui approche à grands pas, les niveaux de production actuels ne devraient pas s'inverser immédiatement. Tous les regards sont donc tournés vers l'OPEP et les autres pays producteurs de pétrole. Vont-ils succomber aux pétrodollars et se décider à augmenter progressivement leur production ? Pour l'Europe, un approvisionnement russe garanti aurait de son côté un effet calmant sur les prix du gaz en Europe.
Les problèmes de chaîne d'approvisionnement affecteront l'économie pendant un certain temps encore. Cela semble désormais acquis. Au cours des prochains trimestres, les mises à jour sur les goulots d'étranglement détermineront donc en partie les performances boursières. En plus d'un approvisionnement plus important en produits énergétiques, un meilleur approvisionnement en semi-conducteurs peut aider : le redémarrage d'usines après que le variant Delta en a fermé plusieurs, pourrait déjà avoir un premier effet positif durant ce quatrième trimestre. Plus de visibilité sur l'éventuelle extension de la capacité de production éliminerait à son tour l'incertitude entourant l'approvisionnement en puces en 2022 et 2023.
D'autres levées d’obstacles comme une offre plus coordonnée de la main-d'œuvre américaine et la réduction des accumulations de conteneurs devant les ports américains devraient redonner une confiance supplémentaire à court terme. Une solution à la congestion dans les ports Outre-Atlantique réduira la hausse des coûts de transport. Le coût du transport des conteneurs de la Chine vers l'Europe ou les États-Unis est en effet déjà sept fois plus élevé que l'an dernier.
Néanmoins, il existe un risque pour les marchés qu'une inflation plus élevée s'installe davantage dans l'économie et que cette tendance persistante oblige les banques centrales à resserrer prématurément leur politique monétaire. L'incertitude autour de l'inflation et le fait que la BCE a également annoncé une réduction de ses achats d'actifs (c'est-à-dire de leur politique d’assouplissement quantitatif) en septembre pourraient conduire à une volatilité accrue des marchés dans les prochains mois. Cependant, les banques centrales américaines et européennes continuent de souligner que la suppression du soutien ne se fera que progressivement et qu'il n'y aura certainement pas de hausse immédiate des taux d'intérêt.
Dans notre édition précédente nous avons évoqué deux aspects que la Fed, la Banque centrale américaine, prend en compte, à savoir l'inflation et le marché du travail. Les pressions inflationnistes persistantes pourraient mettre la FED dans une position difficile. Maintenant que Powell, le président de la Fed, a « admis » qu'une inflation élevée pourrait durer plus longtemps, le marché obligataire anticipe d'éventuelles hausses de taux multiples pour l'année prochaine.
Le marché du travail est également à la recherche d'un nouvel équilibre. La situation du coronavirus en Amérique avait freiné la baisse du chômage en septembre, mais en octobre, nous constatons une tendance positive plus marquée. C'est bien sûr aussi dû au fait que les plans spéciaux d'aide aux chômeurs ont été retirés en septembre. On s'attend à ce que de plus en plus de personnes postulent désormais pour les nombreux emplois vacants. Les entreprises essaient de pourvoir les postes vacants en offrant de meilleures conditions salariales aux nouveaux employés, ce qui à son tour alimente les anticipations d'inflation. Dès le mois de mai, Amazon avait augmenté son salaire de départ moyen aux États-Unis d'environ 6 % dans sa tentative d'embaucher 125 000 travailleurs affectés aux transports et aux entrepôts. Maintenant, Starbucks a annoncé un plan visant à augmenter les salaires dans les cafés jusqu’à un salaire minimum de 15 $ de l'heure (c’est actuellement 12 $) et un salaire moyen de 17 $ de l'heure d'ici juin 2022 (actuellement 15 $). Costco, une chaîne de grands magasins, augmente également son salaire horaire à 17 USD.
Ces anticipations d'inflation plus élevées poussent les taux d'intérêt à la hausse et nous le voyons sur les marchés obligataires : à court terme, nous observons de fortes poussées des taux d'intérêt et donc des baisses du cours des obligations à court terme. Ce recul ne se fait certainement pas en ligne droite, ni avec beaucoup de conviction. Là, l'interaction avec d'autres facteurs tels que les problèmes susmentionnés dans la chaîne d'approvisionnement et l'impact attendu de la hausse des salaires sur la croissance économique offre suffisamment de matière aux sceptiques.
Au niveau de nos fonds, nous n'avons aucun doute : malgré la hausse des taux d'intérêt, le niveau de ces derniers reste historiquement bas, ce qui est favorable aux actions. Nous continuons donc de sous-pondérer nos positions obligataires par rapport aux actions et cherchons à protéger ces positions obligataires des effets des pressions inflationnistes persistantes.
Le Coronavirus continue de circuler : le fait que le variant Delta puisse constituer un frein temporaire à l'économie a été mis en évidence par le chiffre publié du PIB des États-Unis. Avec une croissance du PIB de « seulement » 2 % au troisième trimestre, c'est bien en deçà des attentes de 2,8 %. Ces chiffres décevants ont été principalement attribués au pic des infections au virus en août. Mauvaise nouvelle, bonne nouvelle : la reprise économique pourrait être d'autant plus forte au quatrième trimestre. En effet, les récents indices de confiance indiquent un regain de cette confiance. Les ventes au détail aux États-Unis le confirment puisqu'elles ont progressé de 0,7 % en septembre (publié en octobre), alors que les analystes anticipaient une baisse de 0,2 %. Hors ventes liées à l'automobile, qui ajoutent souvent à la volatilité des chiffres et d’autant plus aujourd’hui avec les ruptures d'approvisionnement, le chiffre a augmenté de 0,8 %, en avance sur les prévisions de 0,5 %.
Ceci confirme notre confiance dans notre allocation en faveur des actions. Nous nous concentrons sur le retour à la normale et sur de solides résultats d’entreprises, car ces entreprises restent globalement très rentables. La marge bénéficiaire anticipée du MSCI All Country a atteint un record de 10,7 %, contre 9,4 % avant la pandémie. Dans un contexte de reprise attendue de l'économie au quatrième trimestre 2021 et à condition que le cycle économique ne s'arrête pas brutalement, le contexte macroéconomique reste relativement favorable aux actions par rapport aux obligations.
Quelle est alors la prochaine étape du retour à la normale ? L'ouverture des frontières américaines le 8 novembre aux étrangers vaccinés sera déjà un coup de pouce supplémentaire. Les chiffres récents des opérateurs de cartes de crédit Visa et Mastercard indiquent en effet que les paiements transfrontaliers, les transactions depuis l'étranger, sont encore bien en deçà des niveaux précédents, soulignant le potentiel supplémentaire de croissance économique.
Quelles opérations avons-nous effectuées dans les fonds essentiels ?
Actions
La position en liquidités que nous avions constituée temporairement pour absorber une éventuelle baisse des marchés boursiers a pu être utilisée. Suite à la plus faible performance des marchés d’actions en septembre et en prévision de résultats d'entreprises plus solides, le pourcentage d'actions en octobre a été augmenté. La croyance en une performance relativement plus forte des actions par rapport aux obligations reste intacte. Les indicateurs économiques ont généralement été révisés à la baisse, mais les attentes pourraient être à nouveau dépassées pour le quatrième trimestre. Les actions se négocient toujours à une prime de risque moyenne et, en combinaison avec la politique monétaire expansionniste, bien que progressivement réduite, les actions restent attractives malgré le ratio cours/bénéfices plus élevé de nombreuses entreprises.
Au sein du portefeuille actions, la pondération du thème « new tech » a été augmentée. Ces entreprises, soutenues par certaines tendances technologiques clés, démontrent leur résilience dans des scénarios de croissance économique à la fois positifs et négatifs. Le plus grand poids dans ce thème aujourd'hui est le software. Nous partons en effet du principe que de nombreuses sociétés de software sont plus à l'abri des problèmes de chaîne d'approvisionnement.
Le thème du vieillissement a également été renforcé : cela donne plus d'exposition aux actions des soins de santé et aux actions financières. Les soins de santé (produits pharmaceutiques, biotechnologies, instruments médicaux, services) sont positionnés de manière plus défensive et valorisés de manière attrayante, tandis que les services financiers (Fintech, gestionnaires d'actifs, assureurs) peuvent profiter des mouvements de la courbe des taux.
L'Inde a réalisé une solide performance cette année. Son marché boursier semble immunisé contre toutes les craintes possibles, qu'il s'agisse d'inflation, de ralentissement de la croissance ou de problèmes de chaîne d'approvisionnement. Les valorisations ayant fortement augmenté, nous avons pris des bénéfices et réduit en partie la position. Nous avons utilisé les liquidités ainsi libérées pour renforcer notre position en actions chinoises. Nos choix en Chine ont été moins impactés par le marasme général car notre exposition repose principalement sur des choix actifs sur le marché local et un poids limité sur les géants de la Tech. Le marché boursier chinois est devenu moins cher après la solide correction et nous voyons cela comme une opportunité.
Obligations
La Banque centrale américaine mettra progressivement fin à son programme d'achat d'actifs dans les prochains mois. Cela peut provoquer de la volatilité. Nos positions en obligations sont sous-pondérées et très sélectives.
Au sein de la section obligataire, des bénéfices ont été pris sur les obligations indexées sur l'inflation. Les anticipations de hausse de l'inflation semblent de plus en plus prises en compte par le marché. En conséquence, le rendement en regard du risque est devenu moins attractif. Dans le même temps, nous avons augmenté l'exposition aux obligations hypothécaires danoises. La correction provoquée par la hausse des taux d'intérêt a présenté une bonne opportunité d'achat : en effet, nous recevrons à nouveau une prime d'intérêt plus élevée par rapport aux obligations d'État allemandes avec la même qualité de crédit (même notation).
Les hausses de taux à court terme favorisent en revanche notre exposition aux produits à coupon flottant (FRN). Ces derniers ont également une faible duration. Nous avons donc également augmenté davantage ce segment.
Les obligations d'État chinoises restent également une part importante du portefeuille obligataire et se sont très bien comportées. Nous avons encore renforcé cette position. Il est possible que le gouvernement chinois prenne à nouveau des mesures économiques de soutien sous la forme d'une baisse des taux. Ce serait un nouveau coup de pouce pour nos positions.
Conclusion
Nous restons surpondérés en actions. Les bons résultats des entreprises combinés à la politique des banques centrales réussissent à soutenir davantage le marché boursier. Des choix actifs sont faits à la fois au sein des actions et des obligations. Les gestionnaires privilégient l'approche thématique en combinaison avec la préférence pour la qualité, avec un apport spécifique de la partie obligataire. Cela nous permet de positionner au mieux les fonds essentiels et d'éviter des investissements que nous considérons comme moins intéressants aujourd'hui. Par exemple, nous maintenons temporairement une position de trésorerie que nous pouvons utiliser pour de nouvelles opportunités à l'avenir.
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