Rapport trimestriel Q4 2024 : Tous les yeux tournés vers les Etats-Unis

10 janvier 2025

Auteur: Xander Michielsen, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Le quatrième trimestre a conclu positivement une solide année boursière 2024. Le début du mois de novembre a été dominé par les élections présidentielles américaines, où Donald Trump a remporté une victoire éclatante et a obtenu avec les républicains une majorité tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat. Le marché boursier a pu poursuivre sa tendance positive après le résultat des élections, mais décembre a malgré tout été un mois plus difficile à partir du moment où la FED a brouillé les cartes. Le nombre de baisses de taux d'intérêt directeurs attendues a fortement diminué, ce qui a suscité une incertitude croissante. Le raffermissement du dollar a pour sa part eu un effet positif au sein des fonds et a compensé l’effet négatif d’un niveau plus élevé des taux aux Etats-Unis.


Tous les fonds essentiels ont enregistré une nouvelle fois un résultat positif au cours du dernier trimestre 2024. La victoire de Donald Trump à la présidence a renforcé dans un premier temps l’optimisme ambiant sur les marchés boursiers. La réunion de décembre de la banque centrale américaine a toutefois provoqué un revirement au cours des dernières semaines de l'année. La réduction attendue des taux d’intérêt a été mise en œuvre, mais la trajectoire future des baisses de taux pour 2025 a été fortement rabotée. Ces nouvelles attentes en matière de politique des banques centrales ont entraîné une forte hausse des taux d'intérêt de long-terme aux États-Unis, avec des conséquences négatives pour les marchés financiers. Les taux européens ont de leur côté suivi le mouvement, ce qui a eu un impact négatif tant sur les actions que sur les obligations.

L'appréciation du dollar américain a été un facteur dominant dans la performance des actions. Grâce à cette hausse, les actions américaines ont connu une évolution fortement positive. L’Europe, ainsi que l’Inde, ont enregistré des résultats moins favorables.

La gestion active et la large diversification des positions obligataires, ainsi que l’accent mis sur des rendements courants plus élevés et le fort positionnement en dollar américain, ont permis d'amortir le choc de la hausse des taux d'intérêt en décembre.

Les anticipations sur la politique de Donald Trump

Peu après les élections présidentielles, nous avions publié un flash détaillant les divers pans de la politique de Trump. Le mandat de Donald Trump n’a pas encore commencé, mais des tendances claires se sont déjà dessinées. Le 20 janvier prochain, Trump deviendra officiellement le nouveau président des États-Unis. Le marché l'a toutefois déjà pleinement anticipé et il reste à voir dans quelle mesure ses projets se réaliseront dans les faits.

Trump a récemment réaffirmé certains des points clés de sa campagne. Le projet de réforme fiscale prévoyant une baisse de l’impôt sur les sociétés reste l’un des points importants de son ordre du jour. Une baisse des impôts signifierait une hausse des bénéfices nets pour les entreprises et pourrait pousser encore davantage les valorisations des actions américaines vers de nouveaux sommets. L’indicateur de sentiment des petites et moyennes entreprises américaines a déjà réagi à la hausse. Il l’a d’ailleurs également fait la dernière fois que Trump a été élu.

Optimisme au sein des petites entreprises

Une deuxième priorité concerne le renforcement des contrôles aux frontières et la limitation de l’immigration (illégale). Si des mesures de grande envergure étaient prises, cela pourrait entraîner une plus grande tension sur le marché du travail, ce qui exercerait une pression supplémentaire sur les salaires et entraînerait une hausse de l’inflation. Les positions investies en obligations indexées sur l’inflation ont pu bénéficier dans ce contexte de la hausse des anticipations d’inflation.

Donald Trump prône également davantage de protectionnisme et des droits de douane plus élevés sur les importations. Il veut ainsi protéger l’industrie américaine et ses travailleurs. Une augmentation des tarifs douaniers commerciaux a un impact économique négatif. Une approche extrême pourrait même conduire à une nouvelle guerre commerciale. Les marchés l’ont anticipé en sanctionnant principalement l'Europe et la Chine et en se concentrant sur les actions domestiques américaines.

Trump veut enfin assouplir la réglementation pour les entreprises. Les banques et autres institutions financières en particulier peuvent en bénéficier. Des règles moins strictes peuvent rendre les banques plus rentables car elles doivent alors conserver moins de capital (coûteux). La pentification de la courbe des taux améliore aussi leurs marges bénéficiaires. Comme attendu, le secteur financier a été l’un des secteurs les plus performants du marché.

Les banques centrales prennent des chemins différents

Des taux plus élevés pour plus longtemps aux Etats-Unis, mais pas en Europe

Le message de la banque centrale américaine a provoqué un changement de tendance au cours du mois de décembre. La réduction des taux a été conforme aux attentes, mais la trajectoire des baisses futures a été considérablement ajustée. La Fed a averti que les risques d’inflation étaient toujours présents et a indiqué qu’elle appuyait sur le bouton pause. Le marché s'attend à une ou deux baisses de taux supplémentaires en 2025, un écart important par rapport aux attentes de début octobre. Ce message a eu un impact considérable et a provoqué une hausse des taux d’intérêt américains de long-terme ainsi qu’une chute des marchés boursiers et obligataires.

Taux directeurs attendus de la FED

Cette situation contraste fortement avec l’Europe, où l’on s’attend encore dans une large mesure à une baisse des taux d’intérêt. Les indicateurs économiques en Europe restent faibles et les anticipations d’inflation sont sensiblement plus basses.

Réductions de taux anticipées

L’impact sur les obligations

La hausse des taux d’intérêt exerce une pression sur les obligations d’Etat américaines. Non seulement le rendement courant a augmenté, mais aussi le rendement réel attendu (rendement qui prend en compte l’inflation). Les marchés financiers anticipaient déjà des pressions inflationnistes plus fortes depuis début octobre et cela n'a pas changé après le message de la banque centrale américaine. En Europe, les taux d’intérêt à long terme ont également augmenté, mais dans une mesure bien moindre.

Taux d'intérêt à 10 ans
Inflation attendue sur 5 ans

Les obligations pourraient recommencer à bien se comporter si les taux d’intérêt reculent à nouveau en raison de la baisse des anticipations d’inflation, éventuellement combinée à un ralentissement de la croissance américaine. Parallèlement, elles offrent un rendement réel plus élevé.

La force du dollar américain

La force du dollar a largement déterminé les rendements des investisseurs européens. Le dollar a pu se renforcer principalement en deux phases. La période conduisant aux élections présidentielles et puis la victoire de Trump début novembre ont donné un premier élan. Ses politiques pourraient conduire à une inflation plus élevée et à une croissance plus forte. Cela a augmenté l’écart des taux d’intérêt avec l’Europe et soutenu le taux de change du dollar. Une deuxième phase a été initiée par la FED le 18 décembre. Cette dernière a diffusé le message selon lequel le nombre de baisses des taux d’intérêt sera probablement inférieur aux prévisions initiales. Cela a conduit à une nouvelle augmentation du différentiel de taux d’intérêt avec l’Europe, apportant ainsi un soutien renouvelé au dollar.

La force du dollar

Les attentes pour la nouvelle année

Les attentes pour la nouvelle année sont généralement favorables. La croissance économique mondiale reste intacte. On doit toutefois tenir compte de différences majeures entre les différentes zones économiques. Le graphique PMI ci-dessous reflète la confiance des directeurs d'achat dans l'avenir, un niveau supérieur à 50 signifiant une accélération du taux de croissance. Les États-Unis restent donc les mieux placés pour la croissance future. Les facteurs qui continuent de soutenir l’économie du pays comprennent : l’entrepreneuriat, l’adoption de l’IA et une forte consommation. Des baisses de taux d’intérêt sont toujours attendues aux États-Unis, même si elles seront plus faibles que prévu initialement.

En revanche, l’économie européenne est en difficulté, le paysage politique y est incertain et la guerre en Ukraine continue. Il existe malgré tout encore des points positifs pour les actions européennes. Les nombreuses baisses de taux d’intérêt attendues pourraient apporter un peu d’oxygène financier aux entreprises. Les actions européennes sont relativement bon marché et les faibles attentes signifient que les surprises positives peuvent avoir un effet favorable sur les cours. L’espoir subsiste de meilleures perspectives économiques, d’une résolution du conflit et d’une position moins protectionniste de la part de Trump.

Enquêtes PMI

Le positionnement au sein des fonds

L’économie mondiale continue de croître, bien qu’à un rythme plus lent. La baisse des taux d’intérêt à court terme a commencé, même si les attentes aux États-Unis ont été révisées. L’économie américaine s’avère une fois de plus plus forte que prévu. Avec des niveaux d’inflation légèrement plus élevés, les actions sont privilégiées par rapport aux obligations. Cette préférence marquée pour les actions a conduit à une augmentation de notre allocation.

Les obligations ont été réduites pour financer l’augmentation des actions. Les obligations d’État sensibles aux taux d’intérêt ont notamment été vendues en prévision des élections présidentielles américaines.

Avant les élections, une partie de l’exposition au dollar était couverte contre l’euro. Il s’agissait de protéger le portefeuille des fortes fluctuations attendues du taux de change. Depuis la victoire de Donald Trump, cette protection a été réduite en plusieurs phases. Les politiques divergentes des banques centrales américaine et européenne jouent en faveur d'un renforcement du dollar face à l'euro. En outre, la croissance économique attendue plus élevée aux États-Unis contribue à une nouvelle appréciation du dollar.

Positionnement au sein des actions

Les actions américaines ont actuellement la pondération la plus importante. Une attention accrue est toujours portée aux entreprises technologiques présentant un fort profil de croissance. En outre, des entreprises liées aux biens de consommation ont été achetées. Ces entreprises sont à la traîne par rapport au reste du marché et offrent des opportunités intéressantes en raison de valorisations favorables et de la robustesse de l’économie américaine.

L’Europe paraît moins attirante, mais les actions européennes sont valorisées de manière relativement intéressante en raison du degré élevé de pessimisme. Les faibles attentes offrent une chance réaliste qu’une surprise positive se produise en 2025 sur le plan économique ou politique. La pondération des actions européennes a donc été légèrement augmentée.

La position en actions indiennes a été réduite. Aujourd’hui, nous y observons une valorisation plus onéreuse et de nombreuses entreprises n’ont pas réussi à répondre aux attentes élevées. Les liquidités dégagées ont été réinvesties au Japon, où le nouveau Premier ministre a une vision moins restrictive de la politique monétaire. La croissance économique du Japon devrait également s’accélérer à nouveau.

Positionnement au sein des obligations

Plusieurs facteurs ont protégé notre portefeuille obligataire contre la forte hausse des taux d’intérêt à long terme (en particulier aux États-Unis).

  • Au cours du trimestre, la sensibilité aux taux d’intérêt a été réduite. Les obligations à long terme des gouvernements américains et britanniques ont notamment été réduites. Les craintes d’un retour de l’inflation américaine continuent de peser sur les taux d’intérêt et les cours des obligations. Au Royaume-Uni, l’inflation et la pression sur les obligations à long terme ont également augmenté.
  • Le choix d’investir une partie dans des obligations américaines indexées sur l’inflation, qui ont su enregistrer des performances relativement fortes au cours des derniers mois de l’année, a également aidé. En outre, le renforcement du dollar a eu un effet positif et a compensé l’effet de la hausse des taux d’intérêt à long terme. Du côté européen, les obligations indexées sur l’inflation ont été augmentées. Les attentes d’inflation en Europe sont très faibles, ce qui permet d’obtenir un prix moins cher et un bon point d’entrée.
  • Il a également été décidé de se différencier en obligations davantage issues des marchés émergents afin de bénéficier d’un rendement nettement plus élevé. Compte tenu de l’augmentation constante de la dette des États-Unis et de l’Europe, la qualité du crédit des marchés émergents s’est de manière relative fortement améliorée.
  • L'incertitude politique et la situation budgétaire en France ne rendent pas ses dirigeants très optimistes. Plus tôt durant 2024, les obligations françaises ont été dégradées en raison d’une montagne de dettes importante. La menace d’un déraillement budgétaire, alimentée par l’instabilité politique, a justifié la liquidation presque totale des obligations d’État françaises. Des obligations allemandes, irlandaises, finlandaises et autrichiennes ont été achetées en contrepartie.

Conclusion

Le résultat de l'élection présidentielle américaine et le message de la banque centrale américaine, qui a entraîné une forte hausse des taux d'intérêt, ont dominé les marchés financiers au quatrième trimestre 2024. L'année s'est conclue sur un résultat positif, avec une nouvelle bonne prestation pour les actions. L’économie mondiale est restée suffisamment forte, les États-Unis en tête. En outre, les obligations jouent toujours un rôle important dans le portefeuille d’investissement. Malgré la hausse des taux d’intérêt, la composante obligataire du portefeuille s’est relativement bien comportée, grâce au renforcement du dollar. La réduction anticipée de la sensibilité aux taux d'intérêt et les choix spécifiques concernant, entre autres, les obligations indexées sur l'inflation ont également contribué au résultat.

2025 réunit les ingrédients nécessaires pour être une nouvelle bonne année pour les marchés financiers. L’économie mondiale continue de croître et de nouvelles baisses des taux d’intérêt sont attendues. Les résultats des entreprises, les choix politiques de Trump, l’évolution des tensions géopolitiques et l’évolution future de l’inflation joueront bien entendu un rôle important dans la suite des événements.

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