La politique de Donald Trump : opportunités et risques

15 novembre 2024

Auteur: Xander Michielsen, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Les élections présidentielles aux États-Unis ont eu lieu et le résultat est tombé bien plus vite qu’attendu. Donald Trump l’a emporté de manière convaincante et a même réussi avec les Républicains ce qu’on appelle un « clean sweep ». Cela signifie qu’à la fois la Chambre des représentants et le Sénat ont tous deux une majorité républicaine. Cela permettra à Trump de mettre en œuvre ou de poursuivre la politique qu’il souhaite sans trop de résistance : baisse d'impôts pour les entreprises, protectionnisme, politique d'immigration plus stricte, dérégulation.

Courant octobre et début novembre, les entreprises ont également publié leurs derniers résultats financiers. Ceux-ci sont restés dans l’ensemble relativement solides. Durant toute cette actualité électorale, moins d'attention a été accordée à la décision de la banque centrale américaine de réduire une nouvelle fois les taux d'intérêt de 25 points de base, ce qui est pourtant un facteur très important pour les marchés financiers.

Cette mise à jour aborde certaines des principales propositions politiques de Donald Trump. Quels en sont les risques ? Où se trouvent les opportunités ? Comment vos fonds se positionnent-ils dans ce contexte ?

Que va nous apporter la politique de Donald Trump ?

La première réaction face à ce résultat sans appel a été largement positive. Le dollar s'est fortement apprécié, inversant la tendance observée ces derniers mois. La rhétorique de l’Amérique d’abord crée une confiance économique dans les actions américaines, une inflation potentiellement plus élevée en raison de la politique attendue, et en conséquence un niveau de taux d’intérêt plus élevé. Les sociétés du secteur financier se sont remarquablement bien comportées dans le cadre des attentes de dérégulation. Le reste du marché boursier mondial a également réagi positivement, même si des inquiétudes sont ensuite apparues sur la bourse européenne.

Nous parcourons ci-dessous les piliers de la politique Trump les plus importants à nos yeux. Ils impliquent pour chacun à la fois des risques mais offrent aussi à maints égards de belles opportunités.

Baisse des taxes et impôts

La réduction des impôts des entreprises est l'une des marottes de Donald Trump. En 2017, l’administration Trump souhaitait réduire l’impôt sur les sociétés avec un objectif ultime de 15 %. Dans un premier temps, ce pourcentage a été réduit à 21 %. Trump voudra maintenant certainement passer à l’étape suivante. Comme il devrait y avoir peu de résistance de la part des Démocrates, ses chances de succès sont plus élevées. Un taux d’imposition de 15 % donnerait un coup de pouce considérable aux bénéfices des entreprises et donc au cours des actions.

Une telle réduction d’impôts devra bien entendu être financée et augmentera encore le taux d’endettement élevé des États-Unis. La montagne de dettes est considérée depuis des années comme insoutenable et la perte d’une partie importante des revenus risque d’affecter négativement la solvabilité et la situation financière des États-Unis. Le plafond de la dette devra être à nouveau relevé en janvier 2025 pour éviter ce que l’on appelle le « fiscal cliff ». Les Républicains étant majoritaires à tous les niveaux, ce facteur de risque est cependant plus faible désormais.

Les États-Unis étaient déjà le marché le plus performant et une nouvelle réduction d'impôts donnerait un élan important au marché boursier. Nous intégrons ce scénario en conservant le poids le plus important dans les actions américaines, un positionnement qui a été renforcé au cours du mois d'octobre.

La politique migratoire

Au cours de sa campagne, Trump a capitalisé sur le mécontentement suscité par l’immigration (illégale). Il veut limiter les flux migratoires en fermant physiquement complètement la frontière et parle d'expulsion massive de personnes qui vivent et travaillent déjà aux États-Unis.

D’un point de vue économique, arrêter l’immigration et initier des déportations massives n’est pas une bonne chose. L’Amérique a besoin de l’immigration pour soutenir en permanence son marché du travail. De nombreux immigrants occupent des emplois que les Américains ne veulent plus remplir, à des salaires pour lesquels ils ne veulent plus travailler. Si l’immigration est trop ralentie, voire inversée, il y aura trop peu de travailleurs disponibles pour de nombreux emplois. Ceci est non seulement négatif pour les attentes de croissance économique, mais crée également des effets de pénurie. Un marché du travail plus tendu se traduirait par une hausse des salaires. De plus, la pénurie doit alors être absorbée par les Américains dont les attentes salariales sont également plus élevées. Une politique trop agressive exercerait donc de nouvelles pressions sur l’inflation. Mais Trump a également promis de maîtriser l’inflation, et il pourrait donc devoir se limiter à des projets symboliques et modérés (par exemple, en se concentrant sur les visas de travail temporaires) pour ne pas perturber le marché du travail.

Quoi qu’il en soit, restreindre l’immigration a des conséquences indésirables, puisque divers emplois ne peuvent plus être pourvus. Des pressions inflationnistes croissantes exerceraient à nouveau une pression à la hausse sur les taux d’intérêt et la banque centrale serait entravée dans son assouplissement monétaire. Une telle pression à la hausse sur les taux d’intérêt est négative pour les obligations.

Il est possible qu’un plan plus nuancé émerge finalement, mais nous sommes conscients des risques. Nous les absorbons en détenant un tiers des bons du Trésor américain en obligations indexées sur l'inflation. Ces obligations (ou TIPS) protègent le portefeuille obligataire contre des attentes d’inflation plus élevées et évoluent en fonction de l’inflation attendue. La probabilité d’une hausse des taux d’intérêt en réaction à une inflation plus élevée a augmenté. En conséquence, des obligations nominales du gouvernement américain ont également été vendues pour acheter des actions supplémentaires. Les actions sont généralement mieux armées pour résister à un environnement où l’inflation augmente à nouveau.

Le protectionnisme

Donald Trump a plaidé en faveur de tarifs douaniers plus élevés. Il veut protéger l’industrie américaine et ses travailleurs. Les droits d’importation constituent un obstacle au libre-échange et ont presque toujours un impact négatif sur l’économie dans son ensemble. Il existe un risque que de nouvelles guerres commerciales éclatent, accompagnées de va-et-vient de tarifs douaniers plus élevés entre les différents pays. Les projets de hausse des droits de douane à l’importation sont plus prononcés à l’encontre de la Chine, Trump proposant de taxer de 60 à 100 % les produits chinois. L’Europe et le reste du monde devraient également payer des droits d’importation de 10 à 20 % sur certains produits. En fin de compte, cela entraînera également une augmentation de l’inflation et le consommateur américain en sera la victime

Comment se positionner par rapport à ce risque ? Comme indiqué précédemment, nous investissons principalement aux États-Unis. Une part importante de nos investissements thématiques est constituée de petites et moyennes entreprises actives aux États-Unis. Ce type d’entreprises peut bénéficier d’un niveau de concurrence moindre par rapport aux produits importés. De plus, nous évitons aujourd’hui presque totalement la bourse chinoise. L'économie chinoise est encore très dépendante des exportations. Des droits de douane plus élevés ralentiraient encore davantage une économie déjà fragile. En Europe, nous évitons, par exemple, les constructeurs automobiles car ce secteur est très sensible aux droits de douane destinés à protéger le « marché intérieur américain ».  Nous absorbons la pression inflationniste résultant des tarifs douaniers en détenant des obligations d'État américaines indexées sur l'inflation pour un tiers des bons du Trésor (voir politique d'immigration).

La dérégulation

Trump souhaite limiter autant que possible la réglementation des banques et autres institutions financières. Des règles moins strictes peuvent rendre les banques plus rentables, car elles doivent alors détenir moins de capital (qui leur coûte). Des taux d'intérêt plus élevés, résultant d'éventuelles décisions politiques, combinés à une courbe de rendement ascendante, garantissent également une augmentation de la différence positive entre les coûts de financement et les rendements pour les banques.

Les banques et les sociétés financières représentent ensemble un peu plus de 16% du portefeuille d'actions des fonds essentiels et sont principalement constituées des grandes banques américaines, complétées par des banques régionales. Il y a également une place réservée pour les entreprises financièrement innovantes et les assureurs.

Dans l’ombre des élections présidentielles

Les résultats d’entreprises

Malgré toute l'attention portée sur les élections présidentielles, octobre et début novembre ont aussi été marqués par les nouvelles publications des résultats de sociétés. Ces derniers restent globalement robustes et soulignent particulièrement la solidité de l'économie américaine, où les chiffres actuels ont une nouvelle fois dépassé les attentes pour plus de 70 % des publications. La vigueur de l'économie des États-Unis a été confirmée par une inflation en baisse, une consommation forte et un marché du travail solide. Résultat : les marchés boursiers ont déjà connu une bonne dynamique au cours du mois d'octobre. Le choix clair pour Trump a provoqué un fort mouvement d’appétence pour le risque qui a encore renforcé la dynamique des actions.

Current quarters earnings season report - USD

La FED a de nouveau baissé ses taux

Au cours de la semaine des élections, la banque centrale américaine a encore réduit ses taux d'intérêt de 25 points de base. Certes, le marché s’y attendait et l’avait déjà intégré dans les cours, mais il n’y a guère prêté d’attention. Il y a pourtant de fortes chances que l’incertitude quant à l’évolution des taux d’intérêt augmente à nouveau dans les mois à venir en raison de la victoire de Donald Trump et de ses choix politiques. Le nombre de baisses du taux directeur attendues en 2025 a de nouveau diminué en prévision d’une hausse de l’inflation consécutive au résultat des élections. Cela a également eu un impact sur les taux d'intérêt à long terme, qui ont augmenté et ont été négatifs pour les cours des obligations d'État américaines. Cet impact a cependant été partiellement compensé par une hausse du dollar.

Politique de taux attendue de la FED

Conclusion

L’impact que Donald Trump aura sur l’économie américaine reste à évaluer et dépendra de la nuance apportée à la politique qu’il souhaite mettre en œuvre. Le positionnement des fonds essentiels est adapté en conséquence. Pour chaque scénario, il existe des opportunités qui peuvent être exploitées et des risques qui peuvent être atténués. Notre portefeuille d'investissement reste largement diversifié, avec aujourd'hui une préférence pour les actions, alors qu’un atterrissage en douceur de l’économie reste le scénario attendu. Outre les obligations d'État, la section obligataire comprend également des obligations d'entreprises, des obligations à taux variable, des obligations à haut rendement et des obligations de pays émergents. De cette manière, nous augmentons le rendement courant, tout en appliquant une répartition des risques plus large.

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