Le coronavirus et les marchés financiers – les banques centrales et les gouvernements en action

Durant la semaine écoulée, de nombreuses banques centrales dans le monde ont donné un coup d’accélérateur à leur soutien aux marchés financiers et à l’activité économique :

• La Réserve Fédérale (=FED, banque centrale américaine) :
  • abaissement du taux directeur à pratiquement 0% : dimanche dernier la FED a réduit d’un coup son taux central d’un intervalle de 1%-1,25% à 0%-0,25%.
  • un nouveau programme d’assouplissement quantitatif : la FED achètera de nouveau pour un montant total d’au moins 700 milliards de dollars en obligations dans les prochains mois
  • « discount window » à des taux d’intérêt très faibles : permet aux banques d’emprunter des fonds à court-terme auprès de la FED à des tarifs très réduits
  • des swaps de liquidité moins onéreux avec les autres banques centrales doivent permettre qu’un montant de dollars suffisant circule partout dans le monde pour satisfaire à la demande.
  • mardi dernier la FED a repris ses achats de papiers de créance à court-terme directement aux entreprises américaines.
• La Banque Centrale Européenne :
  • rehaussement du programme d’assouplissement quantitatif en cours à 750 milliards d’Euros avec un focus sur les obligations d’entreprises
  • les banques européennes peuvent emprunter à la BCE à -0,75%, un financement très bon marché qui peut être utilisé par les banques pour octroyer des crédits.
  • achats supplémentaires d’obligations d’état italiennes (mercredi soir).
  • annonce de plus de souplesse dans l’implémentation des exigences en capital propre pour les banques.
• La Banque d’Angleterre :
  • Abaissement du taux directeur à un plancher historique de 0,25%
  • nouvelles facilités de crédit pour les petites et moyennes entreprises
• La Banque du Japon :
  • doublement des achats mensuels en actions
  • crédit sur 1 an à zéro pourcent pour les institutions financières
• La Banque d’Australie :
  • Taux directeur abaissé à 0,25% (plancher historique)
  • Démarrage d’un programme d’assouplissement monétaire par des achats sur le marché secondaire.

Il est clair que les banques centrales vont faire tout ce qui est en leur pouvoir pour soutenir l’économie et les marchés financiers lorsque la panique autour du coronavirus se sera estompée. Et c’est bien là le nœud du problème : tant que la panique règne, les mesures des banques centrales ont peu d’impact. Les banquiers centraux veillent surtout à ce que le crédit devienne très attractif. Mais tant que les entreprises sont à l’arrêt, que les citoyens restent confinés en chômage total ou partiel et que les comportements de panique se poursuivent, il sera très peu fait usage de ces mesures exceptionnelles.

C’est ici que les autorités politiques peuvent jouer un rôle crucial : les gouvernements doivent veiller à ce que les entreprises qui sont contraintes à l’arrêt ne sombrent pas dans les difficultés financières. Cela peut se faire par exemple par des réductions d’impôt immédiates, des compensations financières pour les entreprises fermées, des facilités de liquidités, etc… L’Etat devra apporter également son soutien aux personnes en chômage (partiel) forcé, par exemple grâce à des paiements en cash excluant les longs temps d’attente et la lourde administration qui y est tradionnellement liée. Ainsi ces personnes peuvent continuer à consommer de sorte que l’on évite un frein supplémentaire à l’activité économique.

Ici aussi il semble que les autorités publiques prennent les mesures adéquates :

• L’Italie a ficelé un paquet de sauvetage de 25 milliards d’Euros. Il sera utilisé entre autres pour verser 500 Euros par personne aux indépendants, en soutien aux PME, pour verser des bonus en cash aux personnes qui continuent à travailler durant le confinement, et en financement supplémentaire pour le système de santé. De plus l’Italie garantira les crédits de ses entreprises touchées par la crise.
• L’Espagne a annoncé l’équivalent de 100 milliards d’Euros en garanties de l’Etat pour les crédits octroyés aux entreprises touchées ainsi que 17 milliards d’Euros en autres mesures de soutien telles qu’un moratoire sur le paiement des crédits hypothécaires et des factures liées aux services publics pour les personnes impactées. Il devient également possible de ne pas faire travailler temporairement les individus sans recourir aux licenciements et entretemps ces chômeurs temporaires pourront jouir d’une compensation financière.
• L’Allemagne a libéré 500 milliards d’Euros pour l’octroi de crédits aux entreprises touchées par la crise. Elle étend également son système d’allocations de chômage aux chômeurs temporaires.
• Aux Etats-Unis Trump a signé mercredi soir une « relief bill ». Ce paquet d’aides octroie aux employés d’entreprises de moins de 500 appointés jusqu’à 12 semaines de congés maladie et familiaux pour résoudre les difficultés liées au virus.
  Et ce n’est pas fini d’après Trump :
  • 500 milliards de dollars d’argent « hélicoptère » pour le consommateur américain
  • 50 milliards de dollars de crédits pour le secteur des compagnies aériennes
  • 150 milliards de dollars pour les secteurs les plus touchés de l’économie

Ces mesures sont présentées au Congrès, mais qui oserait rejeter ces propositions dans ces temps exceptionnels ?

Dans le même temps les Démocrates ont aussi mis des propositions sur la table, qui doivent encore être approuvées :

• le paiement d’au moins 2000 dollars à chaque adulte et de 1000 dollars par enfant pendant la durée de la crise
• tous les remboursements de crédits aux consommateurs et aux petites entreprises seraient suspendus
• 5 milliards pour les sans-abri, 10 milliards en subsides pour les communautés, report de paiement pour les crédits hypothécaires et les maisons en location (tandis que le loyer est suspendu)

Dès lors où toutes ces mesures entrent en application, les gouvernements peuvent se focaliser sur la lutte contre le virus et nous devrons nous faire moins de soucis sur les conséquences économiques. Dès lors,5 les inquiétudes au sein de la population et des investisseurs s’atténueront et nous pourrons reprendre notre route afin de terminer 2020 en beauté.  

Toutes ces mesures fiscales et monétaires démontreront vraiment leur utilité lorsque la propagation du virus sera enfin sous contrôle. Tant que ce ne sera pas le cas et que le nombre de nouveaux patients continue à augmenter de jour en jour comme on le constate aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis, les bourses resteront très volatiles et le sentiment de panique persistera.

Nous accueillons toutefois de bonnes nouvelles venant de Chine, où le virus est apparu et semble maintenant sous contrôle. Le graphique ci-dessous montre clairement que si nous implémentons les mesures nécessaires de distanciation sociale, le nombre de personnes infectées est progressivement sous contrôle. Si nous observons bientôt une répétition de cette évolution en Italie, nous pourrons en déduire que d’ici la mi-mai la maladie sera sous contrôle en Europe également.

Il est dès lors essentiel que les mesures de confinement et de distanciation sociale en Europe soient scrupuleusement suivies. Ceci, en combinaison avec le temps qui passe et, espérons-le, le retour du beau temps, contribuera à endiguer la propagation du virus. Dès ce moment les mesures fiscales et monétaires pourront prendre le relais et nous observerons un redressement de l’activité économique. Entretemps, nous investisseurs resterons sans nul doute sous pression.

Au vu de l’incertitude persistante et de la faible probabilité que la propagation du virus puisse être enrayée à court-terme, nous avons décidé d’adopter une sous-pondération en actions. Dans les fonds essentiels le poids des actions a été réduit cette semaine. Nous avons agi de manière rapide et efficace en vendant des ETF (trackers) et des Futures sur les actions américaines et européennes.

Dans le portefeuille d’actions, nous maintenons notre focus sur les secteurs qui - à terme - profiteront probablement le plus de cette crise. Le secteur des soins de santé, par le biais du thème vieillissement, où nous nous attendons sans doute à de gros investissements supplémentaires après le traumatisme laissé par ce virus. Ce sont aussi ces entreprises qui doivent venir avec la vraie solution au virus : un vaccin. La robotique et l’automatisation : la mise à l’arrêt actuelle des entreprises et les interruptions dans le processus de production mondial renforceront encore les investissements dans l’automatisation. Et la cybersécurité : les individus travaillent et vivent encore plus « en ligne », il sera donc encore plus crucial de nous protéger contre les futurs virus informatiques et autres menaces cybernétiques. Nous continuons dans le même temps à éviter les secteurs les plus touchés, et nous n’avons pratiquement aucune exposition à l’industrie du tourisme et du pétrole, et aux banques.

Au niveau géographique, nous avons décidé de concentrer notre attention encore plus sur nos marchés émergents favoris : la Chine et l’Inde. En Chine le virus est déjà sous contrôle et il est possible là-bas, grâce à l’appui des autorités, de travailler au redressement de l’économie. L’Inde est nettement moins dépendante de l’économie mondiale et reste pour l’instant épargnée par une propagation à grande échelle du Coronavirus. Cela pourrait-il être dû à son climat plus chaud et plus humide ?

Au sein des obligations, nous avons décidé de réduire notre exposition aux obligations américaines. C’est surtout le cas pour les obligations d’entreprises car nous sommes d’avis qu’un certain nombre d’entre elles subiront un abaissement de leur rating. Etant donné les circonstances économiques difficiles, le risque est réel que les grandes agences de rating appliqueront des mesures plus strictes et réduiront le rating de nombreuses entreprises. Cela peut conduire à la vente forcée de ces obligations et donc mettre plus de pression sur les cours.

Nous avons également observé une forte baisse des taux aux Etats-Unis, à la suite des actions de la banque centrale américaine. En conséquence il devient moins intéressant de conserver des obligations d’état américaines en comparaison avec l’Europe, certainement pour les échéances courtes. Ajoutons à cela le fait que le dollar s’est encore renforcé, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre suite à la réduction du différentiel de taux entre les Etats-Unis et l’Europe. Dès lors nous avons également vendus des obligations d’état américaines et abaissé notre exposition totale au dollar.

Le produit de ces ventes d’actions, d’obligations d’entreprises et d’obligations d’état n’a pas été réinvesti et est conservé en liquidités. Le cash est actuellement une valeur refuge, et nous donne la possibilité de réinvestir rapidement lorsque la situation évolue. Nous détenons actuellement des liquidités dans les fonds essentiels.