Avons-nous passé le sommet, et sortons-nous du gouffre ?

30 avril 2020

Auteur : Sebastiaan Grenné, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

Ces derniers mois, tout a semblé graviter autour du coronavirus, tant dans notre vie quotidienne que sur les marchés financiers. Heureusement, nous percevons aujourd’hui des signaux indiquant que le pire est derrière nous. La plupart des pays occidentaux commencent à réfléchir à la vie après l’épidémie, comme l’atteste le plan de sortie qui a été annoncé vendredi dernier en Belgique. Les bourses ont également commencé, ces dernières semaines, à s’extirper du gouffre dans lequel le virus les avait précipitées. Avec le soutien des mesures économiques et fiscales toujours plus impressionnantes prises par les autorités, l’optimisme est progressivement revenu sur les marchés d’actions. 

Quels sont les derniers signaux provenant du coronavirus ?

Le graphique ci-dessous montre le gigantesque coût humain que le coronavirus a engendré jusqu’à présent, avec plus de 3 millions de cas confirmés dans le monde, et plus de 210 000 décès officiellement enregistrés. Ce tribut est énorme, mais est hélas encore très probablement une sous-estimation du nombre réel de morts. Le New York Times a calculé la surmortalité au niveau mondial, soit le nombre supplémentaire de personnes décédées par rapport à la moyenne normale des décès(1). Ces chiffres montrent qu’on estime à 40 000 le nombre de personnes supplémentaires décédées à cause du virus, par rapport aux données actuellement enregistrées.

Heureusement ce même graphique révèle aussi autre chose, et des raisons d’être optimistes. Il y apparaît clairement que la vitesse de propagation du virus diminue au niveau mondial, que se soit au niveau du nombre de contaminations ou du nombre de morts. Même si la prudence doit rester de mise : en effet, la propagation a déjà presque semblé s’arrêter une fois (à la fin de février lorsque l’épidémie paraissait sous contrôle en Chine).

Nous observons un ralentissement similaire de la propagation dans de nombreux pays occidentaux. En conséquence, beaucoup de pays ont commencé à assouplir les mesures de prévention. Vendredi dernier, la Belgique a détaillé son plan de sortie, dans lequel la réouverture par étapes de l’économie a été annoncée. Notre pays n’est pas le seul dans ce cas, d’autres ont annoncé des plans similaires, en ce compris les plus touchés comme l’Italie. Les mesures de confinement ont fait leur travail en ralentissant la propagation du virus, mais elles ont aussi un effet de paralysie sur l’économie. C’est donc un véritable soulagement de constater que nous sommes sur le chemin d’un redémarrage de la vie économique.

Même si la propagation du virus semble être stoppée, le Covid-19 est encore loin d’être vaincu. Sur le plan économique, nous ne pouvons donc raisonnablement pas nous attendre à un retour rapide à la situation d’avant l’épidémie. Les incertitudes et les risques restent grands. 

De nouvelles mesures ont-elles été prises par les autorités ?

Partout dans le monde les autorités tant monétaires que politiques continuent à élargir les mesures de soutien. Ci-après sont détaillés quelques exemples des mesures les plus récentes qui ont été annoncées. Elles viennent s’ajouter au soutien d’une ampleur déjà astronomique décidé ces dernières semaines, et au sujet duquel nous avons écrit plusieurs fois dans nos dernières communications (lisez entre autres : Le coronavirus et les marchés financiers – les banques centrales et les gouvernements en action).

  • États-Unis : paquet d’aides supplémentaire de 484 milliards de dollars pour les petites entreprises et les hôpitaux, portant le total des interventions à 3 000 milliards
  • États-Unis : la Réserve Fédérale achète maintenant également des créances émises par les petites régions et par les villes
  • Japon : la Banque du Japon a annoncé qu’elle allait acheter des obligations de manière illimitée, et la quantité achetable d’obligations d’entreprises a été multipliée par trois
  • Union européenne : les dirigeants européens ont convenu de lancer un fonds d’aide de 1 trilliard d’euros pour soutenir le redressement de l’économie européenne affectée par la pandémie de Covid-19
  • Chine : abaissement supplémentaire des taux d’intérêt et de la quantité de réserves que les banques doivent conserver, ce qui permet à ces dernières d’offrir des crédits supplémentaires
  • Inde : abaissement des taux
  • ….

Comment les marchés financiers réagissent-ils ? 

Après les pertes importantes enregistrées sur les actions mondiales à la fin de février et dans les trois premières semaines de mars (l’indice MSCI World a perdu près de 34 % exprimé en euros durant cette période), les bourses ont commencé à se rétablir. Elles ont été aidées en cela par les imposantes mesures de soutien prises par les autorités mondiales, et par le ralentissement de la propagation du virus. Le MSCI World a ainsi déjà progressé de 23 % depuis son point le plus bas du 23 mars. Les marchés comptent également de plus en plus sur un redémarrage de l’économie, même s’ils doivent prendre garde à ne pas trop en attendre à ce niveau. Selon nous, ce redémarrage se déroulera en effet de manière graduelle et fragmentée.

 

MSCI World

Les analystes sont également fébrilement occupés à adapter leurs prévisions à la nouvelle réalité. Comme on peut l’observer ci-dessous, ils s’attendent maintenant à une chute importante des bénéfices tant aux États-Unis qu’en Europe. Tout comme pour nous, il leur est très difficile de calculer l’ampleur de l’impact du virus, ou de prévoir une résurgence de ce dernier, plus tard dans l’année. Il n’est donc certainement pas exclu que ces prévisions de bénéfices soient de nouveau adaptées à la baisse.

VS en Eurozone: winst

Contrairement à ce que l’on observe sur les marchés d’actions, nous ne pouvons pas encore parler d’un redressement solide sur les marchés obligataires. En février et mars, les obligations au profil plus risqué ont accompagné les bourses dans leur baisse, comme on l’observe sur le graphique ci-dessous, qui montre la différence de taux entre ces obligations plus risquées et les obligations d’État américaines et allemandes. Plus la ligne est haute, plus la pression à été plus grande sur les cours obligataires des pays mentionnés (Italie, Espagne) ou de certaines classes d’actifs (obligations d’entreprises américaines et européennes avec un rating BBB). Ces différences de taux se sont ensuite stabilisées et n’ont connu qu’un recul partiel durant le mois écoulé. L’explication à cela se trouve dans la liquidité réduite sur le marché des obligations d’entreprises, et dans l’impuissance des chefs de gouvernement européens à démontrer une vraie solidarité entre eux.

Evolution des différences de taux par rapport aux obligations d'état américaines et allemandes

Quelles opérations avons-nous effectuées dans nos fonds essentiels ?

À nos yeux, les marchés d’actions sont aujourd’hui correctement valorisés. Après la période de turbulence boursière et la révision à la baisse des prévisions bénéficiaires, nous constatons que les primes de risque pour les actions se situent légèrement au-dessus de la moyenne historique. Une prime de risque supérieure à la moyenne nous semble justifiée en raison de l’environnement plus risqué dans lequel nous évoluons actuellement (par exemple, le risque que la pandémie reprenne de la vigueur et/ou que les entreprises souffrent plus que ce que l’on avait initialement estimé).

Le caractère rapide et adéquat des mesures de soutien des banques centrales et des autorités publiques, l’assouplissement prudent des mesures de confinement et l’espoir de développement d’un médicament / vaccin rendent les gestionnaires prudemment positifs. Il est cependant impossible de quantifier exactement les dégâts provoqués par le coronavirus à l’heure actuelle, et l’avenir demeure incertain. C’est pourquoi nous maintenons aujourd’hui un positionnement neutre dans nos fonds essentiels. Cela nous permet de prendre quelques bénéfices après une hausse boursière, ou de profiter des baisses pour renforcer nos positions.

Au sein des actions, nous avons une nouvelle fois renforcé notre exposition dans nos thèmes de long terme. Maintenant qu’il est avéré qu’un virus peut mettre à plat l’ensemble de l’économie mondiale, les entreprises vont encore accélérer la numérisation et les mesures de protection de leurs chaînes et processus de production. Nos convictions de long terme sont, depuis longtemps déjà, liées à cette évolution vers la « nouvelle économie », comme la robotisation, la sécurité, le commerce en ligne, etc.

Notre exposition aux obligations de l’Europe périphérique (Espagne, Italie, Portugal) a encore été augmentée à la suite de la hausse des différences de taux et du soutien annoncé par la Banque centrale européenne. Cette hausse de taux concernait surtout l’Italie, alors que le marché semblait perdre de nouveau confiance dans la solidarité européenne. Nous croyons fermement que l’Europe ne peut et ne laissera pas tomber l’Italie, et nous percevons cette hausse des différences de taux comme une opportunité d’achat.

Conclu­sion

Dans le monde de l’investissement, il est d’une importance capitale de ne pas se laisser guider par ses émotions. Ni par la panique qui se répandait voici un mois, ni par l’euphorie que nous voyons réapparaitre certains jours sur les marchés. En tant qu’investisseur, la même philosophie doit rester d’application : toujours rester investi, avec un portefeuille largement et mondialement diversifié qui correspond en tous points à votre profil d’investissement. Dans nos fonds essentiels, nous maintenons un équilibre sain dans la gestion : d’une part, en détenant suffisamment d’instruments sous-jacents servant d’amortisseur lorsque les marchés deviennent plus turbulents, et d’autre part, en faisant aussi en sorte d’être positionnés de telle manière que nous pouvons profiter d’un rebond comme celui que nous avons vécu au cours du dernier écoulé. Ceci est en effet au moins aussi important.

Notre attention toute entière est portée vers la gestion attentive et professionnelle des avoirs de nos clients, en toutes circonstances, et en particulier dans cet environnement exceptionnel que nous vivons actuellement.

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