Un premier trimestre 2020 qui entrera dans les livres d’histoire

L’entame de 2020 s’est déroulée sous le signe d’un optimisme général sur les marchés financiers. Les bonnes nouvelles enregistrées dans la deuxième moitié de 2019 continuaient à soutenir le moral des investisseurs : accalmie dans la guerre commerciale, éloignement des craintes d’un Brexit « dur », et une politique monétaire accommodante des banques centrales. Les chiffres économiques publiés confirmaient le scénario de reprise de la croissance.

L’ensemble des indicateurs se trouvait de nouveau au-dessus de 50, indiquant une croissance positive, à l’exception du Japon, et surtout de la Chine qui faisait déjà office de « canari dans la mine de charbon ».

De même les résultats d’entreprises publiés pour le 4^e trimestre de 2019, ainsi que les perspectives annoncées pour 2020, soutenaient la tendance.

Tout a cependant basculé dans la deuxième moitié du trimestre. Dans les premières semaines de l’année, les marchés ne s’inquiétaient pas de la propagation d’une nouvelle forme de virus en Chine, qui ne semblait au départ qu’une version agressive de la grippe et qui était contenue dans les frontières du territoire chinois, et même d’une seule de leurs provinces. Mais bientôt cette maladie banale et aux effets bien délimités allait devenir une pandémie mondiale, bien plus mortelle que la grippe classique. Elle entrerait dans l’histoire sous le nom de COVID-19.

L’Italie a d’abord été touchée, puis le reste de l’Europe, les Etats-Unis, et maintenant le monde entier (201 pays et territoires). Pour tenter d’endiguer la propagation, de nombreux pays ont décrété un confinement plus ou moins strict de la population, qui touche à présent entre 1,5 et 2 milliards d’individus. La conséquence immédiate de ces mesures a été un arrêt brutal du moteur économique mondial.

Cette chute brutale s’est logiquement répercutée sur l’ensemble des actifs à risque, comme nous l’avons détaillé plus haut. La correction des marchés a suivi le chemin du virus : la bourse chinoise a été touchée la première, puis l’Europe et les Etats-Unis. Tout de même une petite lueur au bout du tunnel : là où le virus ralentit, les actions commencent à se reprendre, comme nous pouvons le constater en Chine.

Les autorités monétaires et politiques ne sont heureusement pas restées inactives devant l’ampleur de la crise. Les mesures drastiques qu’elles ont décidées ces dernières semaines sont d’une ampleur jamais vue dans l’histoire économique et surpassent de loin celles prises lors de la crise de 2008. En voici quelques exemples :

Politique monétaire :

• La Réserve Fédérale (banque centrale américaine) : abaissement du taux directeur à pratiquement 0%, nouveau programme d’assouplissement quantitatif (achats pour un montant total d’au moins 700 milliards de dollars en obligations dans les prochains mois)
• La Banque Centrale Européenne : rehaussement du programme d’assouplissement quantitatif en cours à 750 milliards d’Euros avec un focus sur les obligations d’entreprises, achats supplémentaires d’obligations d’état de la périphérie.
• La Banque d’Angleterre : abaissement du taux directeur à un plancher historique de 0,25%, nouvelles facilités de crédit pour les petites et moyennes entreprises.
• La Banque du Japon : doublement des achats mensuels en actions, crédit sur 1 an à zéro pourcent pour les institutions financières.
• …

Politique fiscale et budgétaire :

• Aux Etats-Unis, les Républicains et les Démocrates ont trouvé un accord pour prévoir un plan de soutien de plus de 2000 milliards de dollars pour l’économie américaine, dans le but de soutenir les employés et les entreprises en ces temps troublés.
• L’Italie a ficelé un paquet de sauvetage de 25 milliards d’Euros. Il sera utilisé entre autres pour verser 500 Euros par personne aux indépendants, en soutien aux PME, pour verser des bonus en cash aux personnes qui continuent à travailler durant le confinement, et en financement supplémentaire pour le système de santé.
• L’Espagne a annoncé l’équivalent de 100 milliards d’Euros en garanties de l’Etat pour les crédits octroyés aux entreprises touchées ainsi que 17 milliards d’Euros en autres mesures de soutien.
• L’Allemagne a libéré 500 milliards d’Euros pour l’octroi de crédits aux entreprises touchées par la crise.
• La Commission Européenne prépare également un important train de mesures qui fait pour l’instant l’objet d’intenses négociations entre les états membres.
• …

En réaction à ces importantes annonces, les bourses ont montré des signes de stabilisation, même si la volatilité ambiante reste très élevée. Le 27-03-2020 le Dow Jones a même clôturé la semaine sur un gain de 12,8%, la meilleure semaine depuis 1938.

Jusqu’à la fin du mois de février, nous sommes restés positifs concernant les actions au sein des portefeuilles, dans un contexte favorable de regain de la croissance et de perspectives attrayantes annoncées par les entreprises.

La détérioration du contexte macro-économique et financier nous a amené à réduire progressivement notre exposition en actions. Cette réduction s’est principalement opérée par la vente de trackers (ETF*) qui nous permettent de prendre rapidement des décisions tactiques de gestion.

Lors de la dernière semaine de mars, l’annonce des plans de soutien massifs de la part des banques centrales et des gouvernements nous a convaincus de reconstituer progressivement nos positions en actions.

*ETF = Exchange Traded Fund, aussi appelé « tracker ». Il suit une valeur sous-jacente, par exemple, un indice d’actions déterminé.

• Au niveau géographique

Dans la première moitié du trimestre, les investissements en actions américaines ont continué à être privilégiés. Les résultats d’entreprises restaient très positifs et la prime de risque suffisamment attractive. Ceci s’est opéré au détriment de l’Europe qui évolue dans un contexte de reprise plus lente. La position en actions japonaises a été réduite : leur prime de risque a en effet fortement chuté, essentiellement à cause d’un marché devenu plus onéreux. Nous avons vendu en particulier les valeurs industrielles et chimiques traditionnelles qui peinaient à reprendre le chemin de la croissance.

A partir de fin février, nous avons réduit nos investissements en actions américaines et européennes, principalement par la vente de trackers. L’Europe en tant qu’économie ouverte est particulièrement touchée par l’arrêt brutal de l’économie mondiale. Les Etats-Unis doivent quant à eux encore faire face à la phase la plus aigüe de la progression du coronavirus. Nous avons maintenu nos investissements en Chine, où le nombre de nouveaux cas est pratiquement tombé à zéro. Le pays a probablement pu contrôler l’épidémie et peut déjà s’atteler à la relance économique. Nous avons également renforcé l’Inde qui reste une conviction de long-terme dans les portefeuilles : son économie est moins dépendante de la croissance mondiale et par ailleurs les cours dépréciés du pétrole sont un avantage pour le pays.

• Au niveau sectoriel : renforcement de nos thèmes d’investissement

Tout au long du trimestre, nous avons continué à renforcer nos positions dans nos thèmes d’investissement de long-terme. Ce mouvement s’est encore accéléré lors de la phase de correction. Nous avons en effet profité de la baisse généralisée des marchés pour accentuer notre pondération dans les thèmes pour lesquels nous avons une forte conviction.

Les thèmes liés à la digitalisation et à la sécurité ont en particulier été augmentés. D’une part le confinement forcé d’une grande partie de la population et des travailleurs donne un élan supplémentaire à l’économie virtuelle et au travail à distance. D’autre part la multiplication des opérations digitales nécessite encore plus d’investissements dans la cyber-sécurité. Nous avons donc en particulier renforcé les thèmes de la Fintech et de la cyber-sécurité. Au sein du thème Lifestyle également, nous avons privilégié les sociétés actives dans la consommation en ligne.

Nous évitons par ailleurs soigneusement les secteurs les plus touchés par la crise, et nous n’avons pratiquement aucune exposition à l’industrie du tourisme, des énergies fossiles et des banques traditionnelles.

• Maintien d’une durée moyenne limitée

Les taux d’intérêt au niveau mondial restent historiquement faibles, ce qui nous pousse à maintenir une durée moyenne des obligations en-dessous de la moyenne du marché. Pour ce faire, nous combinons nos positions à long-terme (pour des raisons de rendement ou de protection) avec des instruments de plus court-terme.

Nous avons par exemple investi en Floating Rate Notes. Il s’agit d’obligations avec coupon révisable (sur base trimestrielle ou annuelle), ce qui réduit très fortement l’impact d’une hausse des taux sur les cours.

• Réduction de nos positions en obligations de haut rendement aux Etats-Unis

La crise du coronavirus s’accompagne d’une chute vertigineuse des cours pétroliers. Ce mouvement a encore été accentué par la volonté de l’Arabie Saoudite d’augmenter sa production dans une guerre des prix avec la Russie. Or le marché américain des obligations de haut rendement est constitué à 10% d’entreprises du secteur pétrolier, qui éprouvent de grandes difficultés dans ce contexte. Nous avons donc décidé de liquider notre position qui investissait dans ce segment.

• Renforcement de nos positions en valeurs refuge

Afin d’encore réduire le risque pris dans nos portefeuilles, nous avons augmenté nos positions en obligations d’état allemandes et américaines de fin février à la mi-mars. Ces papiers sont typiquement très recherchés par les investisseurs en quête de protection dans leurs investissements. Ils sont considérés comme des valeurs refuge.

Dans les deux dernières semaines de mars, nous avons à nouveau réduit nos investissements en Bons du Trésor américains pour les arbitrer vers des obligations de la périphérie européenne : l’objectif double est de réduire le risque de change lié au dollar dans le portefeuille et de profiter du support monétaire que la Banque Centrale Européenne fournit au sein de la zone Euro.

• Renforcement puis maintien de nos positions en obligations émergentes

En janvier nous avions renforcé nos investissements dans les obligations émises dans les pays émergents. Nous souhaitions profiter pleinement du différentiel de taux d’intérêt par rapport aux pays développés.

Malgré la correction relativement importante observée dans la classe d’actif, nous avons conservé les positions investies. Les obligations émergentes peuvent également profiter d’un affaiblissement potentiel du dollar américain.

• Profiter des opportunités qu’offre le marché

Toute période de crise et de forte volatilité offre des occasions d’investissement, et nous souhaitons également en profiter. Nous avons ainsi augmenté notre exposition à la dette publique italienne et espagnole. Ces deux pays ont été mis sous pression car ils sont particulièrement touchés par l’épidémie de coronavirus. La BCE a cependant clairement indiqué qu’elle apportait son soutien entier à ces économies, notamment par l’achat massif d’obligations d’état.

Nous avons également complété nos positions en obligations d’état polonaises. Ces dernières ont été mises sous pression, ainsi que le Zsloty qui est inversement corrélé au dollar. Or nous considérons la devise américaine comme surévaluée à l’heure actuelle.

Nous avons enfin décidé de réduire sensiblement notre exposition au dollar américain. Outre l’achat supplémentaire d’obligations polonaises et des pays émergents, qui profitent traditionnellement d’un affaiblissement du billet vert, nous avons également utilisé des instruments de couverture du risque de change sous la forme de contrats futurs.

Le dollar a largement bénéficié de son statut de valeur refuge durant le mois de mars. Or la réduction du différentiel de taux entre les Etats-Unis et l’Europe implique que le dollar est actuellement surévalué. De plus, la perspective d’une relance économique mondiale plus tard dans l’année pourrait rendre inutile les investissements guidés par la prudence dans la devise américaine.