Un mois d’avril agité

14 mai 2024

Auteur: Giel Maris, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management 

Avril a été un mois mouvementé, tant sur les marchés boursiers qu’obligataires. Une croissance économique plus forte que prévu, une inflation persistante et les tensions géopolitiques ont entraîné une forte hausse des taux d’intérêt à court et à long terme. Du côté des taux d’intérêt directeurs américains, la probabilité d’une baisse des taux pour cette année est tombée à 1 voire 2, alors que 5 à 6 baisses étaient encore prises en compte au début de l’année. Le scénario de « taux plus élevés pour une durée plus longue » semble désormais plus probable. La saison des résultats a également commencé, avec les premiers signes indiquant des chiffres meilleurs que prévu, même si la sélectivité reste de mise.

Les marchés d’actions des pays développés font du surplace

L'indice boursier mondial (MSCI World) a chuté d'un peu plus de 3 % (exprimé en euros) en avril. Les exceptions positives remarquables sont la Chine et l’Inde. Toutes les zones géographiques sont désormais en territoire positif depuis le début de l’année en termes de rendement, l’Inde étant en tête. Les premiers signes d’une reprise économique en Chine ont fait rebondir les cours des actions chinoises en avril. En Inde, la forte croissance économique et la victoire probable de Modi, premier ministre indien, ont joué un rôle dans la progression des marchés boursiers. Le marché japonais a enregistré les moins bonnes performances, principalement en raison de la faiblesse de sa monnaie.

Évolution des bourses en Euro

De nouveaux leaders sectoriels

On peut constater une normalisation du marché boursier. Les secteurs en retard signent de meilleurs résultats que la technologie.

Les secteurs les plus sensibles aux taux d'intérêt ont enregistré de moins bonnes performances, comme l'immobilier (bleu foncé) et la technologie (bleu clair) en avril (graphique de gauche). Les actifs à plus long terme sont en effet pénalisés plus rapidement par les hausses rapides des taux. Sur l’ensemble de l'année 2024 (graphique de droite), les secteurs suivants arrivent en tête : les services de communication, l'énergie, l'industrie et le secteur financier. Cette tendance à la diversification peut être considérée comme saine pour le marché boursier.

Secteurs économiques - avril 2024
Secteurs économiques - 2024

Les marchés boursiers ont fait une pause somme toute bienvenue, accompagnée de changements sous-jacents visibles en termes de performance. De leur côté, les marchés obligataires éprouvent toujours des difficultés, comme nous allons le constater de plus près.

Les obligations à nouveau sous pression

Les taux à long terme en hausse

Évolution historique des taux à 10 ans

Comme nous l’avons déjà mentionné, les taux d’intérêt à long terme ont fortement augmenté aux États-Unis. L’inflation plus élevée que prévu en est l’une des causes. La hausse du cours du pétrole, due aux tensions géopolitiques, a ravivé les craintes d’une hausse de l’inflation attendue. La croissance plus forte que prévu joue aussi un rôle. En outre, les baisses des taux directeurs moins importantes que prévu de la part de la banque centrale y contribuent également. Les taux d’intérêt augmentent aussi en Allemagne mais dans une moindre mesure, en raison d’une croissance et d’une inflation plus faibles. En outre, la première baisse des taux de la Banque centrale européenne serait programmée pour juin.

Le cours du pétrole et l’inflation attendue

La hausse des cours pétroliers induit une inflation attendue plus élevée

L'escalade du conflit géopolitique entre Israël et la Palestine a provoqué une hausse du cours du pétrole en avril, entraînant une hausse de l'inflation attendue. De plus, les chiffres de l'inflation du mois de mars ont été plus élevés que prévu. Conséquence de ces deux aspects : l’inflation s’avère très tenace et n’évoluera que très lentement vers l’objectif de 2 %.

Outre les pressions inflationnistes, la hausse des taux d’intérêt peut également être attribuée à de meilleures perspectives de croissance économique.

Une croissance meilleure qu’attendu

Enquêtes PMI

Au sein des entreprises, les directeurs des achats (indices PMI) sont optimistes quant à la croissance économique. Chaque zone géographique affiche un chiffre supérieur à 50, ce qui indique une expansion économique. Seuls les États-Unis sont récemment retombés sous la barre des 50. En revanche, on constate même une accélération de la croissance en Inde, illustrée par un chiffre supérieur à 55. Ces perspectives plus favorables se traduisent également par de meilleurs bénéfices attendus pour les entreprises.

Évolution attendue des bénéfices d'entreprises

Ici aussi, une tendance à la hausse peut être constatée dans toutes les zones géographiques. À noter que la traduction d’une meilleure croissance générale en Chine ne se manifeste cependant pas dans ces chiffres. Les bénéfices des entreprises continuent donc de croître, ce qui est positif pour les cours des actions. C’est d’ailleurs l’un des facteurs les plus importants pour la croissance du cours de bourse. Le mot « attendu » indique une prédiction du futur, mais quid des résultats d’entreprises réels ?

MSCI World

A ce jour, 61 % des entreprises mondiales (MSCI World) ont publié leurs chiffres pour le premier trimestre 2024. 69 % d’entre elles rapportent des chiffres meilleurs qu’attendu et, en moyenne, ils sont 7,8 % meilleurs que les prévisions. Les bénéfices attendus pour le prochain trimestre sont également révisés à la hausse, avec 29,6 % en moyenne. Au niveau sectoriel, la santé, la consommation cyclique et la technologie affichent les pourcentages les plus élevés au-delà des prévisions. La saison des résultats peut donc déjà être qualifiée de réussie.

Des taux directeurs élevés pour plus longtemps

Fed funds futures rate curve

Compte tenu des chiffres d'inflation plus élevés et d'une économie plus robuste, seules 1 à 2 baisses des taux d'intérêt (ligne jaune) sont attendues cette année, avant que ces taux retombent autour de 4% en 2026. Ceci alors qu'au début de l'année, le marché attendait 5 à 6 baisses (ligne verte). Le 1er mai, la banque centrale américaine n’a pas non plus contredit ces prévisions et a laissé son taux directeur inchangé. Elle a en outre annoncé son intention de ralentir son resserrement quantitatif. La réduction de son bilan passera de 50 milliards de dollars à 25 milliards de dollars sur une base mensuelle à partir de juin.

Les propos tenus par Powell, président de la banque centrale américaine, lors de la séance des questions ont également fourni des indications intéressantes. Il reste convaincu que l'inflation va continuer à baisser tout au long de l'année, que la prochaine étape ne sera certainement pas une hausse des taux d'intérêt et que la vigueur du marché du travail n'exclut pas la possibilité d'une baisse des taux d'intérêt.

En Europe, la première baisse des taux d’intérêt pourrait survenir dès le mois de juin. Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne, a indiqué en effet qu’elle ne se concentrerait plus uniquement sur les actions des États-Unis. L’Europe deviendra-t-elle désormais un acteur précurseur dans l’évolution des taux d’intérêt directeurs ?

Notre positionnement dans les fonds essentiels

Le poids en actions a une nouvelle fois été renforcé au détriment de l'exposition obligataire. Les perspectives de croissance plus élevées, l’inflation plus tenace et les taux d’intérêt plus élevés à long terme jouent en faveur des actions. Aujourd'hui, la pondération des actions est d'environ 52%. Par ailleurs, une réserve de liquidité de 2% est maintenue pour répondre aux opportunités potentielles.

Au sein des actions

L'augmentation de la part actions a été principalement mise en œuvre au travers des thématiques de long terme. La croissance plus élevée que prévu est positive pour les petites et moyennes entreprises qui sont fortement représentées au sein de ces thèmes. Plus précisément, les thèmes les plus cycliques ont été renforcés, tels que les matériaux durables et la thématique « style de vie » (lifestyle). Nous répondons ainsi, d’une part, aux premiers signes d’une reprise de la croissance mondiale et, d’autre part, au pouvoir d’achat résilient du consommateur. Le thème des nouvelles technologies a également été renforcé suite à la moindre performance des cours de la technologie en avril.

Sur le plan géographique, la pondération européenne au sein des actions a encore été augmentée via les trackers européens et les lignes individuelles. Plus spécifiquement, l'accent a encore été renforcé sur les entreprises industrielles et liées aux matières premières. Les chiffres économiques publiés sont en effet meilleurs que prévu dans la région.

Au niveau sectoriel, le poids des soins de santé a été réduit en faveur du secteur financier, plus particulièrement des sociétés financières axées sur les investissements. Si un nouveau cycle de croissance économique prend forme, comme nous en sommes convaincus, les entreprises cycliques seront un moteur de rendement plus important que le secteur de la santé. Cette action a été mise en œuvre au sein des actions individuelles.

Au sein des obligations

La durée du portefeuille obligataire a été réduite pour répondre au scénario de taux d'intérêt « plus élevés pour une plus longue période ». Le marché s’attend à de moins en moins de baisses des taux directeurs américains. Une inflation plus élevée que prévu joue un rôle majeur à cet égard. Il en va autrement en Europe, où la première baisse des taux directeurs pourrait intervenir dès le mois de juin.

Le risque d'une hausse des taux d'intérêt, qui s'est déjà produit en Amérique, semble réel, ce qui nous a conduit à réduire les obligations d'État françaises et italiennes à plus long terme. Ces capitaux libérés ont été conservés en espèces. En effet, sur la partie courte de la courbe des taux, la rémunération est plus intéressante avec un risque moindre.

Les obligations d’État américaines et européennes indexées sur l’inflation ont également été réduites à la suite de la hausse des anticipations d’inflation.

Conclusion

Le mois d'avril a été marqué par une stagnation des cours boursiers des pays les plus développés. Au niveau sectoriel, la technologie ne mène plus la danse, mais les segments les plus cycliques se portent bien. L'élargissement de la hausse au sein du marché prend donc forme, ce qui constitue un signal positif pour les actions.

Une meilleure croissance peut également être constatée au niveau macroéconomique. Cela se conjugue avec une inflation plus tenace. Il en résulte des taux d’intérêt plus élevés pendant un certain temps encore, même si les banques centrales excluent une nouvelle augmentation des taux d’intérêt directeurs. Au final, la probabilité que nous soyons dans un nouveau marché haussier (« bull market ») augmente.

Cela se traduit par une surpondération des actions au détriment de l’exposition aux obligations. Au sein des actions, les segments à plus forte croissance sont préférés et les sociétés sélectionnées le sont en fonction de divers facteurs de qualité. Ceci est également important dans la mesure où il convient de choisir des entreprises autosuffisantes et capables de financer elles-mêmes leurs activités opérationnelles. Cela signifie qu’elles ne dépendent pas d’un financement externe avec une charge d’intérêts accrue.

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