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Un rally « artificiel »
9 juin 2023
Auteur: Giel Maris, gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management
Au mois de mai, les marchés boursiers ont affiché de solides performances, portés par des résultats d'entreprises meilleurs que prévu. Le nouveau terme à la mode, l'intelligence artificielle, y a notamment joué un rôle. Cette technologie est considérée comme un « game changer » en raison de ses gains de productivité potentiels. Les taux d'intérêt semblent se stabiliser suite à l'accord sur le plafond de la dette américaine et la probabilité d'une pause dans les hausses de taux pour juin. Cependant, les chiffres macroéconomiques restent sujets à débat et l'inflation sous-jacente, hors prix de l'énergie et de l'alimentation, reste assez tenace.
Les marchés boursiers se focalisent sur l'avenir
La situation macroéconomique mondiale reste difficile à décrypter. Mais les marchés ont décidé de regarder au-delà au cours du mois dernier, ce qui a entraîné une forte reprise. En effet, le marché anticipe, et appréhende actuellement l'avenir avec un peu plus d’optimisme.
L’Inde, le Japon et surtout le Nasdaq en vedettes
On peut conclure du graphique ci-dessus que tous les indices boursiers sont positifs pour l'année en dehors de la Chine. Au mois de mai, les marchés japonais (ligne noire) et indien (ligne bleu clair) ont connu un fort rebond. En fait, le Japon a atteint son plus haut niveau en 33 ans, propulsé par la faiblesse du yen, la stabilité de ses taux d'intérêt et l'amélioration des bénéfices des entreprises. Le marché indien se redresse également grâce à des chiffres économiques plus forts que prévu.
Mais le marché le plus performant a été le Nasdaq, l'indice technologique américain. Le S&P 500 s'est également bien comporté. Cette performance est cependant principalement attribuable aux 8 plus grandes actions technologiques : Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Netflix, Nvidia et Tesla.
Le poids de ces actions individuelles dans les indices S&P 500 et du Nasdaq a considérablement augmenté. Depuis le point bas de 2022, il est passé respectivement de 19,6 % et 49,1 % à 27,3 % et 57,9 %. C’est, d’une part, la conséquence d’un marché cherchant refuge dans les sociétés les plus performantes. Ces sociétés ont de solides réserves de trésorerie et génèrent beaucoup de liquidités. D'autre part, les résultats d’entreprises ont été plus solides que prévu, grâce à la technologie révolutionnaire de l’intelligence artificielle (IA).
Des résultats d’entreprises plus résilients qu’attendu
Aux États-Unis
La fin de la saison trimestrielle se rapproche et 99 % des entreprises américaines ont publié leurs résultats. Pour 77 % d’entre elles, ils ont été supérieurs aux attentes avec une surprise moyenne de 6,8 %. Par contre, les entreprises dans leur ensemble ont révisé leurs bénéfices à la baisse de 0,3 % pour le prochain trimestre. Nous constatons de grandes différences entre les secteurs. Par exemple, l'informatique et le secteur industriel ont ajusté leurs bénéfices à la hausse. Ce sont également les secteurs qui constituent le poids le plus important du compartiment actions au sein du fonds essentiels.
En Europe
En Europe, 89 % des entreprises ont publié leurs bénéfices. Ici aussi, on observe le même phénomène : en moyenne, 61 % des entreprises ont enregistré de meilleurs résultats que prévu et la surprise de 15 % était encore plus élevée qu'aux États-Unis. La plus forte révision à la hausse des bénéfices pour le trimestre peut être observée dans le secteur des biens de consommation de base.
Les attentes des analystes
Les analystes ajustent également leurs prévisions de croissance pour cette année et la prochaine, de sorte que nous constatons à nouveau une augmentation de l'évolution attendue des bénéfices des entreprises aux États-Unis (ligne verte). Le plancher semble ici atteint, les gains de productivité potentiels de l'intelligence artificielle jouant sans doute un rôle majeur. Nous devons toutefois continuer à modérer nos propos. La crise bancaire n'est pas encore terminée et les répercussions économiques de la politique monétaire restrictive devraient continuer à se faire sentir dans l'économie.
Pour la zone euro (ligne rose), une légère tendance à la baisse peut être observée. Si l'on regarde plus largement au niveau international, les anticipations de bénéfices des entreprises indiennes restent sur une tendance haussière (ligne bleu foncé), le Japon semble se stabiliser (ligne bleu clair) et la Chine est de nouveau retombée dans une spirale descendante (ligne jaune).
Le nouveau terme à la mode : l’intelligence artificielle
Ce n’est pas adonin si le terme intelligence artificielle (IA) a déjà été utilisé à plusieurs reprises. C'est un terme générique qui fait référence au matériel et aux logiciels qui imitent les fonctions cognitives humaines et prennent des décisions basées sur des informations provenant de l'environnement. Bref, l'intelligence humaine est imitée et même améliorée.
Certains experts comparent la prolifération de l'IA à la révolution industrielle. L'IA est comparable à des développements qui améliorent la productivité tels que la machine à vapeur, l'électricité, les PC et internet. La demande pour cette nouvelle technologie est énorme car l'IA transforme une myriade d'industries en améliorant l'efficacité des travailleurs. Tirant parti des algorithmes d'apprentissage automatique et de quantités massives de données, cette technologie permet aux entreprises d'automatiser les tâches répétitives, de rationaliser les processus et d'atteindre de nouveaux niveaux de productivité.
Une étude publiée il y a quelques mois par des chercheurs du MIT a montré que les employés gagnaient 37 % en efficacité avec ChatGPT. L'application des systèmes d'IA générative a déjà un impact sur le commerce électronique, le marketing, le service client, la santé, la robotique, la vision par ordinateur et même la comptabilité. Selon la Chambre de commerce des États-Unis, une augmentation de 13 000 milliards de dollars du PIB mondial peut être attendue grâce a l’IA d'ici la fin de cette décennie. Par ailleurs, le marché mondial vaudrait 1 600 milliards de dollars en 2030. En 2022, ce marché valait encore 119 milliards de dollars. Cela équivaut à un taux de croissance annuel de 39,5 %.
Un pionnier dans le domaine est Nvidia, qui profite dès à présent de l'explosion de l'IA générative déclenchée par ChatGPT. Ils sont en effet le principal fournisseur de matériel informatique accéléré pour le développement et l'exécution de grands modèles de langage. Le point le plus remarquable de leur rapport trimestriel se trouvait dans les prévisions de revenus de 11 milliards de dollars pour le deuxième trimestre, indiquant une croissance de 63 % d'une année sur l'autre. Ceci alors que le marché tablait sur 7,11 milliards de dollars pour le prochain trimestre. En outre, le PDG, Jensen Huang, a déclaré que le monde « est maintenant au point de basculement d'une nouvelle ère informatique ». Par la suite, le cours de l'action a grimpé de plus de 30 %, entraînant avec lui le reste de la bourse.
La politique des taux
Outre les bénéfices des entreprises, d’autres nouvelles encourageantes sont apparues. Un accord a été conclu sur les plafonds d'endettement aux États-Unis et selon toute vraisemblance, la banque centrale américaine fera une pause dans la hausse des taux d'intérêt en juin. En conséquence, les taux se sont stabilisés, bien qu'à un niveau plus élevé qu'au début du mois de mai.
L’accord sur le plafond de la dette américain
Comme mentionné dans la mise à jour précédente, le plafond de la dette est la limite du montant d'argent que le gouvernement américain peut emprunter pour des dépenses telles que la sécurité sociale, l'assurance-maladie et l'armée. Une fois cette limite d'endettement atteinte, le Trésor ne peut plus émettre de titres, arrêtant un flux vital d'argent vers le gouvernement fédéral. Le Congrès doit alors relever ce plafond officiel pour éviter un « défaut technique » de la dette américaine. Le déficit s'est de nouveau creusé ces derniers mois pour atteindre environ 1 900 milliards de dollars (ligne grise ci-dessous).
Le Sénat américain a approuvé une augmentation du plafond de la dette le 1er juin, transmettant l'accord au bureau du président à temps pour éviter un défaut catastrophique. La proposition suspend la limite de la dette de 31 400 milliards de dollars jusqu'au 1er janvier 2025, en échange de certaines mesures limitant les dépenses discrétionnaires non militaires et autorisant le gazoduc Mountain Valley. Plus précisément, les dépenses non militaires pour le prochain exercice seront plafonnées aux niveaux actuels et n'augmenteront que de 1 % en 2025. Le Congrès devrait également approuver les déclarations de dépenses mensuellement afin de ne pas dépasser les limites. L'accord récupère également des milliards de dollars d'aide Covid non dépensés et accélérerait les grands projets énergétiques en permettant des réformes.
« Personne n'obtient tout ce qu'il veut dans une négociation, mais ne vous y trompez pas : cet accord bipartite est une victoire majeure pour notre économie et le peuple américain », a tweeté le président J. Biden.
Les actions des banques centrales
Le graphique ci-dessus montre les attentes futures du taux d’intérêt directeur américain. Par rapport à la situation d’il y a 3 mois (ligne rouge), la courbe s'est fortement ajustée à la baisse suite à la crise bancaire. Le resserrement du crédit conduira à une croissance économique inférieure à la moyenne, ce qui se traduira par une diminution des pressions inflationnistes et une anticipation de taux d'intérêt plus bas.
La banque centrale américaine devrait faire une pause lors de la prochaine réunion, puis procéder à une autre augmentation en juillet. Concernant la Banque centrale européenne, la chance d'une hausse supplémentaire est quasi certaine, suivie d'une stabilisation des taux d'intérêt.
Macroéconomie
Outre les résultats des entreprises plus forts que prévu et les banques centrales qui semblent arriver à la fin de leur politique de hausse des taux, la croissance économique et l'inflation jouent également un rôle. Commençons par la composante croissance.
D'après les enquêtes des directeurs d'achats, qui donnent une indication d'expansion ou de contraction économique, nous sommes aujourd'hui en phase de contraction aux États-Unis (ligne verte ci-dessous). La composante industrielle en particulier est responsable du ralentissement, tandis que les services sont toujours en phase d'expansion. En revanche, dans la zone euro (ligne rose), au Japon (ligne noire) et en Inde (ligne jaune) on observe un chiffre supérieur à 50, ce qui indique une expansion économique.
Il convient toutefois d'être prudent car l'indice des surprises économiques en Europe évolue à la baisse. Les chiffres publiés sont donc moins bons que prévu, probablement en raison de la récession technique allemande (deux trimestres consécutifs de croissance négative du produit intérieur brut). En revanche, les chiffres en Amérique sont meilleurs que prévu, ce qui se reflète dans le chiffre au-dessus de 0.
L'une des surprises aux États-Unis a été le taux d'emploi exceptionnellement élevé. Le nombre de nouveaux travailleurs a été plus important que prévu. La proportion de personnes employées est presque revenue au niveau élevé du début du siècle. Cela ne s'applique pas à l'ensemble de la population, dont le taux d'activité ne cesse de baisser. Ceci est le reflet de facteurs démographiques (en raison des baby-boomers sortants, il y a proportionnellement plus de personnes âgées) et du phénomène de la préretraite. Cette démographie permet également de contrôler l'inflation des salaires.
Une autre nouvelle connexe du mois dernier se trouvait dans les nouveaux chiffres de l'inflation. Nous constatons une modération de l'inflation sur les continents américain et européen. Bien qu'encore au-dessus de l'objectif de 2 %, la tendance est favorable. Cependant, l'inflation sous-jacente, soit hors prix de l'énergie et de l'alimentation, reste assez tenace. En Europe (ligne jaune) nous observons seulement maintenant un sommet et en Amérique (ligne verte) la tendance est à la baisse mais très lente. La forte hausse de l'inflation sous-jacente au Japon est frappante. Les années de déflation semblent révolus chez eux. S'agit-il des premiers signes d'une reprise économique au Japon ?
Notre positionnement dans les fonds essentiels
Au cours des dernières semaines, les gestionnaires ont augmenté la pondération des actions. Cela nous permet de capitaliser sur les résultats d’entreprises étonnamment solides sur les continents américain et européen. La fin des hausses de taux d'intérêt semble également en vue. De plus, le problème d'inflation aux États-Unis semble s'être atténué, contrairement à l'Europe. Cependant, les perspectives de l'économie mondiale doivent continuer à être prises en compte. Celles-ci resteront très incertaines dans les mois à venir. Nous restons donc sous-pondérés, quoique dans une moindre mesure.
Au sein des actions
Au niveau géographique, l'accent sur l'Inde a été fortement renforcé à 4 % du poids des actions. La bourse indienne a sous-performé le reste du monde cette année, alors que le vaste marché du pays, combiné à son esprit d'entreprise et à sa classe moyenne en croissance, fournit une base solide pour une croissance économique soutenue. L'âge médian y est même de 27 ans. L'augmentation de l'exposition a été réalisée par l'activation de la trésorerie d'une part et d’autre part, par la réduction de nos positions en actions chinoises et européennes.
De plus, il y a actuellement beaucoup de pression pour déplacer les chaînes d'approvisionnement dans des parties du monde considérées comme relativement stables et sûres, et l'Inde se démarque certainement à cet égard. La situation géopolitique est donc en faveur de l'Inde. Des règles favorables pour les investisseurs étrangers jouent également un rôle. Enfin, ce positionnement représente également une diversification intéressante par rapport au reste du monde. L'Inde est en effet une économie en soi.
L'accent sur la Chine a été réduit de moitié alors que les prévisions de bénéfices des entreprises redeviennent négatives, que les données macroéconomiques sont inférieures aux attentes et que le conflit entre les États-Unis et la Chine semble s'intensifier. Le poids de l'Europe a également été légèrement réduit début mai à la suite de la bonne performance des marchés boursiers et au renchérissement de la valeur du marché. De plus, l'inflation sous-jacente semble plus tenace qu'aux États-Unis et la Banque centrale européenne pourrait devoir agir plus durement que prévu.
Sur le plan géographique, la pondération japonaise a également été augmentée à 8 % de la pondération des actions. Les facteurs qui ont influencé ces décisions comprenaient un yen plus faible, des taux d'intérêt stables, la stabilisation des prévisions de bénéfices des entreprises et des données économiques plus solides que prévu.
Après la solide performance de l'indice Nasdaq, tirée par les fantastiques évolutions de cours des grandes entreprises technologiques, un arbitrage a été effectué du Nasdaq vers une plus grande exposition dans nos thèmes à long terme avec un accent sur les nouvelles technologies, la robotique et la cybersécurité. En conséquence, nous basculons des mégacaps vers les petites et moyennes entreprises dont la valorisation est relativement plus attractive et qui ont suffisamment de liquidités au bilan pour continuer à financer les activités opérationnelles. Il s’agit de thèmes centrés sur l'IA qui ont pris du retard lors du rallye des mégacaps, et qui ont relativement plus de potentiel. En dépit de cette décision, nous maintenons un positionnement solide sur les plus grandes actions du monde, mais légèrement inférieur.
La trésorerie a également été activée pour renforcer les valeurs individuelles industrielles bénéficiant des dépenses en capital sur les projets d'énergie verte. L'accord sur le plafond de la dette a rendu ce groupe d'actions encore plus attrayant.
Au sein des obligations
La maturité moyenne des positions obligataires reste inférieure à celle de l'indice de référence. Cependant, il existe des différences sous-jacentes majeures. Des échéances supérieures à la moyenne sont maintenues au sein des obligations d'État américaines car elles offrent désormais des rendements intéressants alors que l'inflation recule. Ces échéances plus longues sont à leur tour compensées par des obligations d'entreprises européennes et scandinaves à taux d'intérêt flottants.
Les liquidités entrantes ont été investies dans des obligations d'État assorties d'échéances plus longues provenant de pays dont la cote de crédit est très élevée, comme l'Allemagne et les États-Unis.
Les obligations d'État américaines à court terme ont par contre été vendues en anticipation aux vicissitudes du débat sur le plafond de la dette. Le risque lié aux taux d'intérêt sur la partie courte de la courbe des taux a donc été réduit. En effet, lorsque les taux d'intérêt augmentent, les cours des obligations baissent.
Conclusion
Les marchés boursiers ont réagi positivement le mois dernier à des résultats d'entreprises meilleurs que prévu et à la disparition des sombres nuages liés au plafond de la dette américaine. Les perspectives économiques semblent s'améliorer progressivement, mais la prudence s'impose. Cela reste un exercice d'équilibre délicat où divers facteurs doivent être pris en compte afin d'arriver à une gestion d'actifs de qualité et efficace. De plus, il existe des exigences de diversification et de gestion des risques que nous respectons en toutes circonstances.
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