Rapport trimestriel Q4 2021

14 janvier 2022

Auteur : Gerd Philippaerts, Gestionnaire de fonds chez Argenta Asset Management

De solides résultats d'entreprise ont été publiés au quatrième trimestre, poussant les marchés à de nouveaux sommets après le coup de blues de septembre. Même Omicron, le nouveau variant du virus COVID-19, n'a pas réussi à jouer les trouble-fête. Cependant, il est devenu clair que la Réserve Fédérale américaine (FED) avait l'inflation en tête de ses priorités. Mais les marchés financiers ont maintenu leur dynamique positive malgré le ton belliciste de la FED en décembre, qui a clairement indiqué que des hausses de taux sont désormais vraiment à l'horizon. Ou les conséquences économiques négatives d'Omicron vont-elles finalement contrecarrer ces plans ?

Vous trouverez de plus amples informations et explications sur la dynamique récente des marchés, ainsi que sur les risques existants pour vos investissements et sur la manière dont nous positionnons les fonds essentiels à cet égard dans le texte ci-dessous.

Les marchés financiers

Performances des marchés d’actions

Le dernier trimestre 2021 a démarré en force après le creux que les marchés boursiers ont connu en septembre. Le principal moteur du regain d'optimisme était la publication de solides résultats d’entreprises et la réduction de la menace du variant Delta COVID-19. Après avoir intégré les résultats d'exploitation, le marché s'est concentré sur la menace inflationniste et les tensions internationales croissantes concernant les approvisionnements en gaz et le différend frontalier entre la Russie et l'Ukraine. Les conséquences économiques possibles du virus, cette fois dues au variant Omicron, sont également revenues au menu des analystes. Ce mélange détonnant a suscité un certain malaise sur le marché. Le président de la Banque centrale américaine a fourni la cerise sur le gâteau, en annonçant le durcissement de la politique de taux d'intérêt pour 2022. Mais après cette mise au point, les marchés boursiers ont semblé laisser toutes leurs craintes derrière eux et un nouvel élan a été trouvé pour clôturer l’exercice sur un véritable rallye de fin d’année.

Évolution des marchés boursiers (en Euro)

Si nous nous penchons sur les différences régionales dans les marchés boursiers, quelques éléments ressortent. Les États-Unis ont affiché le meilleur résultat avec une croissance de 12 %, tandis que l'Europe a atteint environ 7,5 %.

Évolution des marchés boursiers (en Euro)

Sur les marchés asiatiques, l'Inde a ralenti après une solide performance en début d'année. La bourse indienne a fait un sprint intermédiaire au troisième trimestre de +15 %, mais a ensuite fait une pause et a affiché un résultat à peine positif au quatrième trimestre.

La Chine n’a pas pu compter sur une reprise. Les mesures réglementaires prises par le gouvernement chinois pour « protéger son économie et notamment la classe moyenne contre les abus » d'une part, et la débâcle entourant le géant immobilier Evergrande d'autre part, ont continué à laisser planer une ombre sur la bourse. Le Japon est également resté empêtré dans le marasme et, malgré les investissements publics planifiés et annoncés, n'a pas pu reprendre le chemin de la hausse.

Les résultats d’entreprises comme moteur principal pour les marchés d’actions

Les résultats que les entreprises ont publiés au quatrième trimestre pour les chiffres du troisième trimestre étaient à nouveau impressionnants. Aux États-Unis, plus de 80 % des entreprises ont dépassé les attentes. Les secteurs de la technologie et de la santé se démarquent avec plus de 90 % de résultats au-dessus des attentes. En Europe, les chiffres sont moins impressionnants, pourtant, plus de 65 % des résultats publiés font mieux que prévu. Ici se démarquent les secteurs de la finance, des matériaux de base et de la santé.

Résultats du 3e trimestre États-Unis (vs consensus)

Résultats du 3e trimestre États-Unis (vs consensus)

Résultats du 3e trimestre Europe (vs consensus)

Résultats du 3e trimestre Europe (vs consensus)

Les analystes restent également optimistes pour les mois à venir. Comme le montre le graphique ci-dessous, leurs attentes de croissance sur 12 mois restent fortes, bien que logiquement inférieures à leur pic du premier semestre 2021. Nous attendons avec impatience les perspectives des entreprises en ce début d'année.

Les attentes en Chine, en proie aux chocs dans le secteur immobilier et aux interventions brutales et répétées de l'État dans plusieurs autres secteurs de l'économie (jeux en ligne, éducation en ligne, secteur financier, etc.), semblent avoir atteint un plus bas et des espoirs subsistent qu’un redressement s'amorce, en partie grâce à une politique de taux d'intérêt plus favorable à l'économie.

Croissance attendue des bénéfices d'entreprises

Nous suivons également de près l'évolution de la prime de risque sur les actions, qui diminue progressivement aux États-Unis. Une prime de risque plus faible indique que les rendements attendus des actions deviennent légèrement moins attrayants par rapport aux obligations à revenu fixe. En revanche, en Europe et au Japon, la prime de risque reste élevée et très attractive, tandis que la prime de risque chinoise évolue à la hausse.

Primes de risque

Les marchés obligataires

Si l'on regarde les obligations mondiales au quatrième trimestre, on constate que les Bons du Trésor américains n'ont pas encore subi d'effets négatifs dus au stress inflationniste, alors que les obligations d’État de la zone Euro ont clairement sous-performé, notamment les obligations italiennes. Les obligations chinoises ont en revanche procuré une belle plus-value dans notre portefeuille obligataire diversifié.

Cours obligations d'état, exprimés en EUR

Une image similaire peut être observée au niveau des obligations d'entreprises, où les obligations américaines, aidées en partie par un dollar plus fort, ont fait mieux que leurs consœurs européennes, qui ont même clôturé en territoire légèrement négatif.

Cours Obligations d'entreprises en EUR

Les spreads de crédit (le différentiel de taux d'intérêt entre les obligations d'entreprises risquées et les obligations d'État) ont contamment progressé au cours du dernier trimestre. Le revirement de la politique monétaire américaine, où d'énormes quantités d'obligations d'entreprises avec une bonne solvabilité sont achetées chaque mois, manifeste ses effets. Quel sera l'impact le jour où les banques centrales réduiront ou arrêteront ces achats ? Si ce très gros acheteur d'obligations d'entreprises venait à disparaître du marché, cela pourrait faire augmenter les spreads, mettant ainsi une pression sur les prix des obligations d'entreprises. Une certaine anticipation semble déjà se manifester dans les cours. Comme le montre le graphique du spread de crédit allemand, il reste encore assez faible dans le contexte historique. Une possible cassure de tendance est un facteur que nous suivons de près.

Évolution historique du spread de crédit, obligations d'entreprises

Le virus: « quand il n’y en a plus, il y en a encore » (copyright Stromae)

Combien de variants le virus a-t-il ? Trop. Soutenu par les vaccinations de rappel et une grande dose de courage frais, le quatrième trimestre a débuté avec la ferme conviction que nous pourrions également gérer le variant Delta. Et c’est ce qui s’est aussi passé. Mais un nouveau variant a émergé : Omicron. Il fut initialement craint pour sa forte contagiosité, mais rapidement loué et considéré comme un allié quand il est devenu clair que ce variant se montre moins agressif. On pouvait ainsi espérer une baisse des hospitalisations. Mais l'impact d'Omicron pourrait être plus important qu'on ne le pensait initialement. Sa propagation ultra-rapide pourrait en effet encore être un fardeau trop lourd pour le secteur de la santé déjà fortement touché.

L'infectiosité plus élevée pourrait également peser sur l'économie dans son ensemble. Si beaucoup tombent malades en même temps, cela peut exercer une pression sur le fonctionnement économique. Les employés malades sont absents du travail, mais les enfants malades peuvent également mettre les parents sans options de garde sous pression, ce qui peut à son tour entraîner des absences ou même des retraits temporaires du marché du travail.

Et que dire alors de l'impact en Chine : le gouvernement chinois s'en tiendra à sa politique très draconienne pour faire face à la crise et cela pendant encore au moins un an. Fermetures et quarantaines, on n'y échappe pas. Cela s'est appliqué également au plus grand port du pays. Mais ce n'est pas seulement en Chine qu'il y a eu une grande alarme, le Japon a également fermé ses frontières à la menace croissante et même les joueurs de tennis ne semblent pas toujours les bienvenus en Australie, d’après les dernières nouvelles. L'économie mondiale à peine rouverte est à nouveau sous pression.

Il devient clair que le pouvoir de contagion élevé du variant Omicron alimente les craintes d'une augmentation des perturbations de la chaîne d'approvisionnement, ce qui pourrait maintenir l'inflation à un niveau élevé pendant longtemps encore.

Une inflation n’est pas l’autre

Les raisons de l'inflation élevée ont été décrites en détail dans notre dernier rapport trimestriel. Pour résumer brièvement, outre les problèmes logistiques, il existe deux autres causes majeures de la montée de l'inflation : le comportement des consommateurs (l'argent économisé est désormais dépensé) et une forte demande industrielle en matières premières due à la fois à l'anticipation des investissements publics et au basculement à l'énergie durable.

Une inflation structurellement plus élevée, et donc non transitoire comme l'ont longtemps soutenu les banques centrales, c'est ce que ces dernières n'aiment pas. Mais l'inflation structurelle n'est pas encore l'hyperinflation. Et c’est elle qu’il faut éviter à tout prix.

L'hyperinflation semble être un concept d'autrefois ou associé aux pays sous-développés. On fait souvent référence à la République de Weimar (1919-1933) : il y a environ 100 ans, après la Première Guerre mondiale, l'Allemagne s'est vu imposer des remboursements substantiel (paiements de dommages et intérêts). La politique inflationniste que menait alors le gouvernement allemand de Weimar pour dénoncer son manque de capacité de remboursement a dégénéré, comme l'illustre le tableau ci-dessous :

Prix d’un kilo de pain durant la République de Weimar (Source: Institut allemand):

Décembre 1921:  4 mark
Décembre 1922:  163 mark
Janvier 1923:      250 mark
Avril 1923:         474 mark
Août 1923:  69 000 mark
Novembre 1923: 201 000 000 000 mark

« En novembre 1923 la valeur à brûler d’un paquet de billets de banque était plus élevée que le charbon qu’on pouvait s’acheter avec. Beaucoup de personnes ont perdu leur épargne, les salaires réels ont reculé et les provisions de pension ont été perdues également. »

Mais dans un pays non loin d'ici, les pressions inflationnistes ont aujourd'hui des conséquences très négatives : la Turquie doit faire face à une inflation vertigineuse, alimentée en partie par une monnaie faible.

Inflation turque en base annuelle

Inflation turque en base annuelle

Non, un tel environnement de prix n'existe pas en Europe ou aux États-Unis. Et pas non plus en Chine, qui ne connaît pas encore de forte hausse de l'inflation, ni au Japon, qui lutte toujours contre la déflation. Au quatrième trimestre, cependant, on craignait de plus en plus aux États-Unis que la politique monétaire continue de trop soutenir la reprise économique et de pousser davantage l'inflation à la hausse. La politique de la Banque centrale serait ainsi à la traîne des faits. Et ces inquiétudes se sont installées sur les marchés boursiers fin novembre, lorsque les chiffres de l'inflation ont continué à augmenter. La réaction de la Banque centrale américaine était attendue avec impatience.

Inflation de base

M. Powell, le président de la Banque centrale américaine, a été accusé d'avoir commis une erreur de politique en décembre 2018. « Petit nouveau » au poste, désigné par Trump en novembre 2017 comme nouveau président de la Banque centrale américaine, il a augmenté les taux d'intérêt de 25 points de base. Pas une nouvelle bouleversante en soi, mais dans sa communication ultérieure, Powell a semblé suggérer une politique mathématique de « pilote automatique ». Presque immédiatement, il a été accusé de trop peu de pragmatisme. Estimant que la Banque centrale américaine perdait probablement le contrôle, le marché obligataire a rapidement corrigé et a entraîné les marchés boursiers dans la baisse.

Powell allait-il se heurter deux fois au même mur ? Les pressions inflationnistes actuelles ont incité le président de la FED à faire une déclaration argumentée. Le 15 décembre 2021, il a annoncé une fin accélérée de l'assouplissement monétaire introduit lorsque la crise pandémique a frappé. De plus, la Banque centrale américaine a indiqué qu'elle pourrait augmenter fortement les taux d'intérêt en 2022, mais…. que l'impact économique (donc sur l'emploi) du variant Omicron est pris en compte. Ce fut parfait, une déclaration confiante et la preuve d'une approche pragmatique. Pas de panique sur les marchés donc, mais cela a introduit un revirement accéléré de la politique monétaire américaine.

L’Europe et un regard vers l’Est

Malgré la forte pression inflationniste, l'Europe réagit plutôt laconiquement à la menace de hausse des prix. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé qu'elle n'était pas préoccupée par ces chiffres d'inflation et poursuivait sans relâche son soutien monétaire. Mais pour combien de temps… entretemps, les taux d'intérêt à long terme européens remontent, en partie sous l'effet d'une nouvelle envolée des prix européens de l'énergie, qui augmentent fortement en raison de la dépendance et de l'incertitude sur l'approvisionnement en gaz russe. Les tankers gaziers américains remplis voient leur valeur augmenter et mettent rapidement le cap sur l'Europe, et semblent apporter un réconfort temporaire avec leur approvisionnement en gaz : vous savez, l’éternelle loi de l'offre et la demande. Mais un hiver rigoureux au début de 2022 pourrait entraîner une augmentation indésirable des prix du gaz avec des effets plus larges sur l'inflation et l'économie européenne. Reste à savoir si les marchés obligataires donneront un signal à la dame au gouvernail de la politique monétaire européenne, qui, par hasard, tout comme Powell à la Banque centrale américaine, vit ses premières années à la tête de la BCE.

Menace également en provenance de l'Est en raison des tensions géopolitiques croissantes : le conflit entre l'Ukraine et la Russie menace de s'intensifier et la Biélorussie veut laisser entrer le renard dans le poulailler en jouant politiquement le problème des réfugiés vis-à-vis de la Pologne. De plus, la Pologne est désormais considérée comme le mauvais élève de l'Europe. Le gouvernement polonais a annoncé une série de réformes qui, selon la Commission européenne, affecteraient l'indépendance des médias et de la justice et violeraient donc les traités européens. Le gouvernement polonais n'apprécie pas cette ingérence de l'UE dans les problèmes internes polonais.

Toutes ces tensions ont eu un effet négatif sur le marché obligataire polonais. Le poids des obligations polonaises dans le portefeuille avait déjà été réduit en début d'année au profit d'autres pays européens hors euro comme la République tchèque. Nous voyons toujours une opportunité dans la normalisation de la situation polonaise à moyen terme et nous diversifions entretemps notre position en obligations d'État tchèques.

Encore plus à l'est, les marchés asiatiques présentent un tableau mitigé. Les grands frères que sont la Chine, le Japon et même l'Inde sont quelque peu à la traîne par rapport à l'indice mondial, mais les plus petits marchés comme les Philippines, l'Indonésie et la Thaïlande ont mieux réussi à suivre les marchés américains et européens. Compte tenu de la forte consommation des populations jeunes de cette région, nous souhaitons également y rester investis.

Aandelenmarkten in 2021

Les décisions de gestion

Évolution historique des taux à 10 ans

Conclusion

Un portefeuille bien diversifié qui correspond à votre profil de risque bénéficie des opportunités offertes par le marché et peut encaisser des coups sans que cela vous empêche de dormir. La forte hausse boursière de ces derniers mois et le revirement de la politique monétaire après une période prolongée de taux d'intérêt ultra-bas ajoutent une certaine volatilité, mais l'accent reste mis sur le long terme. En général, les sociétés cotées sont saines et l'inflation ne menace pas le positionnement à long terme. Néanmoins, nous restons vigilants sur les risques inhérents à la construction de nos portefeuilles. Comme toujours, nous restons pleinement concentrés sur la gestion prudente et professionnelle des investissements de nos clients. Tous les jours et en toutes circonstances.

Avec nos meilleurs vœux pour une année 2022 réussie et que le virus puisse désormais rester à l'écart.

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