L’Amérique vire au rouge vif

6 novembre 2024

Une première impression 

Tout indique que Trump va - largement - remporter l’élection présidentielle américaine de 2024. Les médias annonçaient un scrutin très serré, sous-estimant en cela (une fois de plus) le système des grands électeurs qui tend à amplifier les tendances. De leur côté, les marchés financiers l’avaient mieux appréhendé en tablant plus clairement sur une victoire du candidat républicain avec une probabilité de plus de 70 %.

Une majorité républicaine semble également se former dans les deux chambres. Nous aimerions davantage voir émerger une composition asymétrique mais les décisions importantes requièrent une majorité qualifiée et il semble que le GOP n’atteindra pas ce niveau.

Les marchés d’actions américains, qui accordaient leur préférence à Trump, ont célébré sa victoire face à Harris par un rallye boursier mesuré. Les investisseurs estiment que l’inconstance légendaire de Trump valait mieux en définitive que la voie économique incertaine dans laquelle la candidate démocrate voulait engager le pays.

À moyen terme, cependant, l’imprévisibilité du républicain sera un facteur négatif pour les marchés d’actions. Certes, on peut penser que l’impact positif de politiques plus favorables aux entreprises compensera ce facteur, mais la tendance haussière de la bourse américaine n’en sera pas moins soumise à de très fortes tensions.

Pour leur part, les bourses européennes devront dans un premier temps intégrer dans les cours la perspective négative d’une hausse des droits de douane et de restrictions commerciales, mais tout porte à croire que cela s’est déjà largement produit au cours des semaines précédentes, lorsque la victoire de Trump était devenue une quasi-certitude (pour les marchés financiers). Au fil du temps, les investisseurs finiront par se rappeler que les 600 entreprises de l’indice Eurostoxx ne réalisent en moyenne que 6 % de leur chiffre d’affaires aux États-Unis.

Nous nous attendons à un environnement favorable aux entreprises, mais Trump devrait démanteler également toutes sortes de mesures écologiques et lancer des initiatives destinées à doper encore la croissance économique américaine. Une telle politique nous semble cependant inutile dans la mesure où la croissance américaine est déjà assez robuste (quoique répartie inégalement). Elle risque donc de réalimenter l’inflation. Et donc d’inciter la Fed à ralentir son cycle de baisse de ses taux directeurs.

Il ne fait aucun doute que le président américain profitera de sa position de force pour déployer son arme favorite, à savoir l’augmentation des tarifs. Une politique insensée et stupide car elle accroît l’inflation domestique et les taux d’intérêt à long terme, sur fond d’appréciation du dollar, affaiblissant ainsi (légèrement) la position concurrentielle internationale des États-Unis. Cette perspective favorise le renforcement du poids des sociétés américaines dans notre sélection d’actions, mais réduit considérablement l’attrait des obligations en dollars américains. Les banques, l’énergie fossile, mais aussi certaines entreprises à forte capitalisation dans le secteur de la technologie devraient être les premières à évoluer à la hausse. Mais ce scénario est loin d’être gravé dans le marbre avec ce personnage fantasque au pouvoir, entouré de nombreux fanatiques qui le suivront dans toutes ses lubies, sans que son propre parti, plus que jamais à ses pieds, ne puisse tempérer ses ardeurs.

Normalement, la victoire de Trump devrait également donner le coup d’envoi à un rallye boursier des sociétés pharmaceutiques, mais, pour l’instant, la perspective que le radical R.F. Kennedy Jr. ait voix au chapitre dans la politique de ce secteur effraie (à juste titre) les investisseurs.

Le premier test sera de voir si le président élu peut effectivement réussir à mettre fin rapidement au conflit militaire en Ukraine ou au moins à entamer des pourparlers de paix sérieux. En cas d’échec, ni lui ni ses partisans ne se gêneront pour rejeter la faute sur l’Europe. 

Des marchés boursiers en hausse, des taux d’intérêt à long terme qui remontent, des attentes d’inflation plus élevées, un dollar plus fort... tout cela, c’est à court terme.

Politische Börsen haben kurze Beine (« Les bourses politiques ont la vie courte »),  disent nos voisins de l’Est. Ensuite, nous verrons bien. Nous savons comment nous adapter à ce loriot. 

Lire plus

  • Coincés entre les résultats des entreprises et le verdict des urnes

    23 octobre 2024

    Dans les années 1980, toute personne bloquée dans un aéroport pouvait passer le temps en feuilletant des dizaines de magazines d’entreprise, imprimés sur papier glacé, qui annonçaient l’imminence d’une toute-puissance commerciale du Japon sur la planète, au vu de son expansion débridée et de l’appétit du monde entier pour ses produits d’exportation.

  • Dans l’attente du train suivant

    2 octobre 2024

    Avec son violent coup de machette de 50 points de base, la banque centrale américaine (Fed) veut signaler que, cette fois, elle sait anticiper à temps l’évolution des indicateurs d’inflation. Une telle réduction des taux directeurs indique en effet que la hausse des prix s’essouffle, suffisamment en tout cas pour qu’il ne soit plus nécessaire de refroidir l’économie par des politiques restrictives. La Fed abandonne ainsi progressivement ses taux directeurs étouffants et met fin également à ses ventes massives d’obligations qui ne faisaient que maintenir les taux d’intérêt à long terme à un niveau artificiellement élevé.

  • Wall Street indulgente

    11 septembre 2024

    Dans l’ensemble, les marchés boursiers se sont remis assez rapidement des baisses des cours survenues au début du mois d’août 2024. Ces corrections boursières ont été déclenchées par une bourde improbable de la banque centrale japonaise et une réaction excessive à la publication des statistiques américaines sur l’évolution de l’emploi, qui semblaient annoncer un refroidissement inattendu du marché du travail.