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Les 3 Jours de Wall Street
28 avril 2021
Tout au plus un toussotement poli. Les marchés financiers se sont très vite remis de leurs frayeurs après la fuite dans la presse du plan de Biden qui prévoit de relever substantiellement la taxe sur les plus-values visant les plus nantis aux États-Unis. Après avoir trébuché de 1 %, ils ont repris tranquillement leur petit bonhomme de chemin haussier, poussés dans le dos par les taux d'intérêt bas, le soutien massif des pouvoirs publics, les belles perspectives de croissance économique et l'étonnante solidité des résultats d'entreprise.
Tant qu'une taxe sur les plus-values s'accompagne d'une déductibilité des moins-values, une telle imposition n'émeut pas les marchés. Seule une atteinte à cet équilibre est susceptible de décourager la prise de risque et d'encourager la tentation de se réfugier dans toutes sortes de hamacs confortables au détriment des progrès économiques à long terme.
De surcroît, la proposition de Sleepy Joe ne vise qu'un groupe sélect d'individus et ne dit pas (pour l'instant du moins) un traître mot sur un éventuel relèvement de l'impôt des sociétés.
Biden doit à la fois se profiler à gauche pour ne pas décevoir son électorat et veiller à ne pas donner des munitions à ses opposants de droite en vue des prochaines élections au Congrès. Il risque en effet de perdre sa majorité étriquée lors du prochain renouvellement de la moitié de la Chambre des représentants qui a lieu tous les deux ans. Dans un tel contexte, il est peu probable d'assister à un changement radical de la politique économique et fiscale. Seules des mesures reposant sur un consensus suffisamment large ont une chance de réussir, comme les chèques du gouvernement glissés dans la boîte aux lettres de chaque citoyen et les travaux d'infrastructures.
Non, les marchés financiers s'intéressent bien davantage aujourd'hui à la publication des résultats d'entreprises. Parmi les entreprises cotées en bourse qui ont déjà communiqué leurs résultats, 80 % (!) ont réussi à dépasser allègrement les attentes pourtant très élevées.
Graphique 1 : Évolution des résultats attendus des entreprises américaines (hors industrie du pétrole et du gaz)
Pour l'heure, 181 des 504 entreprises constituant l'indice S&P Composite ont publié leurs chiffres trimestriels. D’excellents résultats qui non seulement traduisent une croissance bénéficiaire inédite ces quinze dernières années, mais qui dépassent aussi les prévisions en moyenne de 23 %.
Ces 27, 28 et 29 avril, les méga-entreprises américaines dévoilent à leur tour leurs chiffres pour le trimestre écoulé ainsi que leurs perspectives pour la période suivante. S'agissant des prévisions, il ne faut généralement pas trop en attendre. Pour des raisons tactiques, ces géants ne placent en effet pas la barre très haut pour le trimestre suivant. Mais, cette fois-ci, ils y font également exception : Pour chaque entreprise qui émet des commentaires négatifs, il y en a deux qui accompagnent leurs chiffres trimestriels de perspectives très positives. Certes, une déception survient de temps à autre. Mais, là aussi, la réaction boursière est modérée.
Mais même les entreprises habituellement très performantes peuvent parfois prendre une gifle. Le moindre chiffre décevant est alors grossi et fait chuter le cours. Cet honneur douteux est revenu notamment à Microsoft après la publication de ses résultats le 27 avril. Malgré d'excellents chiffres bien accueillis dans un premier temps, le cours de son action a fini par baisser. Une réaction immature de quelques boursicoteurs gâtés, cela ne va pas plus loin que cela. Alphabet (la maison-mère de Google) a par contre à nouveau été récompensée de ses chiffres.
Mais la tendance des prochaines semaines sera surtout dictée par la publication imminente des résultats de géants tels que Mastercard, Apple et surtout Amazon. Au moment de lire ces lignes, ils n'auront sans doute déjà plus de secrets pour vous.
Actuellement, nous ne détectons aucun élément objectif indiquant des survalorisations sur les marchés d'actions. Mais il va de soi que nous ne pouvons pas nier que les cours de bourse ont déjà fortement anticipé la bonne marche des affaires des entreprises. Les résultats des entreprises européennes sont également très bien orientés, même si l'image est plutôt contrastée entre les différents pays.
Graphique 2 : Évolution des résultats attendus des entreprises dans divers pays
La hauteur des cours sur les bourses européennes et (surtout) américaines est soutenue actuellement par l'évolution des bénéfices des entreprises des deux côtés de l'Atlantique. Mais la tension est toujours à son comble lorsqu'une grande entreprise est sur le point de jeter ses chiffres trimestriels en pâture à la meute des investisseurs. Le suspense était en tout cas plus palpable au cours de ces Trois jours de Wall Street que lors des 50 dernières éditions de la Flèche Wallonne.
La crainte d'une flambée dévastatrice de l'inflation est entre-temps passée à l'arrière-plan (du moins provisoirement), si bien que les taux d’intérêt à long terme aux États-Unis et dans la zone euro se sont stabilisés. La tendance fondamentale des taux d'intérêt des obligations d'État reste cependant orientée à la hausse (dans une mesure limitée).
Si nous restons persuadés que nous viendrons à bout du virus dans quelques mois, cette conviction se heurte de plus en plus à des nouvelles inquiétantes sur les effets secondaires des vaccins. Cela n'a rien d'étonnant quand des campagnes de vaccination sont menées à une telle échelle, mais cela n'en crée pas moins une angoisse, un arrêt temporaire des injections, voire un report. Les vaccins sont cependant le seul moyen de défense efficace. Le confinement ne produit qu'un effet très temporaire sur l'évolution du virus. Et, plus ennuyeux encore, cet effet ne fait que s'amenuiser au fil du temps. La dernière vague de mesures de confinement n'a en tout cas que très peu pesé sur le taux d'accélération des contaminations.
Lorsque la majeure partie de la population sera vaccinée, il faudra continuer à faire preuve de patience et de prudence, d’autant plus que le virus a l'occasion à présent d'expérimenter sans retenue de nouveaux variants en Inde et au Brésil. Jusqu'ici, l'espèce humaine a eu beaucoup chance (qu'elle l'ait mérité ou non) : les variants de la Covid-19 les plus contagieux ont aussi été les moins mortels. Cela ne va certainement pas durer. Il faut donc de toute urgence aider ces deux pays dans toute la mesure de nos moyens. Tant pour des raisons humanitaires que dans notre propre intérêt.
Dans notre allocation d'actifs, nous continuons à surpondérer largement les actions et à sous-pondérer les obligations. Il pourrait difficilement en aller autrement si l'on prend en compte les excellents bénéfices des entreprises et les baromètres conjoncturels. Mais tout de même... Au vu des résultats d’entreprises actuels et de la progression des marchés d'actions, on ne peut s'empêcher de penser qu'il sera difficile de faire encore mieux à l'avenir et que le plus beau est déjà derrière nous.
Mais ce sentiment nous habite depuis que les enceintes préhistoriques de notre vieux tourne-disque ont sorti les dernières notes de Sergeant Pepper’s lonely hearts club band en 1967. « Pourra-t-on encore faire mieux un jour ? », nous demandions-nous à l'époque.
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