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Waar was dat feestje?
17 novembre 2022
Il faut l’admettre, nous aussi, pourtant les derniers des irréductibles optimistes, nous nous étions résignés à passer un long hiver glacial, avec des bourses d’actions souffreteuses et des marchés obligataires calamiteux. Mais, juste à l’heure la plus sombre, lorsque l’ennemi semblait nous tenir en étau, la cavalerie a déboulé de nulle part pour nous débarrasser de nos pensées noires.
Les chiffres de l’inflation aux États-Unis pour le mois écoulé se sont avérés bien meilleurs qu’attendu puisqu’ils s’engagent – en tout cas pour l’instant – sur une voie baissière. À long terme, un reflux substantiel des indicateurs d’inflation ne fait aucun doute, mais l’on s’attendait à ce que la décrue des prix de détail se déroule sur une période de 12 mois, voire plus, avec en chemin un parcours cahoteux, perfide et désolé.
Le soudain ralentissement significatif de l’inflation CPI a constitué dès lors une divine surprise, ce qui a permis aux bourses mondiales de rebondir dans des proportions pratiquement inédites.
L’indice Nasdaq axé sur la croissance, en piteux état jusque là, a mené la charge haussière en se redressant de 10 %. Un gain malheureusement amputé de quatre pour cent pour un investisseur de la zone euro, compte tenu de la dépréciation du dollar.
La bourse chinoise a également repris de belles couleurs. Une performance qu’il faut attribuer, non pas à l’inflation américaine, mais à la perspective d’une politique covid assouplie et aux mesures de soutien du secteur de la construction en Chine.
Graphique 1 : Évolution de plusieurs bourses mondiales depuis la publication des chiffres CPI américains (en monnaie locale)
Les cours des obligations à long terme ont réussi eux aussi à récupérer une partie (pour l’heure, encore limitée) de leurs pertes à la faveur d’une baisse du taux d’intérêt à 10 ans, respectivement d’un tiers et d’un quart de pour cent aux États-Unis et dans la zone euro.
Pour bon nombre d’investisseurs, cette évolution a pourtant des allures de déjà-vu, parce que les chiffres du mois d’août traduisaient eux aussi une réduction importante du pourcentage de hausse de l’inflation, ce qui avait également provoqué à l’époque une réaction enthousiaste sur les bourses. De courte durée hélas, puisque l’augmentation exponentielle des prix de l’énergie à la fin de ce même mois d’août avait mis fin brutalement au début du printemps sur les marchés financiers.
Graphique 2 : Évolution mois par mois et année par année de l’inflation de base américaine (prix de détail CPI)
Mais this time it’s different (et comme toujours, on s’aventure ainsi sur un terrain glissant…).
À l’exception des mouvements inattendus sur le front alimentaire et énergétique, les autres moteurs de la croissance de l’inflation des prix de détail semblent perdre leur dynamique haussière. Certes, les loyers continuent à progresser sensiblement, mais ils semblent à présent être surtout soutenus par la flambée récente des tarifs hôteliers. Même si la tendance à la hausse des loyers devait persister, le pire semble être derrière nous.
De même que les prix des voitures d’occasion, des services médicaux et des biens en général voient leur rythme de croissance fortement ralentir, après la surchauffe observée au cours des mois précédents. Cela neutralise ainsi l’augmentation des prix énergétiques et alimentaires, qui se sont redressés récemment, mais sans que l’on craigne cette fois une nouvelle escalade de leur côté.
Nous avions déjà noté auparavant, dans les statistiques de l’emploi, que la croissance salariale s’était stabilisée dans la plupart des secteurs, même s’il faut noter que cette progression reste encore largement supérieure à la moyenne à long terme. Mais la solidité du marché du travail américain ne s’accompagne pas d’une croissance des salaires supérieure à l’inflation, bien au contraire, et c’est encourageant.
Dans la zone euro, l’économie se montre également très résiliente. Le marché du travail reste ainsi marqué par des pénuries de main-d’œuvre, malgré les perspectives économiques moroses. Au Royaume-Uni, le chômage est même tombé à un plus bas de 50 ans, malgré les problèmes économiques et financiers qui s’accumulent dans la Fière Albion.
Aux États-Unis, cependant, le marché du travail se détend lentement mais sûrement, malgré la forte croissance des créations d’emploi et le chômage historiquement bas. Cela se reflète, notamment, dans le quit-ratio, à savoir le nombre de personnes qui démissionnent pour prendre un emploi ailleurs moyennant une rémunération plus élevée. Pour la première fois depuis la reprise économique qui a suivi la crise du covid, cet indice est revenu en territoire négatif.
Graphique 3 : Démissions aux États-Unis, modifications sur un an
Sera-ce suffisant pour amadouer la banque centrale américaine et l’inciter à desserrer son étreinte étouffante de l’économie ? Pour le moment, pas encore, parce qu’il n’est question tout au plus que d’un ralentissement du rythme haussier prévu de son taux directeur. Concrètement, cela signifie que le relèvement anticipé précédemment de 75 points de base le 14 décembre ne devrait plus être que de 50 points de base, suivi le 1er février 2023 d’une hausse d’un quart de pour cent. Et ensuite, basta ? Pour ce qui nous concerne, la coupe est pleine depuis longtemps.
Cela suffirait à fournir aux marchés boursiers une base solide pour un mouvement de reprise. Mais l’on préfère sans doute attendre la confirmation de la tendance à la baisse de l’inflation. Entre-temps, cette confirmation nous a déjà été apportée partiellement par une évolution baissière semblable des prix de gros (le 15 novembre).
Mais, pour convaincre la Fed d’alléger son joug, elle devra observer la poursuite indubitable du ralentissement du renchérissement des prix des marchandises, frais médicaux et voitures d’occasion et la stabilisation du rythme haussier des coûts d’avion, loyers, prix alimentaires et énergétiques. Ce n’est pas rien, surtout quand l’on sait que la Fed exige par ailleurs de voir diminuer substantiellement la croissance salariale, et même d’observer une réduction des chiffres mensuels, avant qu’elle ne soit disposée à corriger sa politique asphyxiante.
Entre-temps, les rumeurs d’un mécontentement croissant des Chinois face à l’invasion russe s’amplifient de jour en jour. En compensant leur défaillance militaire par des atrocités sans nom contre la population civile, la Russie fait de ses alliés des complices indirects.
La pression politique simultanée exercée par la Chine (et l’Inde) sur la Russie et celle de l’Occident sur l’Ukraine constituent sans doute la seule solution à ce conflit qui menace de s’enliser dans la gadoue des berges du Dniepr et de l’Oskil.
L’Ukraine se sent cependant renforcée (à juste titre) par plusieurs victoires symboliques importantes et entend ainsi utiliser cet élan pour reconquérir le territoire perdu. L’on peut comprendre qu’ils ne se sentent pas tenus de s’assoir à la table des négociations.
Mais, malgré notre grande sympathie pour les jaunes et bleus, il faut bien évoquer les problèmes logistiques auxquels ces troupes seront confrontées et les solides lignes de défense mises en place par les Russes.
Le soutien occidental à une longue guerre d’usure pourrait s’estomper progressivement. N’oubliez pas à cet égard que la majorité de la Chambre des représentants aux États-Unis passera (selon toute vraisemblance) au parti républicain, ce qui rendra (encore) plus difficile la tâche du président J. Biden de lever des moyens budgétaires pour cette guerre. La majorité républicaine ne manquera pas en effet d’invoquer le plus vite possible le plafond de l’endettement comme arme politique contre les démocrates.
Ici aussi, nous sommes habités par un sentiment de déjà-vu, en pensant à la plaine de l’Yser pendant la Grande Guerre. La proposition d’arrêt des hostilités avancée par l’Allemagne, moyennant la conservation des territoires conquis dans le nord de la France et la Belgique, avait été rejetée fermement. Pour l’Ukraine, il est presque impossible également d’accepter de céder ses provinces orientales à la Russie.
Presque impossible… À moins d’estimer avec réalisme les efforts militaires nécessaires pour reconquérir ces territoires et, à titre de compensation, de mettre un plan Marshall gigantesque, financé par l’Occident et la Chine, à la disposition de l’Ukraine pour sa reconstruction.
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