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Économie 1: Fed 0
9 décembre 2022
Malgré une série de tacles brutaux, qui méritaient tous un carton rouge, la Réserve fédérale n’a pas réussi à ralentir la croissance économique. Avec le consommateur américain, un marché du travail costaud sur les flancs et le secteur des services[i] comme attaquant profond, l’économie continue de marquer des points et la défense peut s’appuyer sur une industrie remarquablement résiliente et des investissements publics soutenus.
Les dernières statistiques du chômage (publiées le 2 décembre) indiquent une solide progression du nombre de nouveaux emplois qui, avec une création d’emplois de 263 000 unités (!) en novembre, dépasse (de nouveau) largement les attentes initiales et laisse peu de place à l’argument selon lequel le marché du travail américain succombera dans un avenir proche à la violence des hausses de taux d’intérêt pratiquées par la banque centrale depuis mars 2022.
Si l’on cherche des fissures sur le marché du travail, on constate tout au plus que le nombre d’offres d’emploi stagne et que le phénomène du « job hopping » a dépassé son pic. Ce sont deux éléments qui accélèrent la masse salariale, ce que nous préférerions ne pas voir se produire en ce moment. Toutefois, les derniers chiffres montrent que la croissance des salaires d’une année sur l’autre continue d’augmenter, et ce à un rythme accéléré. C’est une mauvaise nouvelle, car c’est précisément le taux de croissance modéré des salaires qui a rendu l’inflation élevée plus ou moins acceptable, malgré le niveau inquiétant de la hausse générale des prix.
L’optimisme généré en novembre, suite à l’étonnamment légère progression des indicateurs de prix CPI, PPI et PCE, s’est rapidement transformé en une série de baisses consécutives sur la plupart des marchés boursiers. Il ne reste maintenant plus qu’à attendre la publication des nouveaux chiffres clés sur l’évolution récente des prix de détail (CPI) le 12-12, précédée par celle des prix de gros (PPI) le 09-12.
À plus long terme, le potentiel de baisse de l’inflation ne fait guère de doute. La plupart des prix des produits de base et des denrées alimentaires sont aujourd’hui nettement inférieurs au niveau qui prévalait juste avant l’invasion. Le prix du pétrole est même encore plus bas qu’il y a un an. Toutefois, cette évolution favorable ne se répercutera sur les prix à la caisse qu’avec un certain retard. Entre-temps, les prix du gaz restent relativement élevés et, à l’approche de l’hiver, il ne faut pas compter sur une grande compassion.
Pourtant, bien que cela soit sur une période de 12 mois, le taux d’inflation global aux États-Unis et dans la zone euro pourrait même baisser de 4 % ou plus. Mais ces prévisions sont insuffisantes pour inciter les banques centrales à adopter dès à présent une attitude plus accommodante. Actuellement, nous sommes déjà plus que satisfaits de la perspective que la Fed dévie légèrement la trajectoire de hausse de son taux directeur. Cela implique que le rythme du récent quatuor de hausses de 75 points de base sera ramené à un demi pour cent en décembre.
Mais même dans ce cas, il faut rester prudent car le 14 décembre (jour de la réunion du FOMC de la banque centrale américaine), les derniers chiffres de l’inflation pour le mois écoulé seront déjà connus. Dans la mesure où ceux-ci sont suffisamment proches des attentes actuelles, une augmentation de 50 points de base est un point de départ plausible. Toutefois, la grande inconnue reste de savoir à quel niveau la Fed mettra fin à ses activités l’année prochaine. Dans le scénario actuel, une nouvelle hausse est prévue en février et mars 2023, d’un quart de pour cent à chaque fois.
L’économie américaine y survivra, mais la question reste ouverte de savoir si l’affaiblissement cyclique attendu (et inévitable) en 2023 prendra la dimension d’une récession généralisée ou sera plutôt de nature légère. Cette dernière possibilité est certainement envisageable, compte tenu de la vigueur persistante du marché du travail et du maintien des dépenses de consommation des consommateurs américains.
Ne perdez pas de vue à cet égard que, malgré l’indéniable resserrement monétaire, la politique fiscale reste très expansionniste. Les dépenses publiques continuent d’augmenter et, avec la prochaine élection présidentielle à l’horizon, l’administration Biden sera peu encline à se contenir. Les Républicains vont sans doute freiner, mais n’oseront pas non plus aller trop loin de peur de devenir le bouc émissaire responsable d’une profonde récession économique en 2024.
La BCE ne sera que trop heureuse de voir quelque peu baisser la pression sur la marmite des taux d’intérêt. Si la banque centrale américaine se contente de moins de hausses de ses taux directeurs, le joug monétaire dans la zone euro deviendra lui aussi moins lourd à porter.
Par ailleurs, nous continuons d’être agréablement surpris que les économies européennes aient réussi à tenir bon malgré les conditions très défavorables. Cette surprise explique peut-être en partie l’évolution relativement favorable des marchés boursiers européens au cours des dernières semaines.
Graphique 1 : Évolution de l’indice d’actions et de l’indice d’obligations dans la zone euro par rapport à l’indice mondial pour les actions
Il convient de noter en particulier que les prix des obligations à long terme ont réussi à se hisser hors du marasme au cours du mois dernier, certes laborieusement, mais avec de forts encouragements (y compris de notre part).
Au cours du mois dernier, les taux d’intérêt sur les obligations européennes (dans la zone de 7 à 10 ans) ont baissé de 63 points de base en moyenne[ii]. Un tel mouvement représente une hausse de 5 % des prix des obligations dans la zone euro. On ne peut que s’en réjouir, après les pires pertes de cours de mémoire d’homme, mais il reste encore 14 % (!) pour compenser la perte survenue depuis le début de cette année maudite.
Pendant ce temps, la Chine tente également de se sortir du gouffre par ses propres moyens. Un gouffre que le gouvernement chinois a lui-même creusé, après une série de faux pas politiques dus principalement à une forte dose de surestimation de soi et d’obstination. Un certain nombre de mesures économiques restrictives ont été récemment réduites (notamment dans le secteur de la construction), tandis que la politique « zéro Covid » étouffante est également assouplie.
Nous restons sceptiques quant à l’avenir immédiat de la Géante Rouge. Tout cela ressemble trop à l’une des histoires rocambolesques du Baron de Münchhausen[iii], qui prétendait s’être sorti des sables mouvants en tirant sur ses propres cheveux. En particulier, la suppression progressive des restrictions imposées par le Covid est un pari risqué, vu la concentration de la population dans les grandes villes et la faible couverture vaccinale (essentiellement des personnes âgées) dans les zones rurales.
Par conséquent, en ces jours sombres avant Noël, il reste difficile de prévoir les perspectives immédiates sur les marchés financiers. Une fois les derniers obstacles franchis (dans ce cas, les chiffres de l’inflation de décembre), les choses pourraient devenir un peu plus simples.
Mais comme le physicien nucléaire danois Niels Bohr nous l’a déjà dit il y a longtemps : les prévisions restent toujours difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir.
[i] Les dernières prévisions conjoncturelles de l’ISM montrent que la croissance du secteur des services va encore s’accélérer au cours des prochains mois. En revanche, les secteurs industriels retombent à une croissance quasi nulle. Mais même cela est un chiffre élevé compte tenu du contexte actuel.
[ii] Au cours du mois dernier, les taux d’intérêt à long terme ont baissé d’un demi pour cent en Belgique et de 80 points de base en Italie et aux États-Unis.
[iii] Un noble allemand fictif, que l’on situe quelque part à la fin du XVIIIe siècle, et qui, selon ses propres dires, a combattu en Russie contre les Turcs et a ensuite gagné sa vie en racontant des histoires extraordinaires sur ses mésaventures.
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