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Le calme après la tempête
27 janvier 2021
Les marchés financiers ont attendu jusqu’aux toutes dernières minutes du règne de la terreur de Trump pour lancer un feu d’artifice et donner une suite au rally boursier : un puissant mouvement de rattrapage qui a réussi à se développer dans les mois les plus sombres de 2020, après qu’il est apparu clairement que tous les gouvernements dans le monde mettraient tout en œuvre pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie.
Et cette lutte se fait littéralement à n’importe quel prix. Il ne fait pas de doute que la politique menée conduira à des déficits budgétaires croissants, nourris par les remboursements de cet endettement colossal, ou à une vague (limitée) d’inflation. Mais cette dernière prouverait simplement que les mesures fiscales et économiques prises ont atteint l’objectif visé. Il arrive que vous deviez vous endetter sans compter lorsque l’ennemi frappe lourdement à la porte. Ainsi, le Royaume-Uni n’a remboursé que le 31.12.2016 (!) la dernière tranche de son emprunt de guerre. Mais sans la décision courageuse de Churchill de contracter cette dette immense, nous nous soûlerions tous au jus de choucroute[1]…
Entre-temps, comme l’on pouvait s’y attendre, la Maison-Blanche a bénéficié de bons coups de balai. Le nouveau président fait en tout cas souffler l’espoir d’une amélioration des relations internationales, d’une réduction des tensions domestiques, de davantage de stabilité et d’une force tranquille qui émanera de la mandature de l’homme le plus puissant de la planète. Finis les tweets irréfléchis d’un président impulsif en robe de chambre…
En jetant un dernier regard sur le dos du président sortant et les semelles rouges des chaussures élégantes de son épouse, nous sommes heureux de prendre congé de l’un des personnages les plus étranges de la politique américaine. Les historiens tremperont leur plume dans le vitriol lorsqu’ils émettront un jugement final sur sa présidence. Mais il ne devrait pas figurer au sommet de la liste des plus mauvais présidents. Ce déshonneur revient toujours à James Buchanan[2] (1857-1861) qui pouvait, mais n’a pas voulu, éviter la guerre de Sécession américaine. Par contre le teigneux Andrew Johnson (1865-1869) et le sulfureux Warren Harding (1921-1923) voient leurs places sur le podium menacées par l’irascible Trump.
Nous sommes cependant particulièrement reconnaissants au président sortant. Et nous nous empressons bien entendu de préciser notre point de vue à cet égard. Démontrer en effet clairement tout ce qu’il ne faut pas faire est souvent plus instructif que d’essayer bravement, mais vainement, de montrer le bon exemple.
Et Trump est passé maître dans cet art. Nous lui devons d’avoir pu observer de près comment le président d’une démocratie peut rapidement se muer en dictateur, amoureux de sa propre image et réfractaire ainsi à toute autocritique. Cette combinaison funeste de traits de caractère ne pouvait que mener à des relations conflictuelles avec la presse.
Mais nous ne voulons pas non plus tomber dans la caricature. Certes, ce serait un peu court de mesurer la politique d’un président au résultat des bourses ou sur la base de statistiques économiques. Mais tout de même, Trump a incontestablement quelques réalisations à son actif. On n’obtient en effet pas par hasard quelque 74 millions de voix aux États-Unis au milieu d’une récession économique, sur fond de pandémie qui ravage tout le pays.
Graphique 1 : Évolution boursière durant l’administration Trump. Return net en euros.
Au cours des trois premières années de sa présidence, il a réussi à accélérer le cycle économique et à le rallonger pour en faire la plus longue période de croissance de mémoire d’homme. Le chômage est tombé à un plancher historique et les bourses d’actions ont connu leur plus long cycle haussier de l’histoire financière. Bien entendu, Trump le doit également à ses prédécesseurs et à la nécessaire part de chance.
Il a par ailleurs osé s’interroger ouvertement sur la politique migratoire antérieure, en y apportant cependant des réponses inhumaines et irréalisables. Le conflit commercial qu’il a déclenché avec la Chine sombre à présent dans le ridicule, mais n’oubliez pas trop vite que l’opposition démocrate a également soutenu explicitement cette politique, parfois dans un langage encore plus ferme.
Malgré sa coiffure improbable, il n’avait pas tout à fait tort d’accuser la presse de diffuser régulièrement des fake news. Mais de tels médias ont beaucoup de pouvoir. Alors, qui sème le vent récolte… la tempête. Des journalistes influents de CNN, du New York Times et du Washington Post n’ont donc pas manqué de le clouer au pilori à intervalles réguliers.
La joyeuse entrée de Joe Biden en qualité de 46e président américain a donné l’occasion aux bourses de se réjouir. Reste à savoir si les nouveaux niveaux record des cours des actions sont solidement arrimés. On le découvrira dans les semaines qui viennent. Nous nous situons en effet au début de la saison des résultats des entreprises et, contrairement aux deux trimestres précédents, les attentes sont cette fois très élevées. La moindre déception relative à ces résultats relatifs au 4e trimestre de 2020 ou des perspectives moroses pour les prochains mois sont susceptibles de secouer les marchés.
Pour l’heure, avec à peine 13 % des résultats connus, il est difficile de dégager une tendance sur la base des chiffres déjà publiés aux États-Unis. Des résultats plus faibles qu’attendu ont conduit dans certains cas à de meilleures performances, et inversement. Mais c’est peut-être dû au hasard. La publication des bénéfices des grands groupes apportera plus de clarté à cet égard dans les prochains jours.
Ce n’est pas un hasard non plus si ces entreprises géantes (qui affichent une grande stabilité dans leurs bénéfices) sont de retour sous les projecteurs. Cela fait en effet déjà 12 trimestres d’affilée que les « 5 grands » [3]enregistrent un rythme de croissance (nettement) plus élevé que le reste du marché. Après quelques mois passés au purgatoire, tous les regards semblant s’être alors tournés vers les petites entreprises, Apple, Amazon et Microsoft se sont remis à faire la course en tête.
Entre-temps, le virus ne cesse de se réinventer pour nous frapper. Et à propos de la prochaine vague de contaminations, nous ne nous sommes jamais voilés la face. Nous n’avons pas oublié l’histoire de l’aïeul de ce virus, lorsque des millions de victimes sont tombées lors de l’offensive finale de la grippe espagnole en 1919. Lors d’une première épidémie réussie, le virus a en effet l’occasion de procéder à des milliards de mutations, ce qui accroît la probabilité qu’il en surgisse un variant plus performant pour frapper lors d’une deuxième ou d’une troisième vague de contaminations.[4]
Les mesures de confinement n’ont qu’un impact limité sur la progression des infections virales et ont un coût économique disproportionné. Mais il n’existe pas de solution de rechange tant que le taux de vaccination n’aura pas atteint un niveau suffisant. On pourrait dès lors s’attendre à ce que nous mettions entretemps toutes nos forces dans la bataille avec les moyens du bord.
Mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Nous semblons très lents à tirer les leçons de nos déconvenues précédentes, comme le temps pris à instaurer des restrictions de voyage vient encore de le démontrer. En mars 2020, nous nous étions déjà montrés très laxistes à l’encontre des personnes qui faisaient passer leurs voyages d’agrément avant la santé publique. Depuis lors, les tensions sociétales vont crescendo, ce qui mènera certainement à des oppositions plus frontales dans les mois qui viennent, lorsque les personnes vaccinées seront toujours plus nombreuses à refuser les mesures de restriction sociale visant à protéger les personnes non vaccinées. Une situation potentiellement intenable.
Qu’il s’agisse de pandémies ou d’implosions financières, les règles sont similaires pour toutes les crises systémiques. Limitez la corrélation et n’autorisez surtout pas une concentration. La première injonction consiste à limiter au strict nécessaire les interactions humaines. Et la seconde implique d’éviter les événements de masse. Donc aucun festival tant que plus de 70 % de la population ne seront pas vaccinés. Dans de telles circonstances, le fait que certains espèrent encore organiser les Jeux olympiques laisse songeur. Ce serait en tout cas un très mauvais exemple.
Le virus tire parti de chacun de nos manquements. Il est passé maître dans l’art de profiter du manque de cohésion et de discipline de l’espèce humaine.
Les marchés financiers s’intéressent cependant surtout aux nouveaux stimulants économiques et à l’extrême faiblesse des taux d’intérêt. Ils regardent au-delà des agissements humains sans queue ni tête et préfèrent tabler sur l’hypothèse que le vaccin sera suffisamment efficace au second semestre de l’année.
D’ici là, nous nous en tenons à nos thèmes de prédilection : nous privilégions la technologie, les grandes valeurs générant un flux de bénéfices stable et prévisible et les entreprises ayant développé de fortes activités en ligne. Tout cela épicé d’entreprises industrielles de qualité en anticipation du prochain redressement économique. À cet égard, l’accent géographique reste mis sur la Chine, l’Inde et la moitié nord de l’Europe. Mais nous accordons toujours une première place aux États-Unis qui, grâce à leur composante technologique en bourse, offre bien plus de résistance que la zone UEM.
[1] Nous adressons également nos remerciements à l’engagement militaire russe et américain et au Congrès américain pour avoir approuvé l’octroi de ce prêt.
[2] C’est d’ailleurs le seul célibataire ayant jamais séjourné à la Maison-Blanche.
[3] Amazon, Apple, Microsoft, Google et Facebook.
[4] Dans le même temps, ce variant coupe aussi l’herbe sous le pied d’autres versions mutées du virus. Ce qui annonce à terme la fin de la pandémie.
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