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We shall overcome
8 novembre 2019
Cette profession de foi se retrouvait en filigrane de nos commentaires de ces derniers mois. Et, au vu des récentes performances des marchés d’actions, nous avions raison de nous montrer optimistes. Malgré les menaces géopolitiques, la plupart des indices boursiers ont atteint de nouveaux niveaux record, surtout aux États-Unis, mais aussi en Europe. De ce côté-ci de l’Atlantique, il ne s’agit cependant que d’un « plus haut » sur ces 4 dernières années. Les indices européens sont en effet encore éloignés de 10 % de leur niveau précédant la grande crise de 2008. Pour mieux comprendre, précisons que l’indice affiché en vert concerne la zone euro, exprimé en termes de « prix ». En revanche, l’indice « return » (qui intègre les dividendes distribués) avait dépassé son niveau pré-crise dès la fin de 2013.
Graphique 1 : Indices prix et return du MSCI zone euro
Comme on le voit, les performances des marchés d’actions américains ont été nettement supérieures à celles des bourses européennes au cours de ces 10 dernières années. Cela s’explique, d’une part, par le poids plus élevé des banques dans l’indice européen et, d’autre part, par la croissance économique (beaucoup) plus lente sur le Vieux continent. Cette seconde raison découle bien entendu aussi du redressement difficile de l’Europe après la crise financière en 2008 et de la grave déstabilisation de la zone euro qui en a résulté en 2011.
Aux États-Unis, les indices S&P et Nasdaq avaient déjà battu depuis quelque temps leurs records précédents. Mais, c’est au tour à présent de l’indice Dow Jones (plombé par la tragédie chez Boeing) de dépasser son sommet absolu antérieur. Les cours des actions de cet indice réputé pour ses bonnes performances continuent donc à prendre de la hauteur.
Quoique… La valeur originelle de cet indice « prix » était de 40,94 points en 1896. Le 7 novembre 2019, elle a atteint le niveau stratosphérique (apparent) de 27 674,8 points. Le rendement annuel ne s’élève cependant « qu’à » 5,35 % en termes nominaux, soit un modeste 2,5 % après l’avoir corrigé de l’inflation. Tout bien considéré, la rémunération est modique pour le risque encouru.
La véritable force du marché d’actions américain ne s’exprime que si on y rajoute (à juste titre) les dividendes versés (et réinvestis). L’indice « return » qui en résulte affichait ainsi 3 207 816 points le 07.11.2019, ce qui traduit un rendement annuel de 9,26 % en termes nominaux ou de 6,4 % en termes réels. Le pouvoir d’achat d’un investisseur en actions a donc été multiplié par 2 500. Les marchés ont-ils encore du grain à moudre ?
Remarquons tout d’abord que ces performances record récentes ont été réalisées dans un contexte étonnant à première vue. Actuellement, l’économie mondiale pâtit en effet des tensions du conflit commercial sino-américain, sur fond de climat géopolitique chargé de menaces.
Entre-temps, il est vrai que les banques centrales ont continué à réduire leur taux directeur respectif en Europe, en Chine et aux États-Unis, ce qui s’est traduit par une baisse des taux d’intérêt à long terme. Cette dernière évolution a toujours soutenu les bourses d’actions (et bien entendu aussi les marchés obligataires). Les primes de risque attendues sont restées relativement élevées, ce qui offre aux investisseurs, malgré un contexte sombre, un matelas de sécurité par rapport aux risques futurs. Observons de surcroît que la mesure du risque sur les marchés financiers, à savoir l’indice de la volatilité, n’a augmenté que très légèrement.
Par ailleurs, les chiffres encourageants sur l’évolution attendue de la composante industrielle de l’économie américaine ont atténué les craintes de voir le secteur manufacturier américain continuer à ralentir. Les statistiques récentes pointent cependant toujours la poursuite de l’affaiblissement de ce secteur. Mais l’évolution négative de l’indice le plus fiable à cet égard, à savoir l’indice ISM, a sans doute été accentuée par la longue grève chez GM. Depuis lors, le travail a repris chez le constructeur automobile. Mais cet événement a pesé lourdement sur l’activité économique dans l’État du Michigan, dont la pondération dans l’indice est disproportionnée.
En réalité, le contexte financier global est favorable depuis plusieurs semaines : les taux d’intérêt sont bas, la banque centrale est vigilante, l’inflation ne dérape pas, les primes de risque sont généreuses et les résultats des entreprises dépassent les attentes de plus de 4,5 % (en affichant, il est vrai une grande dispersion). Tous les ingrédients étaient donc réunis pour nous livrer un nouvel épisode de ce feuilleton de plus de 200 ans qui met en vedette le marché des actions. L’évolution boursière n’est certes pas un long fleuve tranquille. Mais c’est généralement le beau temps qui domine, interrompu parfois par quelques solides bourrasques et de petites périodes de glaciation.
En dépit des déconvenues économiques et politiques et des noirs présages des prophètes de malheur, l’optimisme finit toujours par vaincre.
Cette fois, il s’est surtout nourri du dégel des relations entre les États-Unis et la Chine. Pour éviter une récession sur ses terres, le président américain a préféré relâcher la pression sur Pékin. Il est vrai que les États-Unis risquaient aussi à terme de perdre ce bras de fer, ce qui aurait mis en péril la réélection de Trump en 2020. La Chine comme les États-Unis ont ainsi annoncé leur intention de réduire progressivement leurs droits de douane mutuels après la signature de la phase 1 de l’accord. On appelle cela :Roll back.
Nous n’en demandons pas plus : c’est la fin de l’escalade et de plusieurs taxes d’importation pénalisantes. Les deux parties adoptent une position raisonnable. Il est probable qu’aucune percée définitive n’intervienne plus tard. Les deux camps auraient trop à perdre.
À présent, les marchés financiers tablent, avec une probabilité de 70 %, sur une signature à brève échéance de l’accord (partiel). En cas d’échec, les Bourses devraient subir une correction de quelque 10 %. Pas immédiate, mais étalée sur quelques semaines, jusqu’à ce que le dernier espoir ait disparu. Cela signifie qu’une issue positive pourrait encore faire grimper les cours des actions de quatre pour cent environ.
Les cours sur les marchés financiers reflètent toujours les probabilités d’un scénario déterminé. En l’espèce, une évolution du niveau de probabilité peut donc faire fluctuer les prix des actions. Ainsi, les marchés ont été pris d’un coup de froid il y a quelques jours lorsqu’on évoquait un report de la signature (éventuelle) de l’accord. Mais ils se sont vite redressés à la lecture des commentaires constructifs des autorités chinoises.
Il faut en tout cas éviter toute nouvelle surenchère dans la guerre des tarifs douaniers avant le 15 décembre, sinon les nouvelles taxes d’importation aux États-Unis entreront bel et bien en vigueur, ce qui ne manquerait pas de déclencher une riposte des Chinois.
En définitive, le meilleur thermomètre de l’évolution de cette situation complexe et peu transparente est le taux de change du yuan. Il joue la fonction du canari dans une mine de charbon. Ainsi, une dépréciation rapide de la monnaie chinoise traduirait une dégradation des perspectives de conclusion d’un accord. Les autorités chinoises chercheraient ainsi à compenser une dégradation de leur position commerciale par une devise plus faible par rapport au dollar américain. Mais, jusqu’ici, aucun signe ne va dans ce sens. Le cours de change de la monnaie chinoise oscille autour de 7 yuans pour un dollar. Et ce n’est sans doute pas le fruit du hasard.
Graphique 2 : Cours de change yuan/dollar US
Les Bourses européennes ont suivi avec fougue la voie haussière tracée par leurs homologues américaines. Une telle progression des actions européennes est cependant quelque peu prématurée, voire factice. Même si quelques indicateurs pointent un léger dégel de la situation économique. Ainsi, les indices des directeurs d’achat (PMI) dans les pays au cœur de la zone euro semblent se redresser après avoir atteint un plancher. Leur évolution est surtout encourageante en France. L’Allemagne a connu également une reprise surprenante de ses exportations. La phase aiguë de la contraction industrielle semble donc derrière nous.
Notre moral reste toutefois plombé par le constat que la politique monétaire européenne n’agit plus et que tout nouvel assouplissement ne serait donc plus d’aucun secours. La relance économique devra donc venir d’une politique budgétaire expansionniste. On attend dès lors de la nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE) qu’elle prenne le taureau par les cornes et réussisse à convaincre le gouvernement allemand d’autoriser l’Union européenne (UE) à lâcher la bride budgétaire. Ce faisant, les États membres pourraient relancer les investissements publics et sortir ainsi leur économie de l’ornière.
La probabilité que les Spartiates teutons à Berlin y consentent est sans doute aussi faible que le potentiel de vente d’abonnements aux matchs à domicile du RSC Anderlecht dans un local de supporteurs du Club Brugge.
Pour justifier son inflexibilité, l’Allemagne invoquera certainement la stabilisation de la zone euro qui a suivi les mesures restrictives de l’UE après la débâcle de 2011. L’union monétaire avait vécu en effet une crise existentielle qui lui a été presque fatale. Les marges budgétaires qui avaient été octroyées auparavant avaient servi en effet à financer de folles dépenses électoralistes et des travaux d’infrastructures inutiles.
Entre-temps, les différentiels de taux entre les divers États membres et l’Allemagne se sont fortement réduits, malgré les taux d’intérêt à long terme négatifs outre-Rhin.
Graphique 3 : Évolution de l’écart entre les taux espagnols, italiens et portugais et les taux allemands
Les taux des obligations d’État espagnoles et portugaises se rapprochent à nouveau de leur niveau pré-crise. La différence entre les taux italiens et allemands s’est stabilisée au niveau atteint avant la rébellion de Salvini. Ces développements (favorables) ne doivent pas nous faire oublier que le niveau général des taux est légèrement trop bas à nos yeux et qu’ils pourraient augmenter en Europe lorsque le différend commercial entre les États-Unis et la Chine sera résolu.
Remarquons également l’évolution positive des taux d’intérêt à long terme en Grèce. Même comparativement à la faiblesse des taux en Allemagne, la Grèce a réussi à faire baisser les siens sensiblement. Nous étions les seuls à l’époque à vous faire entrevoir un tel scénario…
Graphique 4 : Évolution du différentiel de taux entre la Grèce et l’Allemagne
S’agissant de notre allocation d’actifs, nous avons augmenté légèrement le poids des actions compte tenu des facteurs évoqués plus haut : probabilité accrue d’une issue favorable au conflit commercial, faiblesse persistante des taux d’intérêt, résultats des entreprises meilleurs que prévu, reprise des secteurs industriels américains et rebond présumé de l’économie européenne. En contrepartie, nous avons réduit (légèrement) la part des obligations d’État.