- Votre choix linguistique sera sauvegardé.
- Votre agence sera enregistré.
- Votre session est sécurisée.
- Vous verrez la version standard de notre site web. Le contenu n'est pas adapté à vos préférences.
Nous poursuivons notre route sur le sentier radieux
3 janvier 2020
Les dernières heures de 2019 ont conclu non seulement une année boursière remarquable mais également une décennie que nous n’oublierons pas de sitôt.
L’an dernier, l’évolution des cours des actions, enregistrant record sur record, nous a permis ainsi de ranger au rayon des mauvais souvenirs les performances décevantes des marchés à la fin de 2018. En réalité, les bourses mondiales ne pouvaient que se redresser fortement dans la mesure où l’enthousiasme boursier de l’automne 2018 avait été gâché complètement, et sans aucune raison, par l’attitude invraisemblable de la banque centrale américaine(1).
Comme si cela ne suffisait pas, de nombreux grands patrons avaient accentué la spirale négative en profitant de ce climat boursier pessimiste au quatrième trimestre de 2018 pour revoir à la baisse leurs prévisions de bénéfices. Histoire de réduire la pression sur leurs épaules. Et de surprendre agréablement par la suite…
Mais nos lecteurs n’étaient pas dupes. Ils savaient que ce n’était qu’un mauvais moment à passer.
Graphique 1 : Évolution de l’indice mondial des actions (MSCI Monde en euros, y compris les dividendes nets)
Un renversement de tendance était en effet en gestation. Ainsi, les entreprises américaines ont annoncé des résultats nettement meilleurs que prévu lors des trois premiers trimestres de 2019 et le président de la banque centrale précitée a fini par analyser plus finement la situation, ce qui l’a amené, l’an dernier, à procéder à trois baisses consécutives du taux d’intérêt directeur.
La politique monétaire des États-Unis se rapprochait ainsi de celle menée dans la zone euro, même si le taux directeur américain reste, en termes relatifs, à une hauteur stratosphérique par rapport au taux de dépôt européen. L’an dernier, le taux directeur de la BCE n’a été réduit qu’une seule fois (et, selon toute vraisemblance, pour la dernière fois) de 10 points de base symboliques. Cette intervention, toute modeste qu’elle fut, n’en a pas moins nécessité des mesures compensatoires pour ne pas mettre plus encore en péril la rentabilité des banques européennes.
Graphique 2 : Taux directeurs des banques centrales américaine et européenne.
insi, du fait de la position fragile du secteur financier européen, l’économie du Vieux continent ne peut plus compter sur de nouvelles impulsions monétaires. La relance de la croissance économique doit passer par des mesures budgétaires. Mais cette voie ne bénéficie pas d’un consensus politique suffisant dans la mesure où une telle action aurait pour effet de creuser les déficits publics.
Les impulsions monétaires de la Réserve fédérale ont en tout cas été très appréciées sur les bourses mondiales, qui ont ainsi enregistré des gains substantiels. Pour vous en donner une meilleure idée : la hausse de l’indice S&P Composite en 2019 a accru le patrimoine des investisseurs de 5.900 milliards de dollars US.
La banque centrale chinoise a fourni également à la deuxième plus grande économie du monde des liquidités considérables, non pas en réduisant ses taux directeurs, mais en diminuant systématiquement les ratios de réserve bancaires. Plus bas sont fixés ces ratios, plus grande est la capacité des banques à octroyer des crédits. La baisse la plus récente des ratios de réserve bancaires, intervenue le 02.01.2020, fournit aux entreprises chinoises des fonds additionnels de quelque 115 milliards de dollars US (convertis). Apparemment, le président du Parti communiste, Xi, veut écarter tout risque de ralentissement de la croissance économique, même s’il a déjà conclu un accord commercial (provisoire) avec les États-Unis. C’est une bonne nouvelle.
Graphique 3 : Ratios des réserves bancaires en Chine
Si l’année boursière 2019 s’est avérée merveilleuse, la décennie écoulée a également été marquée par de solides returns pour les actions. Comme toujours, ce mouvement haussier a été émaillé de nombreux chocs et reculades spectaculaires. On pense à la douche froide après le référendum sur le Brexit, à la chute des valeurs technologiques chinoises et à l’élection inattendue de Trump à la présidence des États-Unis. À chaque fois, nous avions souligné que les marchés financiers en exagéraient la portée et que la baisse des cours qui en résultait offrait en réalité de nombreuses opportunités.
Au final, la décennie écoulée a présenté une évolution diamétralement opposée à celle de la période 2000-2009. Les 10 premières années de ce siècle, encore jeune, n’avaient en effet guère souri aux marchés financiers. Vous nous pardonnerez cet euphémisme pour décrire une décennie marquée par des returns boursiers calamiteux : en moyenne -3,6 % en base annuelle(2).
Graphique 4 : Comparaison des évolutions des cours de l’indice mondial des actions respectivement durant les périodes 01/2000-12/2009 et 01/2010-12/2019
Sur toute la décennie, les marchés ont donc encaissé une perte cumulée de -30 %. Ce n’est pas vraiment la performance à laquelle nous nous attendions au moment d’entrer dans le nouveau millénaire. La chute des actions, provoquée par une série de revers et d’explosions de bulles spéculatives, s’était accompagnée de surcroît d’une volatilité très élevée(3). Une telle déconfiture étalée sur 10 ans se produit de temps à autre, mais reste tout de même exceptionnelle, surtout dans cette ampleur. À l’entame de la nouvelle décennie, en 2010, peu de monde osait encore investir un centime dans le marché des actions.
Mais nos lecteurs le savaient déjà bien à l’époque. Très bien même.
Les performances décevantes de la décennie précédente ne s’expliquaient en effet que par deux coups très durs : la dégringolade spectaculaire des valeurs technologiques en 2001-2002, suivie peu de temps après, par la débâcle du secteur financier en 2008, ce qui a donné au malaise boursier des formes épiques.
Dans les deux cas, et pour une partie importante des actions, la chute était(4) tout à la fois exagérée et injustifiée. Il suffisait donc de s’armer de (beaucoup de) patience pour voir les prix revenir à des niveaux conformes à leur valeur réelle. C’est à ce moment-là, sans doute, que s’est présentée l’opportunité financière de ce siècle…
Les nouvelles technologies ont fini en effet par apporter ce qu’on attendait d’elles au départ. Certes, cela ne vaut pas pour toutes les entreprises, mais quelques valeurs en vue l’ont réalisé au-delà de toute espérance. La révolution des technologies de l’information et de l’automatisation a généré – surtout aux États-Unis – un progrès substantiel de la productivité, dont l’ampleur n’avait plus été observée depuis les légendaires années 1960. À l’avenir, il sera difficile d’égaler une telle croissance de la productivité et des marges bénéficiaires.
Mais on nous le disait aussi dans les années 1980 et 1990, et – ah oui – comme on nous prédisait aussi l’imminence de la fin du monde. Au cours de la décennie qui vient, nous connaîtrons peut-être une percée dans la technologie des batteries et de l’hydrogène, ce qui permettra de fournir de l’énergie beaucoup plus efficacement et meilleur marché, y compris dans les territoires reculés de cette planète. Power to the people.
La crise financière a été provoquée par les excès de la réglementation bancaire qui avait été instaurée peu de temps auparavant et qui avait poussé à l’extrême les leviers financiers du système bancaire à partir de 2004 et 2005. Les interventions très malheureuses des politiciens américains durant la campagne de l’élection d’Obama, qui avaient laissé une banque tomber en faillite sans prévoir de mesures d’accompagnement, ont constitué l’allumette qui a fait flamber un paysage financier prêt à s’embraser à la moindre étincelle.
Après avoir analysé les causes de la crise et mis en œuvre les mesures de redressement nécessaires, le terrain était mûr pour de substantielles hausses boursières.
Les autorités américaines ont pris en effet très rapidement le taureau par les cornes. Elles ont injecté des liquidités en masse dans le système bancaire et organisé des tests de résistance crédibles, ce qui a permis de restaurer progressivement la confiance. Les pommes pourries ont été retirées du système et l’économie s’est redressée (de manière spectaculaire encore bien). Ce faisant, les autorités américaines ont réussi à assurer la continuité et la rentabilité des entreprises et à remettre le secteur bancaire sur les rails d’une croissance durable.
Quel contraste avec la politique menée alors (et encore actuellement) en Europe ! Le Vieux continent reste paralysé par ses querelles tribales séculaires et semble préférer les débats caricaturaux à l’élaboration de mesures efficaces. Toutes les banques, sans distinction, ont été sauvées par l’argent du contribuable. Pour certaines, c’était justifié, pour d’autres, pas du tout.
Ce sauvetage général n’a donc pas permis de remédier aux maux du secteur bancaire européen. Résultat : les banques ne sont pas sorties de la crise plus saines ou plus rentables qu’elles y étaient entrées(5). Le manque de liquidités dans le système financier a déclenché ensuite une crise immobilière et la poursuite du ralentissement économique a miné les finances publiques des États membres les plus faibles de la zone euro.
Il en a résulté une véritable crise existentielle de la zone euro en 2011. Les économies européennes étaient au bord de l’effondrement. Une implosion de la zone euro a finalement été évitée. Et on le doit à la seule intervention courageuse de la BCE le 2 novembre 2011. La diffusion du communiqué de la BCE, annonçant une injection massive de liquidités, a réussi à transformer en optimisme le désespoir qui nous habitait jusque là. Entre-temps, trois années cruciales avaient été perdues par rapport aux États-Unis. Outre Atlantique, le marché haussier (bull run) avait démarré en mars 2009 et l’économie connaissait déjà une belle croissance.
Le secteur bancaire européen ne s’est jamais rétabli de la crise de 2008, contrairement à son homologue américain. Les actions bancaires en Europe cotent toujours à moins de 60 % de leur valeur comptable, alors que les bénéfices bancaires aux États-Unis sont supérieurs actuellement de quelque 350 % à ceux des banques européennes, par rapport à leurs niveaux en 2000. Cela explique bien entendu la sous-pondération structurelle que nous appliquons aux banques européennes dans notre stratégie d’investissement.
Graphique 5 : Évolution des bénéfices bancaires aux États-Unis et en Europe par rapport à leurs niveaux en 2000
Nous continuons à privilégier la technologie américaine, même si les entreprises européennes méritent à présent plus d’attention de notre part en raison de leur valorisation bon marché. Le conflit commercial étant en voie d’apaisement, les pays émergents retrouveront un certain attrait. Nous pourrons donc leur réserver une place plus importante dans nos portefeuilles. Nous continuons à cet égard à mettre l’accent sur la région asiatique.
Mais les bourses américaines avaient à peine clôturé de manière étincelante leur première séance de l’année, le 2 janvier, sa valeur phare Apple réussissant même à passer au-dessus de la barre des 300 dollars, que le monde se réveillait en apprenant une dangereuse escalade dans le conflit américano-iranien. Ainsi, un conflit géopolitique a chassé l’autre. Rien de neuf sous le soleil. La nouvelle décennie n’échappera pas à la règle.
L’élimination d’un général iranien (en Irak) fait peser de lourdes menaces sur la stabilité, déjà très précaire, de cette poudrière du monde. Les Américains semblent surtout avoir voulu saisir l’opportunité de supprimer un ennemi dangereux. On peine en tout cas à voir dans cette action militaire une stratégie bien charpentée.
Pourquoi en effet l’avoir menée maintenant ? L’administration US a-t-elle bien réfléchi à l’escalade potentielle qui peut en résulter ? L’Iran, fort de troupes au moral d’acier, dispose en effet d’un grand avantage militaire dans la région. À présent, ce pays a l’excuse toute trouvée pour pousser encore son avantage. Mais les dirigeants iraniens savent aussi qu’une telle stratégie échouera à long terme et minera donc leur régime.
Ils ont bien conscience du piège tendu par les États-Unis qui se sont préparés à leur réaction militaire massive. Il est donc beaucoup plus vraisemblable que le régime iranien se vengera à des endroits inattendus, à une échelle plus petite. Intelligents comme ils sont, les mollahs savent que la menace est une arme beaucoup plus efficace qu’un acte concret. Quelques actions bien ciblées sur des pétroliers peuvent nuire beaucoup plus aux économies occidentales.
Les bourses s’inquiètent fort logiquement de cette situation dans la mesure où le conflit américano-iranien semblait plutôt s’orienter vers une solution pacifique. En 2019 aussi, nous avions entamé l’année par une superbe séance boursière avant de subir un recul par la suite. Pourquoi le vivons-nous à nouveau ?
Nous suivons toujours le sentier radieux. Écarts temporaires compris.
Graphique 6 : Évolution de l’indice mondial des actions (en euros, y compris les dividendes nets) depuis 1991
(1) Ce qui a valu à son président le surnom peu flatteur d’Inspecteur Clouseau. Mais il n’est pas charitable de tirer sur une ambulance…
(2) Indice Monde MSCI, exprimé en euros, dividendes nets compris.
(3) Pour vous donner une idée plus précise : la volatilité sur les bourses en 2008 était aussi élevée que les fluctuations des cours des céréales durant la guerre civile américaine dont l’issue a été très longtemps incertaine, contrairement à ce que nous pensons encore aujourd’hui.
(4) Pour certaines valeurs, la punition était cependant amplement méritée : De nombreuses grandes banques européennes auraient été en faillite sans l’aide royale des pouvoirs publics. Les cours boursiers (qui n’avaient pas anticipé un tel soutien des États) reflétaient à l’époque fidèlement la très faible valorisation de ces entreprises. Plusieurs actions technologiques, qui affichaient également un cours boursier excessif en regard de leur valeur intrinsèque, ont subi ensuite la déconfiture qu’elles méritaient.
(5) Les partisans de cette politique rétorqueront qu’elle a permis de renforcer sensiblement la solvabilité des banques européennes. C’est vrai, mais ce renforcement est moins le fruit d’une consolidation de leur base capitalistique que le résultat de la diminution des risques de crédit. Les mesures conservatoires imposées au secteur financier ont donc hypothéqué la croissance économique, précisément au moment où l’octroi de crédits devait jouer un rôle crucial dans la relance de l’activité.