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Cela s’est passé la nuit de Noël (c’est vrai)
23 décembre 2019
Nous nourrissions bien un certain scepticisme à son sujet. Avouez-le : son histoire était tout bonnement incroyable. Sa genèse remonte à la révolution protestante du XVIe siècle qui, parmi les déviances reprochées à l’Église, avait mis à bas tous les saints (idolâtrés), sans leur laisser aucun espoir de rédemption. Le chagrin des petits enfants sages avait permis cependant d’en sauver un, mais par une voie détournée, passant par le Grand Nord. Il signa donc son grand retour sur la scène des miracles enchanteurs à la faveur d’une gigantesque campagne de marketing d’une entreprise américaine, qui en profita pour germaniser son nom en « Santa Claus ». Il envoya ainsi définitivement aux oubliettes le vénérable et véritable « Grand Saint », sauf sur l’étroit territoire des Plats pays..
Le 24 décembre 2018, mon scepticisme à l’égard de ce parvenu a pris cependant un tour inattendu. Qui d’autre que le Père Noël aurait pu ainsi remettre sur le droit chemin les bourses mondiales où les actions s’apprêtaient à prendre un virage dramatique ? D’un robuste coup de hanches sur son traîneau, il a réussi à empêcher l’indice des actions américaines de sortir de son formidable tracé, à savoir la plus longue période de hausse des cours des actions dans l’histoire. Lebull run actuel a démarré en effet en mars 2009.
En termes techniques, un bull run est rompu lorsque l’indice des cours recule de plus de 20 % par rapport à son niveau le plus haut. Certes, intraday, la glace s’était fendue mais, à la clôture au réveillon de Noël, cet indice n’avait perdu « que » 19,50 % par rapport à son dernier sommet. Depuis ce creux légendaire, l’indice S&P américain a progressé de 37 % (chiffre arrêté au matin du 23 décembre 2019).
Il y a un an, les oiseaux de mauvais augure avaient cependant tellement noirci les perspectives de l’économie mondiale que peu d’investisseurs osaient avancer des prévisions optimistes pour les marchés financiers en 2019.
Mais nos lecteurs le savaient pourtant bien.
Le lien mécanique entre la perspective d’une nouvelle baisse des taux d’intérêt à long terme et la forte augmentation des primes de risque, que les bourses mondiales exigeaient comme amortisseurs, ne pouvait conduire les cours des actions qu’à rebondir sur leur niveau déprimé de la fin de 2018.
Et vu les anticipations trop pessimistes des résultats des entreprises, ces derniers ne pouvaient presque que surprendre agréablement. La combinaison de taux d’intérêt faibles, de primes de risque en baisse et de résultats d’entreprise meilleurs que prévu était, à nos yeux, la quasi-garantie d’une forte hausse des cours boursiers. Dans notre allocation d’actifs, nous avions donc largement surpondéré les actions, avec un accent particulier sur les valeurs américaines de préférence orientées vers la croissance. Un segment qui est surtout représenté par les entreprises du secteur technologique.
Si ce positionnement a finalement donné le résultat escompté, le chemin haussier n’a pas été parsemé que de roses. En mai et en août, nous avons encore connu une solide correction. Ces coups de mou résultaient chaque fois d’un refroidissement aussi imprévu qu’abrupt des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine. Le conflit entre les deux plus grandes économies mondiales menaçait en effet de se transformer en une guerre de tranchées avec, à la clé, des hausses répétées de tarifs douaniers des deux côtés et une dépréciation de la monnaie chinoise.
De notre côté, nous avions toujours fait observer que de tels bombements de torse et menaces réciproques étaient inévitables dans ce genre de discussions, mais que les deux parties n’avaient aucun intérêt à mener une guerre d’usure. L’économie chinoise commençait en effet – lentement, mais sûrement – à souffrir des entraves imposées à ses exportations. Pour en compenser les effets, le géant rouge ne pouvait plus guère agir sur le taux de change de sa monnaie sans risquer de faire déraper l’inflation. La Chine pouvait d’autant moins prendre ce risque que les prix alimentaires avaient déjà fortement augmenté.
Aux États-Unis, les perspectives conjoncturelles s’assombrissaient à grande vitesse, malgré des baisses successives du taux d’intérêt directeur. Le secteur industriel était particulièrement à la peine. Ce climat défavorable était encore plombé par quelques événements ponctuels à grande résonance, comme la chute des commandes chez Boeing et – à l’aune des standards américains – la longue et très intense grève chez GM.
Un ralentissement conjoncturel, combiné à un recul des exportations agricoles, semble actuellement le seul obstacle susceptible d’empêcher la réélection de Trump en 2020. Nous nous étions donc préparés à un bras de fer émaillé de diversions tactiques, tout en étant convaincus que les deux géants commerciaux finiraient par trouver l’un ou l’autre accord commercial. Et dès qu’il a été annoncé, son contenu précis n’intéressait quasiment plus personne.
Durant tout ce conflit, nous avons gardé la tête froide et conseillé à nos lecteurs de faire de même.
En admettant que l’année 2019 se clôture le 23 décembre (et pourquoi pas, après tout ?), nous pouvons nous réjouir en tout cas des solides performances de la plupart des bourses d’actions, en soulignant au passage que toutes les autres catégories d’investissement peuvent en dire autant. Les actions américaines, chinoises et européennes ont progressé sensiblement, tout comme la plupart des indices relatifs aux performances des obligations et de l’immobilier. Le dollar s’est renforcé de 4 % par rapport à l’euro et même ce bon vieux métal jaune a pris de la valeur sous l’effet combiné de l’extrême faiblesse des taux d’intérêt et de l’appréciation du billet vert.
Graphique 1 : Évolution de divers placements en 2019. Return net en euros.
À présent, nous ne résistons pas au plaisir de nous pencher sur les performances historiques de divers indices d’actions.
Depuis le début de l’année, les indices américains S&P et Nasdaq ont bondi respectivement de 28 % et de 35 % (chaque fois exprimés en dollars), et cela même sans y intégrer les dividendes distribués. Si ces performances ne sont pas inédites, elles n’en restent pas moins extraordinaires. En Europe, les valeurs boursières ont également pris de la hauteur, dans le sillage des principaux indices américains, et cela malgré l’évolution très faiblarde des indicateurs conjoncturels des pays de la zone euro. Nous n’avons jamais mis en avant ostensiblement le risque du Brexit. Au contraire, nous en avons toujours souligné les avantages pour les deux parties.
Les indices boursiers en Europe ont progressé en moyenne de 24 %. En Allemagne, en France et au Royaume-Uni, ils ont gagné respectivement 26 %, 27 % et 13 % (chaque fois exprimés dans leur devise). En 2019, la livre sterling s’est appréciée de 6 % par rapport à l’euro.
Ces chiffres se révèlent surtout intéressants dans une perspective historique. Dans les comparaisons, nous nous limitons à l’indice prix. Ce faisant, nous sous-estimons le résultat des investissements puisque, si nous y intégrions les dividendes distribués, les performances annuelles apparaîtraient sous un plus beau jour encore. Nous avons mesuré les returns du 23.12.2018 au 23.12.2019, en guise d’approximation pour les returns de 2019.
Graphique 2 : Returns annuels des actions aux États-Unis (S&P composition en dollars, sans dividendes)
Au cours des 40 dernières années, seule 1995 a connu une hausse des cours encore plus importante. À l’époque, l’indice avait clôturé l’année sur une augmentation de 35 %, après la chute des taux d’intérêt à long terme et l’enthousiasme croissant à l’égard des perspectives de gains de productivité promis par la révolution Internet. En 2019, les hausses marquantes des bourses mondiales ont été nourries surtout par les espoirs de résolution du conflit commercial sino-américain, la faiblesse des taux d’intérêt à long terme, la baisse des taux directeurs des banques centrales et les résultats d’entreprises meilleurs que prévu (aux États-Unis).
L’indice mondial, exprimé en euros, a également réalisé un bond spectaculaire de 30 % en 2019, mais une telle progression est moins exceptionnelle. En 1999, 1993, 1983 et 1980, les hausses annuelles avaient affiché respectivement 43 %, 33 %, 30 % et 34 %. À chaque fois, le cours du dollar avait joué un rôle déterminant.
Graphique 3 : Returns annuels des actions Indice mondial (MSCI Monde en euros, sans dividendes).
Malgré la faible conjoncture sur le Vieux continent, l’indice des actions européennes a clôturé l’année sur un gain de plus de 24 %. Une performance réjouissante, mais qui s’est déjà produite plusieurs fois au cours de ces 40 dernières années.
Ainsi, les années 2009, 1998, 1993, 1985 et 1983 ont livré encore un meilleur cru boursier que la hausse enregistrée en 2019. En cause : sans aucun doute, le secteur bancaire (d’un poids toujours très lourd en Europe) dont la performance a été inférieure cette année de quelque 10 % à celle du reste des actions.
Graphique 4 : Returns annuels des actions Europe (MSCI Europe en euros, sans dividendes).