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Rapport trimestriel Q4 2022
6 janvier 2023
Auteur: Vincent Coppée, gestionnaire de fonds d’Argenta Asset Management
Le dernier trimestre de 2022 s’est décomposé en deux phases sur les marchés boursiers : l’optimisme a régné jusque fin novembre, porté par l’espoir d’un reflux progressif de l’inflation et de la fin prochaine des hausses de taux des banques centrales. En décembre, les craintes grandissantes de l’approche d’une récession globale ont provoqué un retournement baissier des indices. Seule la Chine a connu un parcours inverse, rythmé par les changements apportés à la politique zéro-COVID. Les marchés obligataires ont suivi un parcours assez similaire : une baisse des taux longs dans un premier temps suivie d’une remontée, en particulier en Europe. Au final, 2022 a été une année difficile pour les deux classes d’actifs, un phénomène que l’on n’avait plus observé depuis des décennies. L’année 2023 débute dans un contexte toujours chargé d’incertitudes, tant au niveau économique que géopolitique.
Des rendements (presque) partout négatifs en 2022
2022 restera dans les annales financières comme l’une des rares années où l’on aura observé des résultats négatifs, à la fois sur les actions et les obligations. Et le dernier trimestre n’y aura rien changé. Tous les profils de portefeuille ont par conséquent vécu une période difficile tout au long de l’année.
Toutes les grandes régions ont terminé dans le rouge sur les marchés d’actions
Exprimé en Euros, l’ensemble des grandes régions boursières a connu une baisse. L’Europe, les États-Unis et le Japon terminent à des niveaux proches, tandis que la Chine a connu le parcours le plus décevant et que l’Inde a offert la plus grande résistance (voir graphique ci-dessous). Le dernier trimestre n’a pas aggravé la situation mais n’a pas non plus permis de redressement siginificatif, malgré une tentative de rebond en octobre et novembre.
Des performances très dispersées au niveau sectoriel
Il est intéressant de constater les différences assez importantes au niveau des rendements des différents secteurs économiques (voir graphique ci-dessous).
Le secteur énergétique est sans surprise le grand gagnant, porté par l’explosion des cours des matières premières provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les secteurs plus défensifs tels que les soins de santé, les services publics et les biens de consommation non durables ont terminé l’année sur une note stable.
Par contre les secteurs liés à la croissance et sensibles à l’inflation et à la hausse des taux d’intérêt ont particulièrement souffert. On retrouve ici le secteur technologique, l’immobilier ou encore les biens de consommation durable.
Les obligations : un recul historique
L'explosion de l’inflation, d’abord initiée par les problèmes de chaînes d’approvisionnement liés à la pandémie, puis exacerbée par le conflit russo-ukrainien, a provoqué une remontée très rapide des taux d’intérêt, d’autant plus impressionnante qu’on partait de niveaux très faibles, voire négatifs.
Qui dit hausse des taux, dit baisse des cours des obligations en circulation. Le choc a été violent pour l’ensemble de la classe d’actifs, que ce soit les obligations d’État ou d’entreprises.
Cours obligations d'état à 10 ans en EUR
Cours obligations d'entreprises en EUR
On peut observer sur les deux graphiques ci-dessus des chutes de cours qui excèdent souvent les reculs des marchés d’actions ! Dans ce contexte exceptionnel, la tâche des gestionnaires de portefeuille s’est avérée très ardue. Au sein d’Argenta Asset Management, nos efforts se sont surtout concentrés sur la diversification et la maîtrise des risques, et les dégâts ont pu être limités par quelques choix actifs au sein du portefeuille obligataire.
L’inflation : entre niveaux toujours élevés et espoirs de décrue
Inflation globale et inflation de base
Les chiffres de l’inflation restent toujours à des niveaux élevés, mais commencent à montrer des signes de retournement ces derniers mois. C’est surtout le cas aux États-Unis, tandis qu’en Europe l’inflation nominale se situe toujours au-dessus de 10 % (voir graphique ci-dessous).
Mais cette décrue est surtout due à une détente sur les cours de l’énergie, y compris du gaz naturel. L’inflation hors énergie et alimentation ne suit pas encore le même chemin.
La résilience du marché de l’emploi
La raison principale de la résilience actuelle de l’inflation dite « de base » se trouve dans la force du marché de l’emploi des deux côtés de l’Atlantique. Les taux de chômage restent particulièrement faibles, et logiquement cela exerce une pression haussière sur la masse salariale qui constitue une grande partie de cette inflation.
Taux de chômage États-Unis et Eurozone
Taux de chômage et salaires: États-Unis
Les raisons de cette résistance du marché du travail sont diverses. Tout d’abord on évoque régulièrement un phénomène de rareté couplé à ce qu’on appelle la « grande démission » : la longue période de pandémie et de confinement a stimulé la réflexion de nombreux employés sur leur travail et a encouragé leur ouverture au changement. Et ces changements s’accompagnent souvent d’exigences salariales plus élevées.
D’autre part du côté des employeurs, on est beaucoup plus hésitant que dans le passé pour licencier du personnel que l’on récupérera peut-être avec beaucoup de difficulté par la suite, et dès lors on préfère, par exemple, réduire le nombre d’heures de travail par travailleur.
Ces dernière semaines ont cependant été marquées par une série d’annonces de vagues de licenciements, notamment chez Amazon, Meta ou Goldman Sachs. C’est typiquement le signe d’un affaiblissement progressif du marché de l’emploi dans les prochains mois.
L’attitude des banques centrales au cœur des préoccupations
Dans ce contexte de lutte contre l’inflation, la politique des banques centrales est devenue le centre de l’attention des investisseurs. On voit très clairement depuis le printemps dernier que les rebonds et les corrections sur les bourses mondiales sont directement liés aux espoirs entretenus ou déçus de voir le resserrement des taux directeurs faire son effet sur les chiffres d’inflation, ce qui permettrait d’entrevoir la fin du cycle de hausse des taux.
Ce dernier trimestre a été une nouvelle fois un modèle du genre : en octobre et novembre les marchés se sont progressivement convaincus que la Réserve fédérale américaine (FED) et la Banque centrale européenne (BCE) allaient parvenir à leurs fins très bientôt, que l’inflation allait rapidement chuter dès 2023 et que la politique monétaire restrictive prendrait bientôt fin. Et puis les discours toujours assez belliqueux de Jay Powell et Christine Lagarde en décembre ont de nouveau refroidi l’atmosphère.
La FED ralentit le rythme des hausses, mais reste ferme dans son discours
Aux États-Unis, les derniers chiffres de l’inflation montrent un début de décrue dans le rythme de hausse, comme nous l’avons vu plus haut. Le marché a dès lors intégré une réduction de l’ampleur des relèvements de taux par la FED dès le mois de novembre. Et effectivement, lors de sa réunion de décembre, la banque centrale américaine à relevé son taux directeur de 0,50 % au lieu des 0,75 % appliqués lors des meetings précédents. Par contre dans son discours, Powell est resté déterminé à vaincre les pressions inflationnistes et a expliqué que seules des données macro-économiques décideront de la politique de son institution dans les prochains mois. Cela a refroidi les ardeurs de certains qui voyaient déjà la fin des hausses dans un avenir très proche. Comme le montre le graphe ci-dessous, le marché anticipe pour l’instant un sommet du taux directeur autour de 5 % mi-2023.
La BCE poursuit également le resserrement de sa politique monétaire
La Banque centrale européenne poursuit également son effort de lutte contre l’inflation, d’autant que les chiffres de la zone Euro ne montrent pas encore de repli aussi convaincant qu’aux États-Unis. La présidente Christine Lagarde a d’ailleurs étonné par son ton très combatif lors de la dernière réunion de la banque. Cette détermination est également en partie à l’origine de la remontée partielle de l’Euro par rapport au dollar, car le différentiel des taux réels s’est récemment réduit entre les deux régions. Le marché continue à anticiper une poursuite des relèvements du taux directeur de la BCE en 2023 vers 3,5 %, comme le montre le graphe ci-dessous.
Quelle ampleur pour la récession à venir ?
Un débat toujours en cours, mais dont l’issue fait peu de doute
La communauté des économistes est toujours partagée sur la forme et l’ampleur que prendra la récession qui frappe à nos portes. Quelques voix s’élèvent même pour expliquer qu’elle est encore évitable. Et il est vrai que lorsque l’on se penche sur certains chiffres comme les indices ISM des directeurs d’achats (considérés comme des indicateurs fiables à ce niveau), on doit constater que l’économie résiste de son mieux. On a même assisté à un léger rebond en décembre (graphe de gauche ci-dessous). Mais c’est surtout le secteur des services qui tient bon jusqu’à présent. Au niveau de l’industrie, la faiblesse est plus présente. Les nouvelles commandes à l’industrie aux États-Unis sont tombées en zone de contraction (sous 50) comme on le voit sur le graphe de droite.
PMI/ISM
États-Unis: nouvelles commandes dans l'industrie
La consommation comme facteur décisif
Le soutien principal de la croissance a été indubitablement la consommation ces derniers mois. Soutenus par un marché du travail solide, les ménages ont continué à consommer, en utilisant également l’épargne accumulée durant la pandémie. Les tous derniers chiffres de décembre ont cependant montré un recul des ventes au détail aux États-Unis, malgré l’effet saisonnier traditionnellement positif des fêtes de fin d’année (voir graphe ci-dessous).
Un facteur important à suivre est le marché immobilier aux États-Unis, car il constitue un élément important dans l’état de richesse des consommateurs. Et l’on constate ci-dessous que tant les ventes de maisons neuves que les demandes de permis de construire reculent fortement depuis le début de 2022. L’effet de la très forte hausse des taux de crédit est bien entendu en cause. Il est difficile d’imaginer que ce recul n’aura pas des conséquences néfastes sur la croissance dans les prochains mois.
Le pouvoir prédictif de la courbe des taux
Enfin, donnons la parole au marché obligataire qui est considéré comme un prédicteur efficace des risques de récession au travers de la courbe des taux d’intérêt. Pour rappel, une courbe des taux inversée, caractérisée par des taux à court-terme (1 an) plus élevés que les taux à long-terme (10 ans), annonce un récession prochaine. En effet, tandis que les banques centrales poursuivent le relèvement de leurs taux directeurs afin de combattre l’inflation (influençant directement les taux courts), les investisseurs anticipent un affaiblissement futur de l’économie et donc des taux à plus long-terme, et accumulent des positions sur la partie plus longue de la courbe.
Le graphique ci-dessous est sans appel : la courbe est fortement inversée, encore bien plus qu’en 2007 ou 2019 qui ont précédé les deux dernières phases de récession. Ici en tous cas, le doute ne semble donc plus permis. Un scénario de risque systémique comme en 2008 est cependant toujours exclu à l’heure actuelle.
2023, un lot d’incertitudes
On le voit, le contexte économique et financier reste difficile. Et si l’on considère ce que 2023 pourrait nous apporter, il faut admettre que les incertitudes et les risques continuent à abonder.
Les décisions de gestion
Les circonstances économiques et financières difficiles en 2022 ont incité les gestionnaires d’Argenta Asset Management à adopter une attitude prudente dans leur allocation d’actifs dès le début de l’année écoulée. Cette politique a été maintenue et même accentuée au fil des mois. Lors du 4e trimestre nous n’avons pas changé notre fusil d’épaule, malgré l’accès d’optimisme observé pendant la première partie du trimestre. De nombreux éléments qui ont été évoqués plus haut dans l’article plaident toujours pour une gestion défensive du portefeuille.
En conséquence, la sous-pondération en actions a été maintenue au même niveau. A l’opposé, les obligations et les liquidités restent surpondérées.
Conclusion
2022 a été une année exceptionnelle à bien des égards, dont le déroulement au niveau politique, économique et financier a surpris la grande majorité des investisseurs. En particulier la combinaison d’une mauvaise année sur le marché des actions et le marché obligataire a été un défi très difficile à relever pour les allocateurs d’actifs.
Dans ce contexte difficile, les gestionnaires d’Argenta Asset Management ont redoublé d’efforts au niveau de la sélectivité des investissements et de la diversification des risques dans les portefeuilles. Maintenir une vision à long terme est également un élément crucial pour obtenir un bon rendement sur un horizon temporel. L’année qui commence est entourée de son lot d’incertitudes et de risques potentiels, mais apportera sans aucun doute également des opportunités que nous comptons saisir en temps opportun. C’est la base essentielle d’une gestion active de portefeuille.
Entretemps, la gestion se concentre sur un portefeuille largement diversifié dans lequel nous plaçons les bons accents et nous réagissons activement aux conditions de marché actuelles. Notre ambition est d’apporter une solution d'investissement adaptée au profil de risque de chaque client, quelques soient les circonstances. C’est l’engagement que nous maintenons envers notre clientèle.
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